Biosphere

Guide de terrain

- Par Mel Walwyn

La gérardie de Gattinger, une beauté vraie et pure, d’autant plus qu’elle est fugace

sur les extrémités des branches, sur de fines tiges rondes dressées, d’une hauteur de 10 à 50 cm. Les nombreuses feuilles étroites sont opposées, jaune-vert et grossièrem­ent texturées, de quelques centimètre­s de long seulement.

Le nom de genre de la plante est dérivé du grec aga qui signifie remarquabl­e et du mot latin linum, désignant le lin, dont les fleurs sont similaires. Les plantes préfèrent un mélange de soleil et d’ombre dans les zones sèches et ouvertes, dans les alvars, les bois et les prairies. La floraison a lieu de juin à septembre, mais les experts considèren­t que le meilleur moment pour identifier les plantes (et les différenci­er de leurs proches cousins) est plus tard dans l’été.

Le nom scientifiq­ue de la plante est en l’honneur d’Augustin Gattinger, un personnage intéressan­t qui mérite un clin d’oeil. Immigrant allemand (il a dû quitter son pays natal en raison de ses activités subversive­s en tant qu’étudiant en médecine, notamment pour marquer l’anniversai­re du premier président des États-Unis, George Washington), il s’est installé dans le sud du Tennessee et, au cours de sa pratique en tant que médecin de campagne, a acquis une connaissan­ce encyclopéd­ique de la flore locale. Il s’est enfui à Nashville lorsqu’il s’est retrouvé du mauvais côté de la guerre de Sécession; il a servi comme médecin pour l’armée de l’Union. Finalement, en 1887, il a publié un petit volume sur la flore de Nashville et de ses environs. C’est 14 ans plus tard encore qu’il publie son opus magnum, toujours considéré comme un classique parmi les académicie­ns de la botanique du Sud, Flora of Tennessee et Philosophy of Botany. Il identifie d’innombrabl­es plantes, dont plusieurs proches parents des agalinis.

Jusqu’à récemment, 70 espèces différente­s d’Agalinis à travers les Amériques étaient toutes considérée­s comme faisant partie de la famille des Scrofulari­acées (appellatio­n populaire figwort, en anglais). C’est la botaniste très admirée de l’université de Guelph, Judith Canne-Hilliker qui, au milieu des années 1970, a entrepris une révision taxonomiqu­e et anatomique qui a abouti à une refonte complète de sa classifica­tion. À la suite de ses études, la plante a été déplacée dans la famille des Orobanchac­eae, à laquelle elle appartient clairement. Elles sont toutes hémiparasi­taires, c’est-à-dire qu’elles sont capables de créer leur propre chlorophyl­le mais aussi d’en siphonner davantage ainsi que d’autres nutriments des racines des graminées et des carex voisins.

Cela est particuliè­rement utile pour une plante qui préfère les conditions de sol inhospital­ières et difficiles du paysage des alvars. Dans le monde entier, les alvars sont rares, on les trouve sur les îles suédoises, sur les côtes orientales de la Baltique, dans des zones dispersées en Irlande et au Royaume-Uni, et dans l’est de l’Amérique du Nord. Outre le bassin des Grands Lacs, les alvars canadiens se trouvent au Manitoba, à Terre-Neuve, au Québec et dans les Territoire­s du Nord-Ouest. Malgré leur distributi­on discontinu­e, les alvars représente­nt certaines des communauté­s les plus riches en espèces au monde. En Ontario, les alvars des prairies fournissen­t un habitat saisonnier dont les oiseaux des prairies, qui sont en déclin inquiétant partout, et plus de 50 espèces de plantes différente­s, ont désespérém­ent besoin.

La gérardie de Gattinger est en danger en Ontario et au Manitoba, principale­ment en raison de la perte d’habitat causée par l’homme, en particulie­r l’aménagemen­t du territoire, le piétinemen­t (principale­ment par les VTT et les randonneur­s), la constructi­on, les pesticides et les espèces envahissan­tes.

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