Mathieu Cyr: le hockeyeur devenu entraîneur en France
En 2002-2003, la Ligue midget AAA du Nouveau-Brunswick et de l’Île-duPrince-Édouard regorgeait de plusieurs joueurs de talent qui ont depuis laissé une empreinte durable dans l’imaginaire des amateurs de hockey. On a qu’à penser à Luc Bourdon, Adam McQuaid, Christian Gaudet, Justin Bowers, Billy Bezeau, Jordan Clendenning, JeanClaude Sawyer, Justin Vienneau, Dean Ouellet ou encore Geoff Walker. Mais saviez-vous que le champion pointeur, cette saison-là, est un Acadien de Fredericton qui s’est exilé en France afin de poursuivre son rêve. Son nom? Mathieu Cyr.
Dans la dernière année, après 11 saisons dans les différents circuits professionnels au pays de La Marseillaise, Cyr a décidé de tirer un trait sur sa carrière de joueur pour entamer un nouveau chapitre en tant qu’entraîneur.
En 289 matchs professionnels, séries éliminatoires incluses, Cyr a totalisé 171 buts, 214 mentions d’aide et 385 points.
«J’ai décidé d’arrêter de jouer parce que j’avais plusieurs petits bobos qui me gênaient constamment. Parmi ceux-ci, il y avait des maux de dos et des tendinites aux deux poignets. De plus, comme mon épouse Johanna et moi attendions aussi notre deuxième enfant, j’avais envie d’être plus présent pour m’occuper du bébé», m’a-t-il confié dans le cadre d’une longue entrevue via Messenger.
«Et puis honnêtement, j’avais aussi perdu cette envie de jouer. J’étais rendu à un stade dans ma carrière où je me contentais de faire ce que l’entraîneur me demandait. À bien y penser, je crois qu’il ne m’en demandait
Le nouvel entraîneur adjoint du Homardi d'Anglet, Mathieu Cyr (à gauche), discute avec l'un des vétérans de l'équipe, l'ancien du Titan d'Acadie-Bathurst Yanic Riendeau. Gracieuseté: Homardi d'Anglet peut-être pas assez pour que je puisse m’exprimer et être heureux sur la glace. De toute façon, comme mon épouse et moi étions revenus vivre à Anglet pour son travail (elle est médecin), je n’avais plus la possibilité d’aller jouer ailleurs», poursuit-il.
«N’empêche que la décision d’arrêter de jouer n’a pas été facile à prendre. Le hockey m’a apporté tellement de choses. Cela dit, je n’ai pas regretté ma décision un seul instant.»
Aujourd’hui âgé de 35 ans, Mathieu Cyr cumule désormais les fonctions d’entraîneur adjoint au sein de l’Hormadi dans le Synerglace Ligue Magnus, le plus haut niveau en France.
De son propre aveu, l’idée de devenir entraîneur lui trottait dans la tête depuis déjà plusieurs années.
«Dès mon arrivée en France, j’ai toujours donné un coup de main au hockey mineur en parallèle avec ma carrière sportive. J’ai donc régulièrement eu la charge d’équipes M11, M13 et M15. Assez rapidement, il était devenu évident qu’une fois ma carrière terminée j’allais me tourner vers l’entraînement au niveau mineur. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait à Anglet en m’occupant de la catégorie M11. Je n’avais toutefois pas envisagé d’entraîner professionnellement, du moins pas avant plusieurs années. Je voulais d’abord prendre de l’expérience», raconte-til.
«Mais, le nouvel entraîneur d’Anglet, David Dostal, m’a contacté cet été pour m’offrir le poste d’adjoint. Il savait que j’avais travaillé pour une compagnie de statistiques avancées (Iceberg) et que j’avais donc une bonne base dans l’analyse vidéo. Il me connaissait aussi pour avoir entraîné des équipes contre lesquelles j’avais joué pendant ma carrière. Je n’ai pas hésité et j’ai accepté sa proposition.»
«Il m’a fait confiance dès le premier jour et je crois que nous formons un bon duo. J’apprends beaucoup à ses côtés. Lors des matchs, je m’occupe des défenseurs et lui des attaquants», affirme-t-il.
Bien sûr, comme Mathieu Cyr a évolué en compagnie de la grande majorité des joueurs de l’Homardi, il a un temps craint la réaction de ses anciens coéquipiers.
«Ç’a d’ailleurs été ma seule crainte. J’avais peur qu’ils me voient comme leur coéquipier et non pas comme leur entraîneur. Mais les gars ont tous été très professionnels avec le changement», assure-t-il.
Évidemment, le hockey est en pause en France puisque le pays entier est en phase rouge en raison du coronavirus.
«Les décisions du gouvernement font que nous ne pourrions pas avoir de spectateurs aux parties, ce qui veut dire aucune rentrée d’argent. La plupart des équipes ne pourraient pas survivre ainsi. Nous espérons qu’un accord financier entre le gouvernement et la fédération française de hockey sur glace va nous permettre de reprendre les parties. Certains clubs sont plus optimistes que d’autres. Ici, à Anglet, nous continuons à nous entraîner comme si la saison allait reprendre dans quelques semaines. J’espère vraiment que nous n’aurons pas à attendre jusqu’à janvier», relate-t-il.
CULTURE DIFFÉRENTE
En attendant, quand on compare la situation en France avec le NouveauBrunswick, on constate que la différence est énorme.
La France enregistre quotidiennement plus de 38 000 nouveaux cas depuis déjà près de deux semaines.
«Quand je discute avec mes parents (Noël et Sylvie) et que nous comparons nos situations, nous voyons très bien la différence, mentionne Cyr. Même si un confinement national est actuellement en vigueur en France, j’ai l’impression que rien n’a changé. Je peux sortir mon chien sans masque jusqu’à un kilomètre de la maison. Je peux aussi faire mon jogging. J’ai l’impression qu’au Nouveau-Brunswick le virus inquiète et fait davantage peur qu’en France. Ici, le coronavirus est presque devenu normal. Mon épouse qui est médecin voit plusieurs cas positifs par jour et nous avons aussi plusieurs amis qui ont été déclarés positifs. Et dans notre équipe, l’un de nos joueurs a dû être isolé pour un cas positif.»
«J’ai l’impression que dès que les Français se retrouvent entre amis ou en famille, les barrières ne comptent plus. Il n’y a alors plus de distanciation sociale (un seul mètre ici), on ne porte plus le masque et ainsi de suite. Le peuple français est très différent de la population du Nouveau-Brunswick. Les Français pensent beaucoup plus à euxmêmes, à leurs droits et à leur liberté. J’adore la France et les gens ici, mais d’une façon générale je crois qu’ils sont moins prêts à faire des sacrifices individuels pour le bien de tous», termine Mathieu Cyr. ■