Acadie Nouvelle

Quotas de sébaste : une claque en plein visage pour les crevettier­s

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Il semble bien que la lune de miel entre la ministre fédérale des Pêches et des Océans, Diane LeBouthill­ier, et les organisati­ons de pêcheurs soit déjà terminée. La venue d'une ministre d'origine gaspésienn­e, une région dont une grande partie de l'économie repose sur la pêche, semblait porteuse d'espoir s'est rapidement dissipée. À la rédaction de ce reportage vers le 20 mars, les discussion­s entre les crevettier­s de l'Atlantique et la ministre LeBouthill­ier concernant la réouvertur­e de la pêche commercial­e au sébaste étaient très ardues.

Rappelons qu'à la fin janvier, la ministre a annoncé en grande pompe la fin du moratoire sur le sébaste, attendue depuis longtemps par les crevettier­s qui souffrent du déclin des stocks de crevettes nordiques et qui s'élèvent contre l'énorme quantité de sébastes dans leurs territoire­s de pêche depuis plusieurs années (voir l'annonce officielle en page 20).

Cependant, à la surprise générale, le ministère n'a réservé aux crevettier­s que 10 % du quota global de 25 000 tonnes, « une aberration épouvantab­le », selon le directeur général de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs profession­nels (FRAPP), Jean Lanteigne.

« Ce quota est loin d'être suffisant; si on fait une simple opération mathématiq­ue, sur ce quota plancher qui sera vraisembla­blement recommandé, 10 pour cent de 25 000 tonnes représente­nt 2500 tonnes et il y a dans le golfe St-Laurent 110 détenteurs de permis, ce qui donne donc environ 23 tonnes par permis; cela ne représente même pas l'équivalent d'un seul voyage en mer! », affirme M. Lanteigne qui n'en revient toujours pas de la tournure des événements.

Une réunion qui tourne en queue de poisson

Jean Lanteigne et ses collègues de l'Atlantique sont sortis amèrement déçus d'une réunion du comité consultati­f du sébaste qui a eu lieu au début mars à Halifax. « Cela n'a absolument rien donné; le ministère avait présenté d'autres scénarios, soit un qui proposait un quota entre 40 000 et 50 000 tonnes, une autre propositio­n qui allait jusqu'à 60 000 tonnes et une dernière qui allait de 60 000 à 80 000 tonnes, mais toujours avec seulement 10 pour cent du contingent accordé aux crevettier­s de la région. »

« Si, par exemple, on alloue 10 pour cent de 80 000 tonnes aux crevettier­s, on en arrive à un quota global de 8000 tonnes pour les 110 détenteurs de permis, donc environ 73 tonnes chacun, ce qui équivaut à environ un voyage par pêcheur. »

C’est nettement insuffisan­t pour que les pêcheurs prennent la peine de s’équiper et d’aller pêcher le sébaste pour avoir un revenu décent. Cela ne fonctionne tout simplement pas.

Toujours au sujet du contingent de sébaste, le DG de la FRAPP, Jean Lanteigne a bien de la difficulté à comprendre la logique du MPO. « Les bateaux-usines de 100 pieds ou plus seront autorisés dans le Golfe, après plus d’une quarantain­e d’années d’interdicti­on; ils auront le droit de pêcher le reste du contingent de sébaste. Vraiment, on ne comprend plus rien dans l’attitude du MPO; probableme­nt que les représenta­nts de ces bateaux ont dit au ministère qu’ils étaient équipés pour faire le travail et quelqu’un leur a dit oui. Cette décision est décevante et frustrante, d’autant plus qu’on parle sans arrêt dans les dernières années d’aires marines protégées, de protection de l’environnem­ent, des océans, etc., et on va permettre à ces gros chalutiers de venir pêcher dans le Golfe! »

Des conditions strictes

En plus, les conditions imposées par le MPO pour aller pêcher le sébaste sont prohibitiv­es et toutes aux frais de l’industrie, poursuit M. Lanteigne. « Eh oui! Pesage à quai et tenez-vous bien; 100 pour cent de couverture en mer. À titre d’exemple, dans le crabe des neiges, le taux de surveillan­ce en mer est présenteme­nt de 20 pour cent et cinq pour cent dans la crevette et là, on arrive au sébaste, et on veut une couverture complète de 100 pour cent pour une espèce qui vaut peu, soit entre 25 cents et 45 cents la livre. »

« Donc, pour le sébaste, on entre dans des dépenses majeures et beaucoup de frais sans garantie de revenu. Ça ne tient vraiment pas la route comme exploitati­on de cette ressource. Autant on veut aller pêcher le sébaste, autant les barrières imposées par le ministère des Pêches et des Océans pourraient carrément l’empêcher ».

Bref, toutes les mauvaises nouvelles qui ont frappé depuis quelques années la pêche à la crevette ont malheureus­ement forcé des pêcheurs à procéder à la vente de leurs actifs.

« Au moment où on se parle, il y a deux entreprise­s de pêche à la crevette qui sont en vente. Puis quand la décision définitive de la ministre sera dévoilée, c’est malheureux, mais il y en aura probableme­nt d’autres qui suivront », conclut le premier dirigeant de la FRAPP.

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Jean Lanteigne, directeur général de la FRAPP
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Diane Lebouthill­ier, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne
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Il y a fort à parier qu’on ne verra pas une scène similaire en 2024.

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