Trump ou Biden: les Franco-Américains craintifs
Ils sont nerveux, modérément optimistes, mais aussi craintifs face à l’après-scrutin, appréhendant même des actes de violence. Des francophones vivant aux États-Unis, interrogés sur cette campagne électorale présidentielle hors de l’ordinaire, sont sur le
«C’est assez inquiétant tout ce qui se passe. Ce sont des choses que je vois venir depuis deux ans. C’était écrit dans le ciel depuis le début.»
Le Louisianais Richard Dunn avait prévu l’élection de Donald Trump en 2016. Il entrevoit maintenant le pire advenant sa défaite.
«Ça risque de barder ici. Ça risque vraiment de chauffer. Je crains des violences.»
Les ancêtres de Richard Dunn sont arrivés en Louisiane au début du 18e siècle, avant les Acadiens. Habitant de La Nouvelle-Orléans, il est consultant en communications et promoteur touristique. Il a oeuvré dans plusieurs institutions publiques, dont comme directeur général du Conseil pour le développement du français en Louisiane (CODOFIL), l’agence gouvernementale qui promeut le français en Louisiane. Il est un ardent défenseur du fait français et créole dans l’État.
M. Dunn se désole de voir son pays devenu une espèce de Far West des temps modernes, avec la prolifération des armes qui ne cesse d’augmenter.
«Mardi prochain, on risque de voir des gens armés autour des bureaux de vote pour contrôler les entrées. Il n’y a aucun système pour gérer ces situations.»
ALAIN CHARBONNIER: ON NE SAIT JAMAIS AVEC TRUMP
Alain Charbonnier demeure depuis cinq ans à Los Angeles, où il a fondé MyExpat.US, une entreprise qui offre des services de consultation aux expatriés. Lui-même Belge, il avait déjà vécu auparavant aux États-Unis et travaillé comme cadre pour des Silicone Valley.
Installé à Los Angeles un an avant l’élection de Donald Trump, il a assisté à l’arrivée d’un président qui n’avait aucune expérience politique.
«Dans l’approche des affaires de l’État [Donald Trump partait] de zéro, avec une culture politique qui était proche de zéro. Ce qui veut dire que les mécanismes internationaux, il [en] avait une incompréhension totale.»
Comme plusieurs aux États-Unis, Alain Charbonnier craint «l’après-élection» et les réactions si c’est Joe Biden qui l’emporte, sauf si le résultat est décisif.
«S’il y a une différence importante et qui, au-delà de toute contestation, fait que le résultat est clair, je ne pense pas qu’il y aura des difficultés.»
Alain Charbonnier ne s’étonne plus de rien. Il évoque, en cas de défaite du président, un scénario entendu voulant que Trump réussisse à échapper aux poursuites contre lui par un coup digne des maîtres aux échecs: en démissionnant avant l’assermentation de Biden.
«Peut-être qu’il essaiera de faire ça pour demander à son ancien vice-président de l’absoudre d’un certain nombre de crimes. On sociétés de la pourrait tout voir parce que, bon, jusqu’ici, on est dans du jamais vu dans plein, plein, plein de sujets. On peut tout imaginer.»
NATHAN RABALAIS ET LE GOMBO POLITIQUE LOUISIANAIS
Professeur et chercheur au Centre d’études louisianaises de l’Université de Louisiane à Lafayette, Nathan Rabalais est également poète et a réalisé un documentaire, Finding Cajun, sur l’évolution de l’identité cadienne en Louisiane.
C’est un spécialiste de la Louisiane francophone, à ne pas confondre avec les Cadiens ; seulement une minorité de ceux-ci parlent français, et plusieurs francophones de Louisiane ne sont pas Cadiens.
Dans cet État très républicain, la division politique est à la fois un fait de génération et de langue.
«La population francophone en Louisiane est hétéroclite, explique Nathan Rabalais. Les francophones qui sont plus âgés seraient peut-être majoritairement républicains. Il y a aussi beaucoup de Cadiens qui ne parlent pas français.»
«Puis, tu as des jeunes qui sont beaucoup plus impliqués dans le mouvement pour développer le français et qui sont souvent plus progressistes et libéraux. Il y a aussi beaucoup de francophones et créolophones de couleur, et on sait que les Noirs aux États-Unis ont plutôt tendance à voter pour les démocrates. Donc, on ne peut pas vraiment généraliser en parlant des francophones en Louisiane!»
Nathan Rabalais souligne que sa propre identité politique n’est pas tout à fait claire:
«Moi-même, je ne sais pas si je suis vraiment démocrate parce que je trouve que le parti n’est pas suffisamment progressiste. Mais je ne m’identifie pas du tout avec le Parti républicain d’aujourd’hui! Ce qui se passe avec Trump et la gestion de la crise sanitaire, c’est la catastrophe. Si Trump n’est pas réélu, je pense qu’il sera très difficile pour le parti de se retrouver une identité.» ■