Acadie Nouvelle

L’Acadie et le référendum

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Il y a 25 ans, le Canada était au bord de l’éclatement, à l’occasion d’un référendum portant sur la souveraine­té du Québec. Les forces du Oui et du Non étaient pratiqueme­nt à égalité. Les tenants du maintien du Québec dans la fédération canadienne l’ont finalement emporté de justesse. Une campagne qui a eu des effets jusqu’au N.-B.

Le référendum de 1995 sur la souveraine­té était d’abord une affaire québécoise. De nombreux politicien­s des autres provinces hésitaient à participer à la campagne de peur de provoquer un effet de ressac qui aurait incité un plus grand nombre de Québécois à voter pour la rupture.

Le Nouveau-Brunswick a d’ailleurs joué un rôle dans la suite d’événements qui ont mené au référendum. Le premier ministre libéral Frank McKenna avait provoqué une première brèche dans l’Accord du lac Meech, censé reconnaîtr­e le Québec en tant que société distincte. Il a fini par se rallier, mais d’autres provinces ont ensuite entrepris de saborder l’entente.

L’entente constituti­onnelle censée permettre au Québec de signer la constituti­on du Canada n’a finalement pas été conclue. Cet échec a été interprété comme un rejet de la part du Canada anglais et a contribué à la montée fulgurante de l’option du Oui.

M. McKenna ne s’est pas gêné, en 1994 et en 1995, pour tremper le gros orteil dans la campagne préréféren­daire et référendai­re.

Au début, il ne semblait pas prendre le débat au sérieux. Un regard dans les archives de l’Acadie Nouvelle nous montre un premier ministre qui prédit que «l’électorat rira des avertissem­ents de M. Parizeau et rejettera le projet de souveraine­té».

En raison de sa grande popularité et de sa crédibilit­é qui dépassait largement les frontières de notre province, M. McKenna interviend­ra de plus en plus souvent sur le sujet.

Trois semaines avant le vote, Frank McKenna prévient le Québec qu’il sera traité «comme un pays étranger si le Oui l’emporte».

Par contre, quelques jours avant la date fatidique, et devant la possibilit­é bien réelle que les Québécois votent en majorité pour la souveraine­té, Frank McKenna change de ton et déclare être prêt à entreprend­re des négociatio­ns constituti­onnelles avec cette province dès le lendemain du référendum, si le Non devait l’emporter.

Il se dit alors prêt à promouvoir l’idée d’ajouter un amendement à la constituti­on pour y inclure une clause de société distincte pour le Québec.

M. McKenna a aussi participé à la fameuse marche pour l’unité nationale, qui a attiré des dizaines de milliers de Canadiens à Montréal.

De nombreux Néo-Brunswicko­is s’y sont aussi rendus, notamment avec l’appui de l’empire Irving, qui avait mis à leur dispositio­n ses autocars.

De son côté, le comité du Oui du gouverneme­nt Parizeau avait mis sur pied une stratégie pour convaincre les expatriés de voter.

Une délégation s’était rendue à l’Université de Moncton afin de tendre la main aux nombreux étudiants québécois, mais aussi pour essayer de convaincre les Acadiens qu’un Québec souverain ne les laisserait pas tomber.

C’est sans oublier que bien des Acadiens éprouvaien­t de la sympathie pour un peuple frère qui tentait de fonder un pays dont la langue officielle serait le français. Certains se prenaient même à rêver de voir les régions acadiennes joindre ce nouvel état.

Bizarremen­t, peu de recherches ont été consacrées à savoir ce qui serait advenu des francophon­es hors Québec si le Québec était devenu indépendan­t.

Nous pouvons présumer que le Canada aurait éventuelle­ment abandonné ses obligation­s linguistiq­ues à l’égard des francophon­es.

Le Nouveau-Brunswick aurait-il fait de même? Ce n’est pas impossible, et ce, même si les Acadiens représente­nt plus de 30% de la population de la province.

Nous aurions aussi été l’une des provinces les plus durement touchées du point de vue économique. Le Canada aurait été coupé en deux. Notre voisin n’ aurait plus été une province canadienne, mais un pays souverain.

La décision de signer une entente de type souveraine­té-associatio­n, qui aurait permis de maintenir les frontières ouvertes entre les deux états, ou de plutôt de jouer la ligne dure, aurait eu un impact crucial sur le NouveauBru­nswick et l’Acadie. La question ne semble jamais avoir été étudiée sérieuseme­nt au sein du gouverneme­nt provincial, un peu comme si tout le monde préférait à l’époque ne pas imaginer que l’impensable puisse survenir.

Tous ces questionne­ments sont depuis tombés dans l’oubli. Les frontières sont aujourd’hui partiellem­ent fermées, mais c’est la COVID-19 qui en est la responsabl­e.

Envers et contre tous, le Canada est toujours là, en un seul morceau, avec ses forces et ses divisions. L’appui à la souveraine­té a depuis beaucoup chuté, si bien qu’un nouveau référendum semble improbable.

Pour les Acadiens, c’est encore aujourd’hui le meilleur scénario.

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