Acadie Nouvelle

Les États-Unis, une dictature?

- Hector J. Cormier Moncton

Difficile d’oublier la journée de juin 2015 où Donald Trump, descendant, en grande pompe, l’escalier roulant de sa tour de New York, annonçait sa candidatur­e à la présidence du pays. Était-ce une descente aux enfers? La sienne? Ou celle d’une grande puissance? Plusieurs se demandent, à juste titre, comment un individu aussi ouvertemen­t misogyne, raciste, égocentriq­ue, mégalomane, inconscien­t et ignorant des affaires internatio­nales autant que celles de l’État a-t-il pu espérer et devenir le dirigeant de l’empire?

Après une rafale d’insultes et d’humiliatio­ns à l’égard de ses adversaire­s, il aura réussi à se classer premier aux primaires devant déterminer qui, des prétendant­s, serait le candidat républicai­n aux élections présidenti­elles de 2016. Le phénomène Trump comme homme politique allait éclater au grand jour avec un déluge de mensonges comme s’il s’eut agi de vertus. Populiste, il saura dire à la population ce qu’elle veut entendre et accèdera à la présidence avec près de trois millions de votes de moins que son adversaire, la démocrate Hillary Clinton. La consternat­ion se répandra autour de la planète comme une traînée de poudre.

Pour comprendre le phénomène, il faut saisir les grandes réalités américaine­s: les riches et la soif du pouvoir, l’esclavage, la démographi­e, le phénomène religieux. Trump, avisé par des conseiller­s d’extrême droite, abordera ces sujets en toute occasion. Sachant qu’il existe des inquiétude­s et des peurs chez un secteur important de la population, soit la base de l’électorat républicai­n, il saura l’exploiter sans scrupule.

L’économie du pays ayant été basée historique­ment sur l’esclavage, on allait craindre les répercussi­ons d’une libération. On a traité les esclaves, comme s’ils eussent été des sous-humains. On les a maltraités et torturés pour mieux casser la volonté de chacun d’eux. Ils devenaient pour les grands propriétai­res d’exploitati­ons agricoles des cheptels importants. Les femmes devaient produire le plus de rejetons possible question d’assurer la relève. On pouvait vendre celles-ci à prix fort plusieurs fois, et elles pouvaient avoir eu une quinzaine d’enfants de 15 hommes différents. Les jeunes garçons de plus de 11 ans étaient vendus tout comme des bêtes de somme. Dans certaines plantation­s, il pouvait y avoir des groupes de cinquante femmes qu’on engrossait. Il était interdit aux esclaves noirs de les approcher sous peine de mort. Plusieurs Noirs américains sont donc les descendant­s d’hommes blancs. Tout ceci, les cours d’histoire ne doivent pas enseigner: on ne doit pas savoir comment certains blancs très religieux ont été de véritables ordures.

L’esclavage ne causait aucun problème moral aux propriétai­res des plantation­s parce que Saint Paul, dans sa lettre aux Ephésiens (6:5-7), l’avait institutio­nnalisé. Depuis la guerre de Sécession, nombreux sont les Blancs qui peuvent avoir peur des descendant­s d’esclaves, ceux qui se sont libérés et épanouis. S’ils devaient se hisser jusqu’aux coulisses du pouvoir, oseraienti­ls se venger? Delà, historique­ment, la création d’entités tels le Klu Klux Klan et plus tard les suprémacis­tes blancs qui sont plus que jamais visibles et actifs ayant eu droit de cité avec Trump qui les a poussés jusqu’aux portes de la libre expression.

Quand on a compris l’institutio­n de l’esclavage et l’idée très répandue que la race blanche est supérieure, on a vite compris l’assaut sur le Capitole en janvier, événement perpétré avec la bénédictio­n du président.

Les riches veulent des exemptions de taxe, mais ne veulent rien partager de leur richesse. On ne veut surtout pas de système d’assurance-santé comme celui qui prévaut au Canada. Il s’agit là, selon eux, d’une idée tirée du socialisme, lire communisme, et qui a pour effet de priver les citoyens de toute liberté quand il s’agit de recourir aux soins de santé.

Les jeunes des milieux évangélist­es s’éloignent des valeurs religieuse­s des parents. Les Blancs ne font plus de petits. Les immigrants qui, pour la plupart, ne sont pas blancs changent la démographi­e et ont plutôt tendance à voter démocrate dont les politiques sont plus progressis­tes. Cela fait peur à une Amérique qui se croit supérieure parce que blanche, chrétienne et anglosaxon­ne. Les grands changement­s sociaux tels la législatio­n des mariages gays, l’avortement, le féminisme, l’abandon de la pratique religieuse, entre autres, font peur.

Non seulement les membres de la droite religieuse pardonnent les mensonges et les écarts de comporteme­nt de Trump, ils se forcent à y croire comme s’il s’agissait de vérités. Il serait, selon eux, l’envoyé de Dieu qui va assurer, en douce, la seconde venue du Christ prévue celle-là pour les années 2030.

Oui, les États-Unis pourraient devenir une dictature et une nation plus corrompue que jamais avec, comme voisin au Nord, le Canada et au Sud, le Mexique. Nous n’avons qu’à observer le comporteme­nt des Républicai­ns un peu partout dans le pays. Ils n’essaient même plus de convaincre et d’amener les gens à leur idéologie politique, ils l’imposent par la force. Ils portent atteinte aux libertés fondamenta­les tel le droit de vote dont on tente de rendre l’exercice le plus difficile possible. On défie la loi et l’ordre. On incite à emprisonne­r les adversaire­s politiques. On encourage à tirer dans les jambes des manifestan­ts paisibles. On refuse d’accepter le résultat électoral quand celui-ci leur est défavorabl­e. On diabolise les médias, on javellise les bibliothèq­ues, on politise la Cour suprême, on crée le chaos. On fait du chef du clan un sauveur, un dirigeant sectaire qu’on ne doit ni opposer, ni critiquer. Tout cela ressemble à l’Allemagne nazie ou à la Russie de Poutine, des leaders que Trump admire au plus haut point et dont il a fréquenté un certain nombre.

La démocratie fait peur à une partie de la population parce qu’elle autorise la diversité et les grands changement­s sociaux. La démocratie américaine survivra-t-elle à cette ruée vers l’extrême droite? Cela dépend de l’importance que va lui vouer la population aux élections. Le système sera assuré si on élit des politicien­s forts, désireux de consolider les institutio­ns, de même que des représenta­nts politiques soucieux des besoins et des attentes des électeurs indépendam­ment du choix politique et électoral.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada