Infirmières d’agences: le vérificateur général va se pencher sur les contrats
Le vérificateur général du NouveauBrunswick, Paul Martin, va enquêter sur les contrats signés entre les régies de santé et des agences d’infirmières privées.
Le syndicat des infirmières du N.-B., les partis d’opposition et finalement le premier ministre ont demandé la tenue d’une enquête sur ce dossier.
L’audit visera les réseaux de santé Vitalité et Horizon, ainsi que le ministère de la Santé et le ministère du Développement social.
«La coopération des ministères et des réseaux de santé sera essentielle pour que nous puissions compléter ce travail rapidement», a indiqué Paul Martin en entrevue.
Il affirme que son équipe songeait déjà à faire enquête sur l’utilisation des infirmières d’agences au N.-B. et que le travail est déjà entamé. Il dit que son audit sur la pandémie a demandé beaucoup d’effort et de temps et que son équipe a maintenant plus de temps à consacrer à ce genre de sujet.
«C’est important de travailler pour que les ministères et les agences soient redevables de la façon dont elles dépensent l’argent des contribuables.»
L’enjeu a éclaté sur la place publique à la suite d’une enquête du Globe and Mail, qui a publié certains des contrats signés entre les régies de santé canadiennes et des agences d’infirmières.
Un des contrats signés entre Vitalité et l’entreprise Canadian Health Labs a permis à cette entreprise de facturer plus de 300$ l’heure au réseau pour des services d’infirmières.
De plus, selon des informations publiées par le Globe and Mail, des allocations de repas facturées au réseau n’ont jamais été reçues par les infirmières à l’emploi de l’entreprise.
Vitalité a fait valoir que si le système n’avait pas eu recours à ces services privés dispendieux, il y aurait forcément eu davantage d’interruptions des services de santé en raison de la pénurie de main-d’oeuvre.
Paula Doucet, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers du N.-B., se dit heureuse du fait qu’il y aura enquête.
«Nous disons depuis longtemps que beaucoup d’argent des contribuables est dépensé sur ces entreprises privées à profit par les régies de santé et par le ministère de la Santé et du Développement social», dit-elle.
Elle juge par exemple que le fait que des allocations de repas n’ont pas été transmises aux infirmières par CHL en fait une utilisation «déplorable» des fonds publics.
«Je pense que c’est déplorable qu’une entreprise irait jusque-là pour tirer plus d’argent des contribuables, et dire qu’ils aident, alors qu’ils s’enrichissent avec notre argent.»
Contactée par courriel, l’entreprise CHL n’a pas réagi à la nouvelle de l’enquête. Elle indique que les conditions de ses contrats sont «équitables et transparentes».
Susan Holt, chef du Parti libéral, réagit favorablement à l’annonce du VG.
«Les habitants de la province méritent de savoir où leur argent est dépensé et avec qui nous faisons nos contrats. On devrait s’assurer que ce sont de bons contrats avec des compagnies qui font un bon travail, alors le gouvernement doit rendre des comptes pour ça.»
David Coon, chef du Parti vert, affirme que cette enquête n’est «pas suffisante». Il aimerait une enquête plus large sur la privatisation des soins de santé.
«C’est un enjeu global de privatisation des soins de santé au N.-B. [Les infirmières d’agences] sont un exemple», dit-il en ajoutant qu’il «comprend» les difficultés qu’auraient les réseaux de santé sans ces infirmières.
Le 21 février, le ministre Bruce Fitch avait hésité à demander une enquête sur ces contrats, en affirmant que le vérificateur général est un haut fonctionnaire indépendant du gouvernement et qu’il ne peut pas l’obliger à enquêter.
Malgré cela, le ministre lui a «récemment» envoyé une lettre pour demander une enquête, selon son ministère.
«Le ministre soutient la décision de l’auditeur général et attend avec grand intérêt les conclusions de ce dernier», ajoute-t-on par courriel.
LE FIDUCIAIRE APPUIE L’ENQUÊTE
Gérald Richard, qui occupait le poste de fiduciaire du Réseau de santé Vitalité au moment où les contrats entre Vitalité et CHL ont été signés, a signé une lettre envoyée aux médias par la régie (qu’il est possible de lire en page 12). Il y explique le contexte de la décision de Vitalité d’avoir recours à des infirmières d’agences, pendant la pandémie, alors que le système de santé était en crise.
Il affirme qu’il a appuyé cette décision, «tout comme l’a fait le ministère de la Santé», et qu’il la défend.
«Il fallait donner un répit au système. Lorsque le feu est pris, on ne peut pas se permettre d’économiser l’eau.»
Le fiduciaire, nommé par le gouvernement, explique que son mandat était alors «d’agir comme facilitateur, d’enlever les obstacles, d’assurer une agilité et d’établir des processus plus efficaces pour stabiliser la situation rapidement et relever les défis pressants».
«Je me désole face au débat public entourant le recours au personnel d’agence et le procès d’intention fait au Réseau de santé Vitalité, qui n’avait pas d’autre choix et qui était au pied du mur», écrit-il dans sa lettre.
Il affirme qu’il collaborera «pleinement» avec l’enquête du vérificateur général.
En entrevue, le vérificateur général Paul Martin n’a toutefois pas voulu préciser si son audit l’amènera à parler avec Gérald Richard. ■