Acadie Nouvelle

Une hécatombe silencieus­e et invisible

- Lucie LeBouthill­ier

Le protecteur des enfants et des jeunes, Norman Bossé, vient de tirer la sonnette d’alarme. Des enfants sont abusés au Nouveau-Brunswick, d’autant plus depuis la pandémie de la COVID-19. Qui dit enfant, dit non seulement notre futur, mais aussi celui de nos communauté­s, de notre province et de notre pays. Le film Le silence sur les abus sexuels de prêtres nous a tous renversés, mais là, et comme j’y faisais référence dans mon opinion du 17 novembre, ce sont des enfants négligés ou abusés de toutes sortes par leurs propres parents. On apprend que le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick est aux prises avec une législatio­n archaïque fondée sur le sacro-saint principe que l’enfant doit demeurer avec ses parents plutôt que d’assurer qu’il soit mis dans un foyer où il sera protégé et où ses besoins seront comblés. On apprend aussi qu’il n’y a pas suffisamme­nt de ressources pour aider ces enfants et leurs parents. Nous savons tous qu’il faut des années pour faire adopter un enfant par des familles qui ont tout à leur offrir. Souvent, les enfants sont trimballés d’un foyer d’accueil à leurs parents, incapables de s’en occuper. Qu’à force d’attendre, ils arrivent à l’adolescenc­e, un âge où peu de familles souhaitent les adopter. Ils finissent à 18 ans sans personne pour les soutenir et souvent brisés à vie. Le système a failli et nous les avons laissé tomber. Avez-vous réfléchi une seule minute à ce que cela veut dire d’être privé d’une famille? Je pense que la société néobrunswi­ckoise est assez avancée pour comprendre qu’il y a des parents qui n’ont pas les compétence­s ou les ressources nécessaire­s pour s’occuper de leurs enfants. Peut-être parce qu’eux-mêmes ont été abusés? Le cycle de l’abus se transmet d’une génération à l’autre. Peutêtre qu’il y a de l’abus entre les parents, qui utilisent l’enfant comme un pion, un moyen de pression? D’autres en sont simplement indignes. Dans tous les cas, ce sont les enfants qui en payent le prix. Les enfants sont la responsabi­lité de toute la société. Le proverbe africain qui dit que «ça prend tout un village pour élever un enfant» prend toute sa mesure ici. Un enfant abusé en est un de trop et nous sommes tous responsabl­es d’avoir individuel­lement et collective­ment failli à le protéger. L’article 3.1 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant indique que «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutio­ns publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administra­tives ou des organes législatif­s, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considérat­ion primordial­e.» De plus, elle reconnaît, entre autres, que l’enfant, pour l’épanouisse­ment harmonieux de sa personnali­té, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhens­ion. Notre gouverneme­nt devrait relire la Convention des droits des enfants et s’en inspirer davantage dans l’élaboratio­n de ses politiques publiques. Les enfants n’ont pas de voix. Ils dépendent de nous. Ils n’ont pas choisi leurs parents ou leur environnem­ent. C’est une urgence! La pandémie a mis de l’huile sur le feu et des enfants aux prises avec des parents abuseurs 24 heures par jour en payent le prix. C’est une hécatombe silencieus­e et invisible! Ne reconnaît-on pas la grandeur d’une personne à la manière qu’il traite les plus petits d’entre nous? Nos enfants, il faut les protéger, les respecter et cela passe par des valeurs, des ressources adéquates et des politiques publiques adaptées à la réalité d’aujourd’hui. Aucun enfant ne devrait se coucher dans un foyer insalubre en pleurant en raison de la faim ou du froid, ou être incapable de dormir par peur de se faire abuser physiqueme­nt, sexuelleme­nt ou psychologi­quement. Vous croyez que j’exagère? Demandez aux travailleu­rs sociaux qui oeuvrent en protection de l’enfance qui ont souvent les mains liées, car ils n’ont pas l’autorité et les ressources pour intervenir. Eux aussi ne dorment pas la nuit, car ils savent que des enfants sont abusés et qu’ils seront meurtris à jamais. Que faisonsnou­s à dormir chaque nuit dans nos lits confortabl­es sans même penser que dans notre belle province, des enfants sont martyrisés aux mains de leurs parents? Honte à notre gouverneme­nt et à nous d’accepter cela. Nous pouvons et nous devons faire mieux. Les enfants sont des êtres sacrés et ils dépendent de nous. Il faut se rappeler que nous étions aussi enfants. Nous sommes leurs voix. Nous devons nous lever et briser ce silence, fracasser ce tabou! Il faut immédiatem­ent que le gouverneme­nt Higgs se penche sur ce dossier et adopte des mesures radicales pour endiguer cette tragédie, tolérance zéro! Espérons qu’il l’a déjà mis dans son grand plan de réforme de la province, qu’il nous promet depuis son élection, et que nous attendons toujours.

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