Acadie Nouvelle

Se tenir loin de la mêlée

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Si rien n’a encore été annoncé officielle­ment, tout laisse croire que des élections fédérales pourraient être déclenchée­s dans les prochaines semaines. La tentation sera grande pour le premier ministre Blaine Higgs d’appuyer les troupes conservatr­ices d’Erin O’Toole ou de mener la guerre aux autres partis. Nous l’invitons à s’abstenir. Le Nouveau-Brunswick n’a rien à gagner à prendre le risque de s’aliéner le gouverneme­nt fédéral.

Avec les sondages qui sont favorables aux libéraux, l’autodestru­ction du Parti vert et la chute des appuis aux conservate­urs, de même qu’avec la diminution du nombre de cas de COVID-19, le premier ministre Justin Trudeau et ses stratèges ont déterminé qu’il n’y aura pas meilleure occasion que dans les prochaines semaines pour déclencher des élections.

Cela ne signifie pas qu’il y aura assurément un scrutin cet été ou cet automne. M. Trudeau a toutefois multiplié les indices (et les annonces préélector­ales) en ce sens.

Depuis quelques années, nous voyons des premiers ministres néo-brunswicko­is sauter dans la mêlée.

Ce fut le cas de Brian Gallant, qui a nommé le ministre Dominic LeBlanc coprésiden­t de la campagne libérale provincial­e de 2014. Lors des élections fédérales l’année suivante, M. Gallant avait ensuite clairement fait comprendre qu’il souhaitait avoir Justin Trudeau comme interlocut­eur à Ottawa plutôt qu’un chef d’un autre parti.

Nous avions à l’époque partagé en éditorial nos préoccupat­ions à ce sujet. Le NouveauBru­nswick est une province très dépendante de l’aide d’Ottawa. L’idée de voir le premier ministre de notre province appuyer ouvertemen­t ce qui était alors le chef du troisième parti en importance à la Chambre des communes (les conservate­urs de Stephen Harper étaient au pouvoir; le NPD formait l’opposition officielle) et d’ainsi mettre tous nos oeufs dans le même panier nous apparaissa­it comme étant une stratégie risquée.

Brian Gallant a toutefois remporté son pari. À la surprise générale, les libéraux sont devenus majoritair­es à Ottawa, au grand plaisir de leurs cousins provinciau­x.

Après avoir pris le pouvoir en 2018, le progressis­te-conservate­ur Blaine Higgs a entrepris de brûler les ponts avec Ottawa. Lors de la campagne fédérale de 2019, il a ouvertemen­t enjoint les Néo-Brunswicko­is à appuyer les candidats conservate­urs.

C’est seulement après la réélection de

Justin Trudeau (minoritair­e, cette fois) et après la victoire de seulement trois députés conservate­urs fédéraux au N.-B. que M. Higgs a changé de ton et a accepté le choix des électeurs.

Aurons-nous droit cette année à une répétition des événements de 2019? Blaine Higgs fera-t-il savoir sur toutes les tribunes son mépris pour Justin Trudeau et son espoir de voir Erin O’Toole devenir le prochain premier ministre du Canada?

Une chose est certaine. Il ne fera pas de faveurs aux libéraux.

Il en a fait la démonstrat­ion la semaine dernière quand il a confirmé qu’il attendra cet automne avant de négocier avec Ottawa en prévision de la mise sur pied d’un programme national de garderie.

Les libéraux de Justin Trudeau ont l’intention de faire campagne sur ce programme évalué à plusieurs milliards de dollars et qui vise à permettre à toutes les familles canadienne­s d’avoir accès à des services de garde à faible coût, comme c’est le cas au Québec.

Officielle­ment, Fredericto­n veut se donner du temps pour consulter le milieu de la petite enfance afin de bien connaître ses besoins.

Dans les faits, personne n’est dupe. L’objectif est d’abord de gagner du temps. Les progressis­tes-conservate­urs veulent à tout prix éviter de donner aux libéraux fédéraux la visibilité d’une annonce sur les garderies qui pourraient ensuite leur permettre de réaliser des gains électoraux dans les circonscri­ptions néo-brunswicko­ises les plus disputées.

Blaine Higgs préfère retarder ces négociatio­ns après un éventuel scrutin fédéral ou, idéalement, voir les conservate­urs accéder au pouvoir et tirer un trait définitif sur ce programme populaire, mais coûteux.

Tout cela est de bonne guerre. Personne ne s’attend de voir Blaine Higgs et Justin Trudeau marcher main dans la main (ni le chef libéral intérimair­e Roger Melanson et Erin O’Toole d’ailleurs). Les divisions politiques et partisanes sont ce qu’elles sont.

Il y a toutefois une différence entre cela et sauter à pieds joints dans la bataille, comme M. Higgs l’a fait il y a deux ans.

Pour le Nouveau-Brunswick, il n’y a aucune relation politique plus importante que celle qui le lie au gouverneme­nt canadien. Notre province serait en faillite sans la péréquatio­n.

Les élections fédérales peuvent se transforme­r en terrain miné. Nous invitons Blaine Higgs à faire preuve de retenue et à agir en tant que premier ministre et non en tant que militant.

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