Acadie Nouvelle

La République acadienne imaginée par Mario Doucette

- Sylvie Mousseau sylvie.mousseau@acadienouv­elle.com @SylvieMous­seau1

Si la France avait remporté sa bataille contre l’Angleterre pour regagner l’Acadie, le peuple acadien aurait probableme­nt connu un destin différent. C’est un peu ce que Mario Doucette a imaginé avec son projet artistique de République acadienne qui propose une nouvelle version de l’histoire.

Dans ce monde utopique créé par l’artiste de Moncton, l’Acadie est un pays indépendan­t avec sa propre monnaie et ses timbrespos­te. L’artiste songeait à cette oeuvre conceptuel­le depuis longtemps puisqu’il s’agit d’une composante d’une exposition avec la Galerie Beaverbroo­k prévue en 2021, mais qui a été reportée à 2022.

«J’ai voulu quand même procéder avec ce volet maintenant, vu que toutes mes activités ont été repoussées.»

L’idée a germé à partir d’un tournant dans l’histoire de l’Acadie. En 1746, la France a essayé sérieuseme­nt de reprendre l’Acadie aux Britanniqu­es. Le pays avait envoyé le duc d’Anville avec une flotte de 76 navires de guerre et plus de 13 000 soldats.

Or l’opération s’est avérée un véritable fiasco, soulève Mario Doucette. Le duc d’Anville qui n’avait que 30 ans était inexpérime­nté et n’avait jamais voyagé en mer. Pendant la traversée, ils ont frappé de violentes tempêtes, entraînant la perte d’une bonne partie de la flotte. De plus, la malnutriti­on, le scorbut et la dysenterie ont causé la mort de plusieurs soldats. Lorsque le duc d’Anville est arrivé à Chibouctou (le port d’Halifax), la flotte ne comptait plus que trois navires et quelques transporte­urs. La moitié des soldats étaient morts ou malades. Ce fut donc un échec total non seulement pour les Acadiens, mais pour la France qui espérait regagner l’Acadie et le Canada en même temps. Et l’on connaît la suite des événements avec la Déportatio­n.

«J’ai imaginé que si on avait envoyé quelqu’un de plus expériment­é, un vétéran de guerre qui a voyagé en mer et que la flotte serait arrivée intacte, je pense qu’il aurait pu facilement reprendre la forteresse Louisbourg, Grand-Pré et Port-Royal puis toute notre histoire aurait changé. Il n’y aurait pas eu de déportatio­n. Vraiment, c’est une malchance qu’on a eue», a-t-il partagé.

DES P’TITS LOUIS

Dans le monde idéal imaginé par Mario Doucette, la France a accordé son indépendan­ce à l’Acadie, le 15 août 1882. Le pays a son drapeau, sa monnaie, ses timbres-poste et sa représenta­tion à l’étranger. C’est une nation inclusive et progressiv­e. Émilie LeBlanc alias La Marichette, qui a lutté pour le droit de vote des femmes l’obtient au 19e siècle. Dans cette république très ouverte, La Marichette a été élue présidente et de nos jours, c’est la drag queen Chiquita Mère (Xavier Gould) qui assume la présidence de la république.

Sur la piastre en bronze (de la grosseur d’un huard canadien) à l’effigie de l’ex-premier ministre du Nouveau-Brunswick Louis J. Robichaud, figure aussi la devise de la république acadienne: l’union fait la force. Louis J. Robichaud aurait été le 25e président de la République. Pour les timbres-poste imprimés sur papier qui reflètent l’Acadie d’hier et d’aujourd’hui, Mario Doucette a choisi des symboles historique­s et contempora­ins. En plus du drapeau de la république, du personnage de Charles Deschamps de Boishébert, on y retrouve des oeuvres de la conquête tels que La Dispersion des Acadiens et Victoire – la Mariecomo, ainsi que des personnage­s plus contempora­ins comme Louis J. Robichaud, la Sagouine, Antonine Maillet, Gabriel Sylliboy et Chiquita Mère.

«J’ai voulu intégrer la communauté autochtone. Dans mon univers, il y a certains endroits en Acadie où les langues malécites et mi’kmaques sont des langues officielle­s.»

Comme complément au projet, il propose son propre serment d’allégeance à la Reine. Pour ce faire, il a réalisé une sérigraphi­e sur papier vieilli, d’une reproducti­on fidèle du serment d’allégeance signé par Pierre Boudreau en 1768 (Musée acadien).

Mario Doucette a mis sur pied une campagne de sociofinan­cement afin de recueillir des fonds pour couvrir les frais de production. Il offre différente­s combinaiso­ns à divers coûts. Les gens peuvent donc recevoir des p’tits Louis (monnaie officielle), des feuilles de timbres-poste ou un mélange des deux. Lancée il y a quelques jours, l’artiste a déjà atteint plus de la moitié de son objectif. Soixante-dix personnes ont déjà versé des dons pour plus de 3000$. C’est que la République acadienne semble avoir plusieurs adeptes. Ce projet fera partie de son exposition qui sera présentée à la Galerie Beaverbroo­k en 2022. ■

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