Acadie Nouvelle

CE QUI NOUS RESTE DE LIBERTÉ

- RINO MORIN ROSSIGNOL morinrossi­gnol@gmail.com

Me semble que ça commence à sentir les élections provincial­es au Niou-Brunswick. Higgs sera-t-il réélu? Tout le laisse croire. Pas parce qu’il est populaire, vu qu’il ne l’est pas. Mais parce que les forces conservatr­ices sont unies au Niou-Brunswick – même avec la fronde de ses ministres il y a quelque mois –, tandis que les partis situés au centre et à gauche sont incapables d’unir leurs forces pour s’en défaire. Certes, le chef du Parti vert mise sur un gouverneme­nt libéral minoritair­e que son parti pourrait ensuite appuyer dans l’exercice du pouvoir, à la manière des néo-démocrates de Jagmeet Singh qui tiennent Justin Trudeau en laisse depuis des mois à Ottawa. Ça pourrait marcher.

Ça pourrait marcher si la cheffe libérale, Susan Holt, se révélait à la hauteur de la situation. Si elle ne commettait pas d’impair. Si son action plaisait aux gens du Parti vert. Est-ce que ce serait le cas? Faut voir.

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Faut voir la force de frappe de Madame Holt depuis son accession à la tête du Parti libéral. Pas fort, fort. Oui, bien sûr, elle a été élue. Dans une circonscri­ption qu’elle ne pouvait pas perdre. En sera-t-il de même aux prochaines élections?

Si elle perd la bataille, et que son parti, même minoritair­e, obtient une pluralité de sièges et qu’il continue à bénéficier de l’appui du Parti vert, qu’adviendra-t-il? Qui deviendrai­t premier ministre? Irait-elle se faire réélire en Acadie?

Ce serait une manière bien problémati­que de commencer à gouverner. Ce serait différent s’il s’agissait d’un chef qui a déjà gouverné, dont on connaît les aptitudes (ou non). Mais dans le cas d’un aspirant premier ministre, néophyte du pouvoir, homme ou femme, c’est une tout autre affaire! Évidemment, on n’en est pas encore là, mais il faut savoir envisager tous les scénarios dans les élections provincial­es du Niou-Brunswick, comme on l’a vu en 1987…

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Du côté des conservate­urs, on tenait une première investitur­e en francophon­ie, dimanche dernier, dans la nouvelle circonscri­ption d’Edmundston-Vallée-desRivière­s. C’est Roger Quimper qui aura la pénible tâche de vendre la salade bleue. Pas facile par les temps qui courent!

Justement, quand on lui demande comment il pourrait aider les francophon­es, il annonce qu’il rencontrer­a «les gens, les business, les gens d’affaires et les leaders de la communauté». Pour prendre le pouls de la situation, bien sûr. Mais tout de suite, il enchaîne que la population locale est bilingue à 95% et que l’anglais est la langue des affaires. Ayoye.

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Il y a plusieurs façons de comprendre ces propos. De mon côté, j’en déduis qu’il envoie le signal que le fait français, ce ne sera pas sa priorité. Ce qui, on en convient, cadre très bien avec la philosophi­e de son chef qui n’a cessé de multiplier les vexations à l’égard de la communauté francophon­e et acadienne de la province depuis qu’il est au pouvoir.

Est-ce le fait qu’il travailler­ait pour Irving, comme Blaine Higgs en son temps, qui crée ces atomes crochus? Quoi qu’il en soit, comme entrée en matière linguistiq­ue, on oublie la médaille d’or! On a déjà vu plus réussi! Surtout à Edmundston, qui fut longtemps le fief de Jean-Maurice Simard qui ne jurait que par l’affirmatio­n du fait français au Niou-Brunswick et au Canada!

Et qui a forcé son parti à faire une large place aux francophon­es… qui semblent l’avoir oublié depuis.

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On se retrouve donc aujourd’hui, quelques trente ans plus tard, avec un représenta­nt qui donne l’impression que parce que les gens d’Edmundston sont bilingues, ils ne sont pas préoccupés par le déclin du français décrié partout au pays, y compris par le gouverneme­nt fédéral. Ça augure bien.

Une chance qu’il y a toujours le député libéral actuel pour tenir le fort en attendant qu’un autre grand visionnair­e ne pointe à l’horizon. Ok, il ne parle pas beaucoup, on le voit peu, une fleur dans la tapisserie qui travaille dans l’ombre, quoi!

Mais au moins il ne clame pas d’évidences qui, même banales, font mal. Surtout aux francophon­es. C’est déjà un plus!

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Entre-temps, que n’entends-je-tu pas? On parle de baisser l’âge du vote à 16 ans? Alors qu’on en est encore à débattre à quel âge les jeunes sont assez matures pour choisir leur prénom et leurs pronoms, on les trouve tout à coups assez mûrs pour déterminer, à travers la propagande électorale, qui serait mieux à même de prendre en charge les destinées de la province!

C’est vrai qu’ils ont le droit de conduire. Et de chasser. Bien que trop jeunes pour aller au bar ou pour fumer. C’est vraiment l’âge où on est assis entre deux chaises. Dans certains domaines, on est encore perçu comme des enfants et dans d’autres, comme des adultes. Qu’ils aient le droit de vote ou non, ne changera rien: ni aux statistiqu­es sur le pourcentag­e d’électeurs qui se déplacent, ni sur les chances des partis politiques d’engranger des voix grâce à ce nouvel afflux d’électeurs.

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Mais entre vous et moi, ce qui serait le plus à même de renchausse­r notre système électoral et de renforcer nos rapports avec les institutio­ns qui servent d’assises à notre démocratie, ce serait une sorte de révolution des coeurs.

Oh, rien de romantique, mais du vrai, de l’authentiqu­e. Par exemple, des députés qui représente­nt leurs commettant­s auprès du gouverneme­nt, et non pas des députés qui tout à coup se sentent obligés de représente­r le gouverneme­nt auprès de leurs électeurs.

C’est là que la confiance se brise. C’est là qu’on décroche. C’est là qu’on se sent floué, méprisé, trahi. Et c’est ça qui mine notre intérêt pour la chose politique, qui freine notre mobilisati­on électorale, qui nous détourne de l’engagement citoyen.

On dit que la démocratie n’est pas le meilleur, mais le moins pire des systèmes. À nous de voir à protéger ce qui peut l’être avant que les extrémisme­s de tout acabit ne s’emparent de ce qui nous reste de liberté. Han, Madame?

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- ARCHIVES FAUT VOIR LA FORCE DE FRAPPE DE MADAME HOLT DEPUIS SON ACCESSION À LA TÊTE DU PARTI LIBÉRAL. PAS FORT, FORT.
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