Acadie Nouvelle

LES ENFANTS, GRANDS OUBLIÉS DE LA PANDÉMIE

Le défenseur des enfants, des jeunes et des aînés du Nouveau-Brunswick s’alarme du prix payé par les enfants, en particulie­r les plus vulnérable­s, pour contenir la propagatio­n du virus.

- Simon Delattre simon.delattre@acadienouv­elle.com @Simon2Dela­ttre

«Ce sont les enfants des écoles primaires et maternelle­s d’aujourd’hui qui subiront le plus longtemps les conséquenc­es de la pandémie», affirme d’entrée de jeu Norman Bossé, dans son dernier rapport annuel consacré à la protection des droits de l’enfant à l’heure de la COVID-19.

«Les fermetures d’écoles, l’impossibil­ité d’accéder aux services de santé courants ou le retard dans l’accès à ces services, la capacité restreinte à pratiquer des activités récréative­s et des sports organisés, l’isolement croissant des enfants placés en centre de détention ou enfermés en hôpital psychiatri­que, la limitation des visites aux enfants recevant des services de protection de l’enfance et la pression financière exercée sur les familles contrainte­s de travailler à domicile tout en s’occupant de leurs jeunes enfants ne sont qu’une poignée d’exemples parmi la multitude de manières dont la pandémie a mis les enfants en danger.»

Le défenseur des enfants, des jeunes et des aînés estime que les jeunes néo-brunswicko­is ont été parmi les plus sérieuseme­nt affectés du pays par l’interrupti­on de leur éducation.

Le Nouveau-Brunswick a été la première province canadienne à avoir réagi rapidement en fermant les écoles et a mis bien plus de temps que les autres à offrir des services éducatifs durant cette période de fermeture.

Norman Bossé croit qu’il faudra tirer les leçons des faiblesses du système éducatif mises en lumière par la pandémie, constatant qu’il y a eu très peu d’apprentiss­age formel dans la grande majorité des ménages durant cette période de six mois.

«Les parents ont largement été livrés à euxmêmes en ce qui a trait à l’éducation de leurs enfants, et nous avons entendu de manière anecdotiqu­e que les parents ont universell­ement eu des difficulté­s et largement échoué à poursuivre le développem­ent éducatif de leurs enfants.»

Durant cette période, de nombreux enfants handicapés n’ont plus eu accès aux services de soutien mis à leur dispositio­n à l’école.

Les enfants et jeunes victimes de violence physique, de violence psychologi­que ou de négligence chronique ont soudaineme­nt été privés d’un espace sûr indispensa­ble.

«Les chiffres plus faibles relevés lors des mois de fermeture des écoles inspirent une véritable inquiétude quant au fait que des enfants aient vécu des situations de maltraitan­ce et de négligence sur une période prolongée sans qu’ils ne puissent bénéficier du filet de sécurité offert par les enseignant­s et autre personnel scolaire qui tirent la sonnette d’alarme», peut-on lire dans le rapport, qui note les admissions auprès des services de protection de l’enfance sont de nouveau en hausse, avec des rapports de cas particuliè­rement difficiles.

UNE ÉVALUATION S’IMPOSE

La pandémie de COVID-19 aura exacerbé la précarité de la santé mentale des jeunes, estime M. Bossé, qui presse donc la province d’élaborer une stratégie de prévention du suicide chez les adolescent­s et recommande d’investir davantage dans leur bien-être.

Il rappelle que le Nouveau-Brunswick affiche le taux de suicide parmi les jeunes le plus élevé au Canada et pointe du doigt l’absence de planificat­ion adéquate des congés de l’hôpital.

Le défenseur des enfants demande également au ministère de l’Éducation et du Développem­ent de la petite enfance d’entreprend­re des enquêtes exhaustive­s auprès de tous les élèves afin d’évaluer les répercussi­ons de la situation sanitaire sur leur éducation et leur vie en général.

Cette démarche devra inclure les élèves retirés du système scolaire depuis la rentrée, croit M. Bossé. Actuelleme­nt, le gouverneme­nt provincial n’assure aucune supervisio­n des enfants dont les parents assurent l’école à la maison.

«Nous nous inquiétons beaucoup des élèves qui ne sont pas encore retournés à l’école. Le gouverneme­nt devrait évaluer comment ces enfants se débrouille­nt à la maison. Est-ce qu’ils reçoivent l’éducation dont ils ont besoin? Est-ce qu’ils reçoivent les soins et l’attention dont ils ont besoin?»

COMBATTRE LES INÉGALITÉS

Aussi le document appelle-t-il les acteurs du système éducatifs à redoubler d’efforts pour contrecarr­er les effets disproport­ionnés de la pandémie sur les enfants et les jeunes se heurtant déjà à des obstacles à l’éducation, tels que les élèves handicapés, les immigrants récents, les élèves vivant dans des endroits isolés et les élèves issues de communauté­s pauvres ou vulnérable­s.

Le défenseur des enfants implore finalement les dirigeants de s’attaquer sérieuseme­nt à la pauvreté infantile.

«Le refus du droit d’un enfant à la sécurité sociale et à un niveau de vie suffisant équivaut à un refus de l’égalité des chances et cela doit cesser», écrit-il.

Il rappelle que les enfants issus de familles touchées par la précarité de l’emploi ou présentant des antécédent­s de violence sont exposés à un risque accru de maltraitan­ce ou de négligence.

S’attaquer aux causes profondes du problème nécessiter­ait selon lui «des changement­s sur le plan fiscal», mais aussi la réinventio­n des programmes d’aide au logement, de soutien du revenu et des investisse­ments dans les programmes d’éducation de la petite enfance et de congé parental.

«Un nouveau filet de protection sociale doit être mis en place», plaide-t-il.

En 2018-2019, le pourcentag­e de jeunes néo-brunswicko­is déclarant des symptômes d’anxiété est passé de 33 % à 38 %. Ce chiffre atteint 60% chez les jeunes en situation de pauvreté et 58% chez les jeunes LGBTQ+.

Il en va de même pour le pourcentag­e de jeunes déclarant des symptômes de dépression, qui est passé de 31 % à 38 %. Là aussi, les jeunes en situation de pauvreté (67%) et les jeunes LGBTQ+ (60%) sont bien plus touchés. ■

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Le défenseur des enfants, des jeunes et des aînés du N.-B, Norman Bossé. - Archives
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