À FREDERICTON DE FAIRE SES DEVOIRS
Le 15 février, le ministre des Finances Ernie Steeves annonçait sans grande surprise que le Nouveau-Brunswick se dirigeait vers un surplus plus élevé que prévu. Cette fois-ci, il l’estime à 247 millions $.
Ce chiffre tient compte du coût des versements ponctuels de 300$ aux ménages que le gouvernement estime dignes de son aide. Sans celui-ci, le surplus prévu excéderait les 300 millions $.
Par rapport aux années précédentes, la sousestimation habituelle du ministre est relativement modeste. Plutôt que de manquer la cible par plus d’un milliard de dollars, il ne croit l’avoir ratée que par quelques centaines de millions. Fredericton pointe du doigt Ottawa pour expliquer son incapacité de prévoir ses recettes autonomes, c’est-à-dire les revenus tirés de ses propres taxes, impôts et autres frais. Ottawa lui renvoie la balle. Ultimement, c’est à Fredericton qu’il incombe de se faire une idée de ses recettes, quitte à ne pas se fier aux chiffres d’Ottawa. La définition de la folie, comme l’a si bien dit Einstein, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent! Mais passons. L’année financière 2023-24 étant presque dans le rétroviseur, la question qui se pose maintenant, c’est ce à quoi les choses vont ressembler l’an prochain. Nous avons déjà quelques éléments de réponse. Nous savons depuis décembre que les principaux transferts d’Ottawa - gonflés à bloc par l’explosion démographique néobrunswickoise - vont augmenter d’environ 300 millions $, soit un bond de 8%.
Pour ce qui est des recettes autonomes, leur croissance va dépendre de la vigueur de l’économie provinciale.
Selon les prévisionnistes du secteur privé, après ajustement pour l’inflation, celle-ci aurait affiché un gain de 1% en 2023. C’est très peu, surtout lorsqu’on sait que la population a augmenté d’environ 3%. Sans l’arrivée massive de nouveaux arrivants, le Nouveau-Brunswick aurait été en profonde récession. Avec une tarte économique par habitant nettement plus petite, il n’est pas étonnant que les Néo-Brunswickois se sentent appauvris.
Toujours selon ces mêmes prévisionnistes, les choses ne s’annoncent guère mieux en 2024.
Une bonne règle pour prévoir les recettes autonomes de la province, c’est de présumer qu’elles devraient évoluer plus ou moins en tandem avec la croissance de l’économie sans ajustement pour l’inflation.
Pour 2024, les prévisionnistes parlent d’environ 3%. En termes de recettes autonomes pour Fredericton, cela se traduirait par une hausse d’environ
225 millions $.
Si l’on tient compte du surplus de cette année, c’est donc dire que la province pourrait dépenser environ 800 millions $ de plus l’an prochain sans encourir un déficit. Bien qu’il s’agisse là d’un calcul approximatif, cela nous donne une idée de la marge de manoeuvre du gouvernement Higgs. Ce dernier pourrait bien l’estimer plus faible le jour du budget en réclamant qu’une partie de la hausse des revenus dans l’année en cours était temporaire, liée à des ajustements ponctuels rendus nécessaires par son incapacité chronique de prévoir adéquatement ses recettes. Supposons donc par prudence que le gouvernement va nous annoncer qu’il pourra dépenser entre 500 et 800 millions $ de plus sans encourir un déficit l’an prochain. Cela peut paraître énorme, mais il faut mettre les choses en perspective.
Selon les dernières prévisions, les dépenses de Fredericton vont augmenter d’un milliard de dollars en 2023-24. La croissance démographique, la hausse des prix et la crise en santé (y compris la facture salée pour le personnel infirmier itinérant) pèsent lourd sur le budget provincial.
Les élections arrivent à grands pas. Si l’on se fie à l’empressement du gouvernement de faire parvenir ses chèques de 300$ et à la rarissime visite du premier ministre dans le Nord de la province, elles pourraient même avoir lieu ce printemps.
La tentation du gouvernement Higgs d’annoncer une réduction majeure des impôts dans le prochain budget est sans doute forte.
Malgré le brouillard qui recouvre les prévisions financières du gouvernement depuis quelques années, une chose demeure cependant claire: le Nouveau-Brunswick ne peut se permettre un tel luxe. ■