Acadie Nouvelle

La récession pourrait influencer le nombre de congés parentaux des pères

Le programme de congé parental mis en place il y a plus d’un an qui visait les pères pourrait être affecté par la pandémie de COVID-19, laisse entendre une étude.

- Jordan Press La Presse Canadienne

Ce programme s’inspire de celui adopté par le Québec, il y a plus de 10 ans. La province est l’endroit où le taux de congé de paternité est le plus élevé au pays.

L’étude publiée en novembre par le Journal of European Social Policy observe que le taux de participat­ion des mères au marché du travail a augmenté de 5% par rapport à l’Ontario, qui n’avait pas un programme de ce genre à l’époque. Les mères québécoise­s étaient aussi moins susceptibl­es de travailler à temps partiel ou d’être au chômage.

Toutefois, les auteurs disent avoir constaté que cet écart a disparu trois ans après la mise en place du programme. Selon eux, la récession de 2008-2009 peut expliquer ce phénomène.

Ce constat soulève des questions sur l’actuel programme pancanadie­n. Celui-ci sera-t-il affecté par la récession encore plus prononcée provoquée par la COVID-19?

«Déterminer si les pères prendront plus ou moins les congés auxquels ils ont droit est un peu regarder dans une boule de cristal, mentionne Andrea Doucet, une spécialist­e des congés parentaux de l’Université Brock, en Ontario. Une partie de tout cela concerne les normes sociales entourant le genre et l’égalité des sexes. La conversati­on [sur les congés de paternité] vient de changer énormément.»

Mme Doucet n’a pas participé à l’étude du Journal of Europeean Social Policy.

Lancé en mars 2019, le programme fédéral permet au deuxième parent de prendre de cinq à huit semaines de congé payé supplément­aires. La durée varie selon que la famille choisit des prestation­s normales ou prolongées. Il a été conçu pour inciter les nouveaux pères à s’absenter du travail pour s’occuper de leurs enfants, même si leur partenaire reste à la maison beaucoup plus longtemps.

La différence entre le programme fédéral d’assurancee­mploi et la version québécoise réside dans le taux de remplaceme­nt du revenu. Au Québec, il est d’environ 70% tandis que celui de l’assurance-emploi est de 55%, jusqu’à une limite.

Selon Allison Dunatchik, l’une des autrices de l’étude, la réussite du programme dépend désormais du nombre de parents admissible­s et de leur capacité à accepter une baisse de revenus.

«On se demande si c’est vraiment une incitation suffisante pour amener les hommes à changer leur comporteme­nt, en particulie­r lorsque nous sommes dans ce contexte de plus grande incertitud­e économique, dit la professeur­e de l’Université de Pennsylvan­ie. Nous ignorons beaucoup de choses sur la manière dont ces politiques se déroulent dans le contexte d’une récession.»

Un rapport publié ce mois-ci par Statistiqu­e Canada indique que la proportion de pères qui ont demandé ou avaient l’intention de demander un congé d’assurancee­mploi avait augmenté à 35,4% l’an dernier, contre 31,3% en 2018 et 29,1% en 2017.

Le ministère de l’Emploi et du Développem­ent social, qui supervise l’assurance-emploi, ne peut pas dire si de nombreux parents ont utilisé la prestation de partage l’année dernière et cette année.

Mme Doucet dit que les taux pourraient en fait augmenter à mesure que de plus en plus de pères travaillen­t à distance et s’occupent des enfants à la maison en raison de la fermeture des écoles ou des garderies. Les recherches laissent entendre que plus les pères sont à la maison, plus ils veulent s’impliquer dans l’éducation.

«Ils veulent être impliqués. Ils ne veulent pas seulement aller travailler le lendemain, souligne-t-elle. Tout cela pourrait avoir des avantages. Il pourrait y avoir des implicatio­ns pour les pères qui travaillen­t à domicile ou pour leur prise de congé.»

Mais selon elle, on doit apporter des modificati­ons au programme.

Mme Doucet et deux coautrices de l’étude ont récemment exhorté le gouverneme­nt à augmenter le taux de remplaceme­nt du revenu et à en faciliter l’accès, en particulie­r à la lumière d’un ralentisse­ment économique affectant de manière disproport­ionnée les femmes.

Dans l’état actuel des choses, environ un tiers des femmes ne sont pas admissible­s aux prestation­s parentales de l’assurance-emploi, déplore Mme Doucet. Elle souligne que bon nombre d’entre elles sont des mères de familles à faible revenu, racialisée­s ou immigrante­s.

«Le congé parental est essentiel pour faire évoluer ces modèles d’égalité des sexes, de sorte que si jamais nous nous retrouvons dans une autre pandémie, les choses pourraient être différente­s», dit Mme Doucet. ■

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