LE COMBAT DES VÉTÉRANS
Cecil D. Long habite à Moncton, où il est né voilà bientôt 75 ans. Mais le Canadien a combattu pour les Américains au Vietnam de 1966 à 1967. Atrocités, sentiment d’absurdité… Beaucoup de ses camarades ont échoué à s’en remettre. Il a réussi.
Le septuagénaire change ses habits dans le studio où il nous accueille, alors qu'il s'apprête à sculpter et à peindre. Le fondateur de l'ancien magasin de mode Cecil D's Men's Clothing à Moncton est aujourd'hui artiste. C'est aussi un père et un grand-père comblé.
Dans la pénombre, il reste toutefois collé au fond de son fauteuil en racontant ce qu'il a vécu il y a cinq décennies, à l'âge de 19 ans.
«Les Vietnamiens n'avaient pas d'armes aussi sophistiquées que les nôtres, donc ils plaçaient beaucoup de pièges, comme des piques empoisonnées qui transperçaient les pieds et des lances de bambous qui entraient en plein dans la poitrine», se rappelle Cecil D. Long.
«Des choses vraiment horribles, contre lesquelles nous n'étions pas adéquatement entraînés.»
Camarades amputés par des explosions d'obus ou empoisonnés par des morsures de serpents… Des choses vraiment horribles, l'ancien membre du corps des Marines en a vu beaucoup lors de combats qui lui ont valu la médaille Purple Heart.
PERDRE UN MORCEAU DE HANCHE
Il se souvient d'avoir traversé des batailles historiques, comme l'opération Hastings, en appelant sa mère. Le jeune homme s'est ainsi rendu, en état de choc, accablé par les atrocités, jusqu'au dernier jour de ses 13 mois de mobilisation, pendant ce qu'il décrit comme une escarmouche minable.
«Il y avait un buisson sous lequel se trouvait un tunnel. Et ce gars surgit de là, épaule son arme automatique et me touche plusieurs fois. Tout ce que je me rappelle, c'est que j'ai essayé de sortir mon pistolet et de ne pas me faire toucher à nouveau. Puis je me souviens d'avoir dit aux camarades que je ne voulais pas rentrer, car je pensais avoir été atteint aux testicules», évoque-t-il.
Sa mauvaise chance lui a fait perdre un morceau de hanche et lui cause des douleurs à la jambe aujourd'hui encore. Sa mauvaise chance ou... un don du ciel.
«Dieu merci, j'ai été blessé parce que ça m'a donné du temps pour réfléchir et penser, s'exclame le vétéran à propos de ses quelques mois de convalescence au retour du front.» ■
J’ai réalisé que j’avais été un pion dans un jeu d’échecs politique, juste un numéro. J’ai donc décidé de ne pas prendre ce que j’avais vécu personnellement.»