À L’ÉCOLE ENVERS ET CONTRE TOUS
Plusieurs élèves de la Première Nation autochtone de Listuguj – appuyés par des membres de cette communauté – ont transgressé vendredi l’arrêté obligatoire d’urgences du NouveauBrunswick en franchissant la frontière afin de manifester devant le Sugarloaf Senior High School.
«L’éducation est un service essentiel». «Aucun élève ne devrait être mis de côté». «Jamais je n’aurais cru combattre la ségrégation en 2020».
Voilà quelques-unes des pancartes que brandissaient, vendredi matin, les jeunes manifestants de la Première Nation.
Ceux-ci ont pris d’assaut le pont interprovincial avant de franchir la frontière et de déambuler dans les rues de Campbellton jusqu’à leur école secondaire. Une fois sur place, ils ont pénétré dans le bâtiment avec l’assentiment de la direction. Ils y sont demeurés quelques minutes avant de retourner à l’extérieur.
La manifestation s’est déroulée sous les yeux des agents de la Sécurité publique et de la GRC qui ont préféré ne pas intervenir, craignant d’envenimer la situation.
«Bienvenue chez vous, au SSHS», a scandé Donne Metallic, l’une des principales organisatrices de ce rassemblement pacifique qui a rallié une bonne centaine de personnes.
Celle-ci ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour faire remarquer à la foule présente la présence du drapeau mi’kmaq flottant à l’un des mâts de l’école.
«C’est quand même ironique de voir notre drapeau flotter, d’avoir cette reconnaissance, et pourtant de se faire dire que nos enfants ne sont pas les bienvenus dans l’école», a-t-elle lancé.
Plus tôt cette semaine, sa fille, Tutjij Ariel, élève de 12e année au SSHS, avait tenté de réintégrer son école en dépit de l’interdiction provinciale. Elle avait alors été fortement découragée de le faire par les agents frontaliers qui ont brandi la menace de l’imposition d’une contravention.
Cette situation est liée à l’exclusion de Listuguj de la bulle atlantique. Depuis, les élèves du secondaire de cette communauté autochtone gaspésienne ne peuvent franchir la frontière pour se rendre à leur école. Ils reçoivent plutôt un enseignement à distance, dans un local aménagé à Listuguj.
Mais les jeunes, eux, désirent retourner sur les bancs de leur école, avec leurs pairs du Nouveau-Brunswick.
Mme Metallic estime que Québec et Fredericton ne travaillent pas suffisamment fort afin de dénouer l’impasse qui perdure depuis maintenant plusieurs semaines. Elle déplore également l’inaction du gouvernement fédéral.
APPUI DU CHEF
Parmi les manifestants, on retrouvait le chef du conseil de bande de Listuguj, Darcy Gray. Lui et son conseil se rangent derrière l’initiative des élèves et la communauté afin de faire bouger les choses.
«Je pense que nous sommes rendus à un point où il faut absolument faire quelque chose. Ça prend du leadership de la part des gouvernements afin de trouver des solutions à long terme à cette problématique. Mais au lieu de travailler à résoudre le conflit, tant
Québec que Fredericton demeurent camper sur leur position et se rejettent le blâme. Assez c’est assez, il faut que ça se règle, car au final ce sont les élèves qui souffrent dans tout ça», exprime-t-il.
Comme plusieurs, celui-ci trouve par ailleurs ironique que des élèves de sa communauté puissent franchir la frontière pour différentes raisons – comme travailler –, mais qu’on leur refuse l’accès à l’éducation.
«Si vous tentez de trouver une logique dans toute cette situation de la part des gouvernements, vous n’en trouverez pas», prévient-il. ■