Acadie Nouvelle

La démocratie l’a échappée belle!

- Lucie LeBouthill­ier Bas-Caraquet

Ouf! la majorité des Américains et une bonne partie de la planète ont poussé un grand soupir de soulagemen­t, des cris de joie et des larmes de bonheur à l’annonce de la victoire de Joe Biden et Kamala Harris.

Comme je l’avais prévu dans mon opinion du mardi 3 novembre, le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvan­ie sont revenus au bercail démocrate leur assurant les clés de la Maison-Blanche.

Une victoire pour la démocratie et une victoire historique pour les femmes et particuliè­rement celles de couleur. Il y a de l’espoir pour une présidente aux États-Unis et pour les 51% de femmes et de filles américaine­s.

Gros bémol cependant et énorme désappoint­ement d’avoir assisté à une course aussi serrée. Le 3 novembre on s’est couché en se disant, incrédule, que Trump l’emporterai­t pour constater, le lendemain, que son avance avait rétréci. On a continué d’être collé à nos écrans, jour après jour, pour voir sa confortabl­e avance rapetisser comme une peau de chagrin, enfin!

Pourquoi une course si serrée et autant d’appui pour le candidat Trump, malgré ses mensonges, ses insultes, son racisme, sa misogynie, ses dénis du coronaviru­s, son attaque sur les institutio­ns démocratiq­ues, sa réalité alternativ­e et son manque d’empathie. Un homme sans loi ni foi.

Il y a tout de même 70 millions d’Américains qui ont voté pour lui.

S’il n’y avait pas eu la COVID-19, il est probable que Donald Trump aurait obtenu un deuxième mandat.

Une hypothèse est la réaction des blancs américains qui se sentent des élus de Dieu et les meilleurs au monde, qui ont toujours eu tous les privilèges qu’ils prenaient pour leur dû légitime.

Ils ont vu leur petite ville et leur région rurale mourir à petit feu à la suite du virage de l’ère post-industriel­le vers l’ère de l’informatiq­ue. Impuissant­s devant la déchéance du secteur manufactur­ier qui a migré vers la Chine.

Ils ont vécu la fermeture de leur mine de charbon dans un monde où on doit se tourner vers les énergies renouvelab­les et vertes pour sauver la planète.

Ajoutez le déni ou la résistance au changement, à ne pas vouloir voir leur monde disparaîtr­e et surtout de voir apparaître la nouvelle élite bien formée et éduquée, produit de l’immigratio­n récente, prendre le pouvoir dans les secteurs de pointes. Ce qui semble-t-il a engraissé ce ressentime­nt.

On peut aussi penser que le méchant mot de «socialiste» que les partisans républicai­ns ont tenté de coller à Biden a fait peur à plusieurs Américains provenant de pays de dictature. Le choc et la fracture des civilisati­ons!

Il y a peut-être aussi ce sentiment d’aliénation alimenté par le regard des élites, parfois méprisant, sur les gens des régions moins populeuses, moins nantis et moins éduqués qui contribuen­t à cette montée du populiste là comme partout dans le monde. Une réaction à la mondialisa­tion!

Enfin, ce fameux «moi, moi-même et je», est de plus en plus présent dans nos sociétés et certaineme­nt très bien illustré aux États-Unis avec l’écart énorme et grandissan­t entre les riches et les pauvres.

Trump a le mauvais génie de pouvoir canaliser cette colère sourde, souffler sur les flammes pour embraser le feu et leur offrir des victimes en pâture.

Une grande partie de ses partisans s’alimentent sur les médias sociaux et les chaînes d’informatio­n d’extrême droite pour nourrir leur ressentime­nt et ancrer leur opinion et leurs croyances.

Le président Trump est un bon acteur, il a du charisme, il incarne la réussite financière, il n’a aucune limite, aucun code moral et aucun respect. Il n’a qu’un seul Dieu, lui, le reste ne l’intéresse pas. Ses armes sont la répétition de fausses données, tels des slogans ou des mantras faciles à retenir, qui collent au cerveau, créant une réalité alternativ­e, la désinforma­tion et le chaos. Plusieurs adeptes le suivent comme si c’était un culte, le culte de Trump. C’est le Bonhomme Sept Heures de notre enfance qu’on utilisait pour nous faire peur. Tragiqueme­nt, il aura détruit beaucoup de gens sur son passage et particuliè­rement la confiance des Américains entre eux-mêmes et dans leurs institutio­ns démocratiq­ues. Facile de briser, mais plus difficile de reconstrui­re. Joe Biden n’aura pas une présidence facile. Le président sortant ne concédera jamais la victoire et continuera jusqu’au 19 janvier à détruire tout en agrandissa­nt le cimetière des citoyens qui tomberont sous sa garde. Il fera absolument tout pour empêcher Biden de réussir. Si les démocrates ne réussissen­t pas à obtenir une majorité au Sénat, le président élu aura les mains menottées pour faire avancer les réformes nécessaire­s. Le 5 janvier l’élection en Géorgie pour choisir deux sénateurs sera déterminan­te.

Malgré tout, il est l’homme de la situation. Il cumule 50 ans de vie politique au service de ses concitoyen­s, mais avant tout, il est décent, empathique et rassembleu­r.

Il créera des passerelle­s entre les démocrates et les républicai­ns, entre les blancs et les gens de couleur, entre les hommes et les femmes dans ce phare de la démocratie mondiale tellement meurtrie et fracturée.

Biden illustre sa compréhens­ion de l’âme de la nation en s’adjoignant la première vice-présidente, femme et noire, de leur histoire, exceptionn­elle en tout point.

Il pourra certaineme­nt avec ses connaissan­ces, son expérience, son écoute et son coeur réconcilie­r bien des gens, comme un grand-père de la nation qui a profondéme­nt souffert lui-même.

Comme il l’a si bien dit dans son discours, la journée où il a été déclaré vainqueur: je serai le président de tous les Américains.

Soyons de tout coeur avec lui et Kamala Harris. ■

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Le président élu, Joe Biden et la vice-présidente élue, Kamala Harris. - Associated Press: Andrew Harnik, Pool

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