LE PROBLÈME DE DÉPENDANCE D’ALCOOL NB
Alcool NB est une machine à imprimer de l’argent. L’an dernier, elle a généré un profit de 174 millions $ sur des ventes de 450 millions $. Sa marge bénéficiaire excède de loin celle d’Apple, l’entreprise la plus riche du monde.
Cela dit, les profits spectaculaires d’Alcool NB ne signifient pas pour autant que celle-ci est bien gérée. Ils reflètent plutôt le monopole qu’exerce l’entreprise sur la distribution et la vente de produits, en forte demande, pour lesquels il n’existe pas vraiment d’alternatives.
Le monopole du gouvernement sur le commerce des alcools au NouveauBrunswick remonte à près d’un siècle, au sortir de la prohibition.
Bien que faire de l’argent ait toujours été important pour le gouvernement dans sa gestion du monopole, celui-ci a tout de même pendant longtemps poursuivi d’autres objectifs, comme de limiter l’accès à l’alcool. Depuis quelques décennies, cependant, ce n’est plus vraiment le cas.
Le mantra de la rentabilité à tout prix d’Alcool NB a parfois des conséquences inattendues. Certaines sont cocasses, comme de se faire demander à la caisse si on ne voudrait pas un petit dernier drink mis en vedette sur le comptoir, un peu comme on nous demandait à l’époque chez McDonald si on voulait «un chausson, avec ça?» L’obsession financière d’Alcool NB peut cependant avoir des répercussions pas mal plus fâcheuses. Prenons, par exemple, la politique sur les magasins de franchises adoptée il y a environ un quart de siècle. Plusieurs auront sans doute remarqué que les magasins de franchise se retrouvent à peu près tous dans des petites collectivités situées à une certaine distance des centres desservis par une succursale d’Alcool NB. Cela n’est pas le fruit du hasard. Pour maximiser ses profits, Alcool NB voulait augmenter les ventes en rendant l’alcool plus accessible, mais tout en gardant au minimum la part des ventes sujettes à des commissions payées aux franchisés. Le hic, c’est qu’au Nouveau-Brunswick, l’alcool peut être vendu sept jours sur sept, de six heures à minuit, et que la plupart des magasins de franchise affichent de plus longues heures d’ouverture que les succursales d’Alcool NB.
Combien de gens en état d’ébriété ont pris le volant pour faire le trajet Dieppe-Memramcook ou Tracadie-Brantville pour aller se chercher de la boisson le dimanche soir, avant que l’on ne permette la vente dans certaines épiceries, il y a quelques années?
De la sécurité publique, passons maintenant aux conséquences de l’obsession financière d’Alcool NB sur les consommateurs et les producteurs d’alcool néo-brunswickois. Alcool NB est un acheteur de taille sur les marchés mondiaux. Pour mieux profiter de son pouvoir d’achat, celleci doit cependant faire affaire avec un nombre limité de fournisseurs, ce qui a pour effet de réduire la sélection de produits.
Au total, le nombre de produits distincts offert au Nouveau-Brunswick est environ dix fois plus faible qu’en Alberta, où l’industrie est entre les mains du secteur privé.
Une autre raison qui pousse Alcool NB à réduire la sélection de produits a trait à la logistique: une plus faible sélection réduit les coûts d’administration, d’entreposage, de distribution, etc.
Au cours des dernières années, avec l’essor de la production artisanale locale, la sélection de produits offerts chez Alcool NB a grimpé en flèche. L’an dernier, les produits locaux représentaient environ 28% de l’éventail de produits offerts par Alcool NB.
Il semble que cette diversité accrue soit trop coûteuse aux yeux d’Alcool NB, raison pour laquelle elle a récemment annoncé une nouvelle politique d’approvisionnement en matière de production artisanale locale.
Selon des représentants de l’industrie, ces modifications pourraient mener Alcool NB à retirer jusqu’à 85% des produits locaux de ses rayons, l’année prochaine.
Rien, semble-t-il, pas même l’essor économique de nos collectivités, ne doit faire obstacle à l’obsession d’Alcool NB de maximiser ses profits.