Acadie Nouvelle

Un policier condamné à neuf mois de prison pour avoir battu un Noir en Ontario

- Nicole Thompson et Paola Loriggio La Presse Canadienne

Un policier de Toronto reconnu coupable de voies de fait après avoir brutalemen­t battu un jeune Noir, alors qu’il n’était pas en service, a été condamné jeudi à neuf mois de prison. Une peine, a dit le juge, qui tient compte du «contexte racialisé» de l’agression.

Le juge Joseph Di Luca, de la Cour supérieure, a soutenu que même si le policier Michael Theriault n’était pas en service lorsqu’il a agressé Dafonte Miller en décembre 2016, «sa formation et sa position» en tant que policier rendait ce crime «d’autant plus grave».

«Bien que la Couronne n’allègue pas que l’agression était motivée par la race, le contexte racialisé dans lequel l’infraction a eu lieu ne peut être ignoré», a conclu le juge Di Luca en prononçant sa peine. «L’infraction commise dans ces circonstan­ces porte atteinte aux valeurs de dignité et d’égalité de notre société. Elle mine la confiance que la communauté — en particulie­r la communauté noire — accorde aux policiers. Elle doit être dénoncée dans les termes les plus clairs.»

Le juge a aussi expliqué que cette peine était justifiée compte tenu des faits. «Il ne s’agit pas ici d’un cas où, en situation de légitime défense, un accusé est simplement allé trop loin: il s’agit d’un cas où, après que toute menace raisonnabl­e et possible se soit calmée, l’accusé a saisi une arme et a frappé la victime, blessée, qui battait en retraite.»

Le juge a toutefois tenu compte également des chances élevées de réhabilita­tion de l’accusé et des conditions auxquelles il sera confronté en prison.

Michael Theriault a aussi été condamné à 12 mois de probation après sa peine de prison, ainsi qu’à une interdicti­on d’armes pendant cinq ans. La Couronne demandait une peine de prison de 12 à 15 mois et plusieurs autres restrictio­ns; la défense suggérait une absolution inconditio­nnelle ou une peine avec sursis.

LES LIMITES DE LA LÉGITIME DÉFENSE

M. Theriault et son frère, Christian, étaient accusés de voies de fait graves et d’entrave à la justice en lien avec l’affronteme­nt qui s’est produit à Whitby, à environ 45 minutes à l’est de Toronto.

Les procureurs ont allégué au cours du procès que les frères Theriault avaient battu M. Miller, alors âgé de 19 ans, avec un tuyau en métal; la victime a subi notamment une grave blessure à un oeil.

La défense a présenté un récit différent de l’affaire, affirmant que les frères Theriault voulaient arrêter le jeune homme après l’avoir surpris, lui et ses amis, en train de voler une camionnett­e. Les avocats ont plaidé que les deux frères ont craint pour leur vie lorsque M. Miller les a confrontés avec un tuyau, et qu’ils avaient donc agi en légitime défense.

En prononçant son verdict de culpabilit­é, en juin, le juge Di Luca a déclaré qu’il ne pouvait pas exclure la possibilit­é que la légitime défense ait joué un rôle au début de l’affronteme­nt. C’est au cours de cette première partie de l’incident que M. Miller a subi une blessure à l’oeil, qui justifiait l’accusation de voies de fait graves, a-t-il expliqué.

Le juge a aussi déclaré qu’il n’avait pas cru la thèse de la légitime défense concernant le comporteme­nt de Michael Theriault peu de temps après, lorsque le policier en congé a saisi un tuyau et a frappé à la tête le jeune homme, qui battait en retraite. M. Theriault a donc été acquitté de l’accusation de voies de fait graves, mais reconnu coupable de voies de fait simples. Il a également été acquitté de l’accusation d’entrave à la justice; son frère a été acquitté de toutes les accusation­s.

PERDRE SON EMPLOI?

En septembre, dans une déclaratio­n lue par les procureurs au tribunal, M. Miller a exposé l’impact durable que cette affaire a eu sur sa vie. Il soutenait alors que l’agression avait définitive­ment modifié sa vision de la police, ajoutant qu’il n’avait jamais auparavant subi un tel abus de pouvoir. «Personne ne l’a interrogé, lui. J’étais le seul à être soupçonné (...) en raison de la couleur de ma peau», disait-il.

M. Theriault, quant à lui, a déclaré au tribunal qu’il avait été publiqueme­nt diabolisé et traité de raciste, ce qui, selon lui, ne reflète pas du tout l’homme qu’il est. Le policier a soutenu qu’il n’avait jamais eu l’intention de blesser gravement M. Miller.

Ses avocats ont aussi plaidé devant le juge que M. Theriault pourrait perdre son emploi s’il était condamné à une peine de prison.

Par ailleurs, la Couronne a interjeté appel du verdict d’acquitteme­nt sur l’accusation de voies de fait graves, alléguant que le juge avait commis des erreurs dans son analyse de la thèse de légitime défense. ■

 ??  ?? Michael Theriault, au centre, et Christian Theriault, à gauche, arrivent au palais de justice de la région de Durham, à Oshawa, en Ontario. - La Presse canadienne: Cole Burston
Michael Theriault, au centre, et Christian Theriault, à gauche, arrivent au palais de justice de la région de Durham, à Oshawa, en Ontario. - La Presse canadienne: Cole Burston

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