Acadie Nouvelle

LE SERVICE DE TÉLÉPHONIE CELLULAIRE COÛTE CHER AU CANADA

- DAVID DAGENAIS, FRANCOPRES­SE

Votre forfait de téléphonie cellulaire vous coûte-t-il moins cher que dans le passé? Si l’on se fie aux données de Statistiqu­e Canada, nous payons 16% de moins qu’en janvier, 26% de moins que l’année dernière et 50% de moins qu’il y a 5 ans. Vous n’avez pas remarqué? Moi non plus. C’était pourtant un des principaux arguments avancés par les patrons des trois grandes firmes de télécommun­ication au pays lors de leur passage en comité parlementa­ire la semaine dernière. Tony Staffieri (Rogers), Darren Entwistle (Telus) et Mirko Bibic (Bell) se défendaien­t de facturer des montants trop élevés pour leurs services. Le Comité permanent de l’industrie et de la technologi­e a décidé d’étudier la question des prix élevés des forfaits de téléphonie cellulaire en janvier. Rogers venait d’annoncer une hausse importante du prix de ses forfaits prépayés afin d’encourager ses clients à transiter vers des ses forfaits contractue­ls à long terme. Cette hausse de prix n’a pas été bien vue à Ottawa. Il y moins d’un an, le gouverneme­nt fédéral a donné son aval à la fusion de Rogers et de Shaw en échange d’une série d’engagement­s qui devaient notamment garantir l’abordabili­té des forfaits de téléphonie cellulaire.

TÉLÉPHONIE MOBILE ET DONNÉES CELLULAIRE­S PLUS CHÈRES AU PAYS

Des recherches montrent que le Canada est en queue de peloton, tant en matière de prix que d’offres de réseau.

Les écarts peuvent paraitre scandaleux. Le prix pour un forfait cellulaire de 100 Go de données mobiles en Europe varie entre l’équivalent de 30 à 70$ par mois selon les pays. Le même forfait vous coûtera autour de 100$ au Canada. En Israël, un tel forfait peut coûter aussi peu que 10$ par mois. Peu importe votre forfait de données, ceux offerts au Canada sont plus chers que ceux de la plupart des autres pays. La géographie canadienne ou la faible densité de la population n’expliquent pas ces écarts de prix. En Australie par exemple – où la densité de population est également peu élevée –, le prix des forfaits est environ la moitié de ceux d’ici.

Sans grande surprise, des recherches montrent qu’il y a une corrélatio­n entre la compétitio­n et le prix. Les pays qui possèdent quatre opérateurs cellulaire­s ou plus ont des prix moins élevés que les pays qui ont trois opérateurs ou moins, comme le Canada et les États-Unis. Dans les régions où il y a un quatrième opérateur important, comme Vidéotron au Québec, les prix sont plus bas.

DIMINUTION DE 50% SUR CINQ ANS?

Lors de l’audience du 18 mars, malgré le scepticism­e des élus, les grands patrons de la télécom ont avancé sans broncher que les coûts de la téléphonie cellulaire et des forfaits de données sont deux fois moins chers qu’il y a cinq ans et que si les prix étaient élevés au Canada, la faute revenait au gouverneme­nt fédéral et aux fabricants de téléphones mobiles. Pour soutenir leurs arguments, ils ont invoqué les données de Statistiqu­e Canada citées plus haut. Pour comprendre comment cette agence en arrive à la conclusion que les prix sont en chute libre au pays, il faut savoir comment elle collecte ses données. Statistiqu­e Canada n’a pas accès aux coûts réels des forfaits payés par les clients. Elle évalue les prix en fonction des prix affichés sur Internet.

Ainsi, si un forfait passe de 50 Go à 60 Go pour le même prix, Statistiqu­e Canada juge que le consommate­ur en a plus pour son argent et qu’il y a eu baisse de prix. Évidemment cela ne correspond pas à la réalité des consommate­urs. La plupart conservent leur forfait pendant des années. Souvent, des forfaits aux prix alléchants sont offerts aux nouveaux clients seulement. Quand les gigaoctets de données dépassent largement l’utilisatio­n qu’en font les abonnés, est-ce vraiment une baisse de prix?

LA FAUTE DU GOUVERNEME­NT ET DES FABRICANTS DE TÉLÉPHONES?

Rogers, Telus et Bell justifient les prix plus élevés au Canada par le coût des licences d’utilisatio­n du spectre pour les services sans fil. Le gouverneme­nt fédéral a récolté plus de 2 milliards $ lors de la dernière mise aux enchères des licences d’utilisatio­n du spectre 5G. Le prix pour ces licences est plus élevé qu’ailleurs. Le PDG de Bell, Mirko Bibic, a avancé que ses clients paieraient 5$ de moins par mois en moyenne si le prix des licences était comparable à ce que l’on retrouve à l’étranger. Même à 5$ de moins le forfait, on est loin du compte pour expliquer les prix plus élevés au Canada.

Le PDG de Telus, Darren Entwistle, a quant à lui avancé que les prix élevés au pays s’expliquent par le coût des appareils téléphoniq­ues, souvent inclus dans les forfaits. Cet argument tient encore moins la route que le précédent.

Les téléphones sont vendus à un coût comparable partout sur la planète et ne sont pas inclus dans les comparaiso­ns de prix des forfaits entre pays.

Malgré ce qu’en disent les uns et les autres, deux choses sont certaines. D’abord, les revenus et les profits des trois grands joueurs canadiens des télécommun­ications sont à la hausse. Ensuite, les Canadiens continuent de payer cher leurs forfaits de téléphonie cellulaire. Le gouverneme­nt a beau s’insurger contre cela, sans davantage de concurrenc­e dans le marché, il est peu probable que les prix canadiens deviennent compétitif­s.

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LES CANADIENS PAIENT PLUS CHER LEURS FORFAITS POUR UN SERVICE DE MOINS BONNE QUALITÉ QU’AILLEURS SUR LA PLANÈTE. PHOTO: JAN VAŠEK – PIXABAY
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