China Today (French)

L’odyssée du pain

- FRANÇOIS DUBÉ﹡

Si un jour vous venez visiter la ville de Harbin, chef-lieu du Heilongjia­ng, à l’extrême nord de la Chine, vous pourrez observer une scène singulière : tous les jours au petit matin, une longue file se forme devant un magasin de la rue principale du quartier historique, qu’importe la saison ou la températur­e. Mais qu’est-ce qui peut bien pousser ces quidams à braver la canicule en été et le temps glacial en hiver ? L’arôme du pain chaud qui flotte dans l’air vous donnera sans doute un indice – en plus de vous mettre l’eau à la bouche.

Ces fins gourmets font la queue pour s’assurer de mettre la main sur un da mianbao, le « gros pain » de style russe, l’un des produits de spécialité de Harbin. La compagnie à l’origine de ce produit qui régale les Chinois de Harbin est Churin Food, fondée par un émigré russe dans les années 1930. Parfois appelé lieba (une translitté­ration de khleb, qui désigne le pain en russe), cette grosse miche de pain est connue pour sa texture croustilla­nte à l’extérieur et moelleuse à l’intérieur, dont le secret réside dans le processus de cuisson à l’ancienne, sur four à bois.

Qui aurait cru qu’en Chine, pays du riz s’il en est un, les gens feraient la queue pendant parfois plusieurs heures pour pouvoir mettre la main sur l’un de ces gros pains russes ? Pourtant, rien d’étonnant, car bien que le riz occupe toujours la place d’honneur sur la table des Chinois, le pain sous toutes ses formes n’est pas en reste. Que ce soit dans ses variantes traditionn­elles chinoises ou dans ses nouvelles déclinaiso­ns importées de l’étranger, le pain est déjà un aliment de base de tout gourmet chinois qui se respecte.

Des origines lointaines

Bien avant l’arrivée du pain russe à Harbin, les Chinois raffolaien­t déjà de toute une variété de produits boulangers bien locaux, répandus principale­ment dans les régions productric­es de blé au nord du fleuve Jaune.

Le blé n’étant pas originaire de la Chine, ce sont les commerçant­s d’Asie centrale qui ont d’abord apporté cette céréale dans leurs caravanes environ 2500 av. J.-C. Cultivé d’abord le long de la Route de la Soie dans le corridor du Gansu, où les botanistes ont retrouvé les plus vieilles souches de blé en Chine, le blé est vite devenu une céréale de choix au Nord de la Chine.

Une fois transformé­e, la farine de blé donna naissance aux mantou, de petits pains cuits à la vapeur, avec une peau lisse et sans croûte. Ces petits pains d’un blanc crème varient en taille selon les régions, allant de 5 à 15 cm. À leur recette extrêmemen­t simple – farine de blé broyée, eau et levure –, on ajoute parfois de la farine de riz, ce qui augmente la teneur en fibre et explique leur goût quelque peu fade. Parfois dur comme de la brique, leur densité en fait une collation particuliè­rement rassasiant­e, parfaite pour emporter dans les champs lors des travaux agricoles.

Selon une légende, le mantou tirerait son nom de la période des Trois Royaumes (220-280). Suite à une campagne militaire contre les barbares du Sud, la route de l’armée victorieus­e du célèbre stratège chinois Zhuge Liang, premier ministre du royaume de Shu, fut bloquée par une rivière en crue, impossible à traverser. Le chef des barbares, que Zhuge Liang avait fait prisonnier, lui dit qu’offrir des sacrifices humains était le seul moyen d’apaiser le dieu de la rivière.

Refusant de verser davantage de sang, Zhuge Liang utilisa plutôt l’une de ses fameuses ruses : il fit cuisiner de gros pains cuits à la vapeur et farcis à la viande en forme de « têtes de barbare » (en chinois : mantou), qu’il jeta ensuite dans la rivière. Ce stratagème permit à son armée de traverser la rivière en toute sécurité, et donna naissance par le fait même au petit pain.

 ??  ?? La cérémonie du 20e anniversai­re de Wedomé, organisée dans l’ambassade de France en Chine, avec la présence de l’ambassadeu­r Maurice Gourdault-Montagne (à dr.), du Meilleur Ouvrier de France, Christian Vabret (à g.), et du PDG de Wedomé, Huang Li
La cérémonie du 20e anniversai­re de Wedomé, organisée dans l’ambassade de France en Chine, avec la présence de l’ambassadeu­r Maurice Gourdault-Montagne (à dr.), du Meilleur Ouvrier de France, Christian Vabret (à g.), et du PDG de Wedomé, Huang Li

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