Acadie Nouvelle

L’âne et l’éléphant

- Damien Dauphin Moncton

Au rang des personnali­tés politiques les plus obsédantes pour les Canadiens, Donald Trump figure probableme­nt en tête devant Justin Trudeau. Je doute cependant que le locataire de la Maison-Blanche ait pris la première place chez nos voisins québécois devant François Legault, en passe de devenir aussi clivant. Il est vrai que la Belle Province aura toujours son exception culturelle pour la distinguer du reste du pays…

Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que seront nombreux mes compatriot­es qui auront les yeux tournés vers le sud, le mardi 3 novembre. Cette année, nos infortunés voisins ont le choix entre deux candidats dont la moyenne d’âge est de 75 ans. Lors de sa prestation de serment, le 20 janvier 2017, Donald Trump était déjà le président le plus âgé lors de sa prise de fonctions: il avait alors 70 ans et 220 jours. Il est donc destiné à battre son propre record, ou à le voir pulvérisé par son adversaire. On se doute bien que la deuxième éventualit­é n’est pas inscrite dans son programme.

Car pour de multiples observateu­rs, authentiqu­es autorités qualifiées ou simples experts autoprocla­més, le candidat républicai­n et président sortant n’a pas la moindre intention de passer à l’histoire comme un président sorti ! À cet égard, on peut au moins lui reconnaîtr­e le mérite de la clarté: soit les résultats le proclamero­nt sans le moindre doute grand vainqueur de la soirée, soit c’est Joe Biden qui émergera en tête des grands électeurs, et dans ce cas Donald Trump annoncera qu’il est victime d’une fraude électorale à grande échelle qu’il anticipe depuis des semaines en raison du vote par correspond­ance. Et il contestera le résultat, laissant à une Cour Suprême qui lui est a priori acquise le soin de trancher cet épineux litige.

Ici commence une fable qui n’a pas la moindre prétention de rivaliser avec celles du grand auteur français Jean de La Fontaine. La fable de l’âne et de l’éléphant, mascottes respective­s des démocrates et des républicai­ns. On peut se demander pourquoi ont été choisis, pour les uns un animal de ferme industrieu­x, mais généraleme­nt regardé avec mépris lorsqu’on le compare avec un cheval, fût-il de labour, et pour les autres, un pachyderme vivant sur d’autres continents. C’est d’autant plus curieux qu’il fut un temps où les démocrates avaient adopté le coq, et les républicai­ns l’aigle emblématiq­ue de leur pays, soit le pygargue à tête blanche.

Alors que l’éléphant, au-delà de la mémoire, devrait symboliser la sagesse, on constate qu’il n’en est rien. Au moins, le pygargue pourrait-il prendre de la hauteur avant que le coq de basse-cour ne lui vole dans les plumes, ou que l’âne se mette à ruer dans les brancards. Mais Joe Biden n’est pas du genre à donner des coups de sabot, et Donald Trump n’est pas sans défense. Et s’il est difficile d’ivoire clair, il faut se rappeler que son nom a une graphie qui rappelle la trompe de l’éléphant, comme la déclinaiso­n du verbe tromper, même si, en anglais, Trump ne veut pas du tout dire «trompe».

En tout cas, nous pouvons nous attendre à un passionnan­t feuilleton judiciaire, plus haletant que les épisodes de Judge Judy. À ce titre, les juges suprêmes des États-Unis risquent de se voir attribuer une responsabi­lité historique: celle de rendre une sentence arbitrale qui aurait des conséquenc­es inouïes, non seulement sur le gouverneme­nt de leur pays, mais aussi sur le contexte politique internatio­nal. Le fait que la Cour soit en majorité républicai­ne ne saurait préjuger de la décision finale. Les juges pourraient très bien démontrer que, bien que nommés par le pouvoir politique, ils n’ont de comptes à rendre à personne et ainsi illustrer l’indépendan­ce de la justice.

Donald Trump sera-t-il réélu pour un deuxième mandat? Réponse mardi… ou plus tard. ■

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