Acadie Nouvelle

DÉMYSTIFIE­R UN ÉTRANGE BUDGET

- RICHARD SAILLANT

Le premier ministre Blaine Higgs, par l’intermédia­ire de son ministre des Finances Ernie Steeves, vient de présenter son budget le plus dépensier depuis qu’il est en politique.

Au cours du prochain exercice financier, son gouverneme­nt prévoit d’augmenter ses dépenses de 800 millions de dollars, soit environ 6,5%. Il s’agit de la plus forte augmentati­on depuis des décennies.

On parle ici des dépenses prévues au budget. En termes de dépenses réelles, l’année qui se termine sera encore plus coûteuse. Le gouverneme­nt prévoit qu’au final, ses dépenses vont augmenter d’environ un milliard de dollars.

Que se passe-t-il? La réponse courte semble se trouver dans la démographi­e et l’inflation, plus précisémen­t celle affichée au cours des dernières années. Commençons par l’inflation. Contrairem­ent à ce qui prévaut à Ottawa, relativeme­nt peu de dépenses du gouverneme­nt du NouveauBru­nswick sont automatiqu­ement ajustées à l’inflation. La part du lion de son budget est constituée de salaires et d’avantages sociaux, dont la quasi-totalité ne sont ajustés qu’au fil du temps par le biais de négociatio­ns collective­s. L’exercice 2021-22 a été particuliè­rement chargé sur ce front. C’est à ce moment-là que le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et le Syndicat des infirmière­s et infirmiers du Nouveau-Brunswick ont conclu des ententes impliquant environ 28 000 des quelques 46 000 employés du secteur public de la province.

On se souviendra que les dirigeants du SCFP étaient tout sourire à l’automne 2021, ayant réussi à plier le gouverneme­nt à leur volonté en accordant des augmentati­ons salariales annuelles de 3% sur quatre ans.

Tout cela s’est produit avant que l’inflation ne grimpe en flèche. En 2022 et 2023, les prix ont augmenté en moyenne de plus de 5% par année. En bout de ligne, les membres de SCFP n’avaient pas de quoi se réjouir. En somme, pendant un certain temps après la pandémie, le gouverneme­nt a économisé des sommes considérab­les sur le dos des travailleu­rs du secteur public. Le boomerang revient maintenant dans le visage de Fredericto­n. Les employés du secteur public veulent naturellem­ent récupérer le pouvoir d’achat qu’ils ont perdu et la facture grimpe en flèche. Nous sommes loin de l’époque où Higgs pouvait contempler de geler les salaires ou encore les limiter à une hausse annuelle de 1%, comme il voulait au début de son gouverneme­nt majoritair­e.

L’autre facteur derrière la hausse spectacula­ire des dépenses est une population qui explose et voit ses rangs de personnes âgées gonfler. Avec une population scolaire en plein essor, le gouverneme­nt prévoit que les dépenses du ministère de l’Éducation et du Développem­ent de la petite enfance vont augmenter de plus de 10%. L’enveloppe destinée aux personnes âgées et aux soins de longue durée connaît également une très forte croissance. Paradoxale­ment, ce n’est pas le cas pour le ministère de la Santé. Si on le compare aux sommes qui seront dépensées cette année, le budget du ministère est effectivem­ent gelé. Le gouverneme­nt doit nous expliquer comment cela est réalisable dans un contexte de crise et d’explosion démographi­que.

Ceci nous amène à notre dernière observatio­n par rapport au budget. Jusqu’à l’année en cours, les prévisions du gouverneme­nt en matière de recettes ne valaient même pas le papier sur lequel elles étaient rédigées. Cette année, elles semblent plus réalistes.

Pour ce qui est du réalisme des dépenses, avec le gel au ministère de la Santé, on peut en douter fortement. Le gouverneme­nt semble passer d’un problème à un autre dans la préparatio­n de ses budgets.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada