Un orgue de Montréal animera la nouvelle église de Bas-Caraquet
Quand Aldéo Jean pose ses doigts sur les notes du nouvel orgue de l’église SaintPaul de Bas-Caraquet, il revit toute son enfance et son adolescence dans son village natal. Chaque son qu’il parvient à sortir de cet instrument est un peu sa façon pour lui de redonner ce que sa communauté lui a offert.
Démonter et remonter un orgue, c’est un peu comme un meuble IKEA. C’est du pièce par pièce. Depuis mercredi, il s’affaire à redonner vie à cet amalgame de bois et de métal qui assurera prochainement l’accompagnement musical des célébrations religieuses dans l’enceinte.
Vendredi après-midi, sous l’oeil attentif de monseigneur Daniel Jodoin, lui-même organiste à ses heures, et quelques membres du comité de gestion de la paroisse Saint-Paul, ce diplômé du Conservatoire de musique de Montréal en 1998 a pu en tester l’acoustique.
Avec quelques ajustements ici et là, l’instrument sera fin prêt et succédera dignement à l’orgue Casavant détruit dans l’incendie de l’église centenaire et patrimoniale de BasCaraquet en juin 2018.
«Un orgue dans une église, c’est aussi essentiel que les vitraux», estime celui qui est à la fois artiste et artisan lorsqu’il n’est pas travailleur dans les soins de santé à Montréal.
Car Aldéo Jean a eu beaucoup de peine de perdre dans le brasier l’orgue sur lequel il a appris à jouer. C’est ce clavier aux touches usées qui l’a convaincu de se lancer dans une formation musicale à Montréal, loin de chez lui.
«J’ai eu la peine de ma vie, précise-t-il. Surtout que je me préparais à venir donner quelques concerts ici avec l’une de mes chorales. Alors, quand j’ai su qu’on voulait construire une nouvelle église, j’ai tout de suite su que ma priorité serait de trouver un nouvel orgue pour ma paroisse. Je voyais ça comme ma contribution pour tout ce que ces gens m’ont donné.»
Ses recherches n’ont pas été vaines. Il a trouvé l’objet parfait dans une église de SaintBoniface, à Montréal. Il était à vendre. Mais encore fallait-il convaincre Mgr Jodoin.
«J’ai contacté la paroisse de Saint-Boniface et on a accepté de me le vendre. J’ai ensuite convaincu l’évêque. J’ai trouvé en lui un interlocuteur idéal, étant lui-même un joueur d’orgue. Je n’avais que ma confiance en l’instrument pour le convaincre. Il a accepté», poursuit Aldéo Jean.
Avec Karl Wihelm, un facteur d’orgue de Montréal, il a démonté, pièce par pièce, cet orgue datant de 1959 et rénové en 1999. Tout a été emballé soigneusement et amené à BasCaraquet. Le voyage s’est bien passé, à part quelques petites bosses sur les tuyaux pendant le transport. Les consignes liées à la COVID-19 ont été scrupuleusement respectées, assure M. Jean.
«Pourquoi je fais ça? Pourtant, je ne vis plus ici depuis 20 ans. Mais j’aime mon patelin. Ce sont ces gens qui m’ont permis de me construire. J’ai reçu de nombreux appuis de cette paroisse avant mon départ pour le Conservatoire. Il était plus que normal, avec même un peu d’orgueil de ma part, de vouloir donner ce qu’il y a de meilleur pour BasCaraquet. Cet orgue, ce n’est pas de la musiquette. À l’état neuf, ça vaut 250 000$. Je suis très fier d’avoir pu contribuer à ma manière. C’est seulement dommage que je ne pourrai pas moi-même l’inaugurer», dit-il en laissant aller ses doigts sur les claviers. ■