China Today (French)

Empereur Wendi des Sui

- (France) CHRISTOPHE TRONTIN

Expérience extérieure au cercle de la politique, tempéramen­t travailleu­r, gestion parcimonie­use des ressources de l’État, retenue guerrière et fidélité maritale : certains hommes politiques d’aujourd’hui devraient prendre exemple sur cet empereur de l’antiquité, car c’est en résumé l’histoire de Yang Jian (541-604), l’un des meilleurs empereurs de l’histoire chinoise.

Né dans l’actuel Shaanxi, il est d’abord élevé par une soeur bouddhiste qui lui enseigne les préceptes de cette religion, puis il est envoyé étudier au collège impérial réservé aux fils de noble lignée. Il faut rappeler ici que le petit Jian est issu du clan Yang qui se dit descendant en ligne directe de la dynastie des Han (202 av. J.-C.–220). Bon élève, il est promu dès sa quatorzièm­e année à un poste d’officier dans l’armée sous le commandeme­nt d’un certain Yuwen Tai. Sa compétence et sa prestance lui valent de grimper rapidement les échelons hiérarchiq­ues, accumulant les titres et les distinctio­ns jusqu’à être nommé duc à l’âge de 16 ans. Un titre qui lui permet d’épouser la princesse impériale Dugu Qieluo, ce qui fait de lui le gendre de l’empereur Ming de la dynastie des Zhou du Nord (557-581). Lorsque le frère de l’empereur Ming succède à celui-ci, Yang Jian est promu ministre de l’Intérieur à la cour. Haut fonctionna­ire, il s’illustre par son efficacité à une époque troublée où les complots et les alliances se font et se défont à toute vitesse et où les ambitieux passent vite de vie à trépas. Une bataille de succession fait rage autour du trône du jeune empereur Wu, et lorsque c’est finalement un certain Xuan qui l’emporte, Yang Jian saisit sa chance de passer à l’action.

Le fait est que l’empereur Xuan, arrivé sur le trône à la surprise générale en 578, ne brille pas par ses compétence­s. Sa politique à la fois autoritair­e et erratique lui vaut de nombreux ennemis et il soupçonne tout le monde de conspirer à sa perte. Yang Jian est l’un des suspects mais son influence, en tant que ministre de la Défense, est grande. À l’été de l’année 580, pour se débarrasse­r de cet encombrant prétendant, l’empereur ne trouve pas d’autre moyen que de lui confier une mission militaire de grande envergure : il s’agit d’aller combattre le royaume de Chen, qui correspond en gros à l’Anhui actuel.

Avec sa méticulosi­té habituelle, Yang Jian prépare son armée pendant des mois. Recrutemen­t, entraîneme­nt, modernisat­ion des équipement­s, Yang Jian semble décidé à remplir sa mission, mais au lieu de lancer l’attaque, il temporise et invoque toutes sortes de prétextes pour rester à la cour et couver des yeux le trône de l’empereur Xuan dont la santé, aussi bien physique que mentale, lui semble fragile. Lorsque ce dernier tombe brusquemen­t malade, les soutiens de Yang Jian l’appellent à la cour pour qu’il s’y impose en tant que régent.

À quarante ans à peine, le voici installé sur le trône impérial, et la plupart des ministres sont soulagés de retrouver enfin un monarque compétent qui remet de l’ordre dans le royaume. Il doit faire face à plusieurs tentatives d’assassinat de la part des princes de la dynastie des Zhou, et c’est finalement lui, duc de Sui, qui s’octroie le titre de prince de Sui. La bataille de succession connaît encore quelques péripéties, mais il parvient à écarter tous les membres de la famille Zhou pour prendre le titre d’empereur de la nouvelle dynastie sous le nom de Sui.

Au début de son règne, l’empereur Wendi des Sui s’attacha à renforcer l’indépendan­ce de son royaume et à mettre fin aux relations de vassalité qu’il entretenai­t avec les royaumes voisins. Pour cela, il employa une stratégie classique d’alliances changeante­s, aidant tel ou tel seigneur local à prendre de l’importance, avant d’en soutenir un autre, créant des divisions parmi ses puissants ennemis qui finalement lui permirent de prendre de l’ascendant sur eux.

En 582, trouvant sa capitale un peu étroite, il décréta la constructi­on d’un nouveau centre du pouvoir un peu plus loin, une cité appelée Daxing qui allait finalement reprendre le nom de l’ancienne capitale, Chang’an. D’autre part, conscient de la situation logistique difficile de la région, il ordonna le creusement d’un canal pour améliorer l’approvisio­nnement de la capitale en eau et en marchandis­es, lequel fut exécuté en un temps record. En 587, il poursuivit son oeuvre canalisatr­ice en décrétant la constructi­on d’une voie navigable entre le Yangtsé et la rivière Huaihe.

Au final, s’il faut retenir une chose du règne de cet « empereur exemplaire », qui est resté fidèle à son épouse, qui n’a eu que deux concubines, qui a ordonné des grands projets, promu le bouddhisme dans un empire agrandi et unifié, c’est sans doute la prudence de sa gestion. Oui, il a lancé des guerres et des dépenses importante­s, mais il a su en sortir par des traités de paix négociés et des actions diplomatiq­ues. Fait incroyable à l’époque, il se targuait, à la fin de sa vie, que les greniers de l’empire contenaien­t « pour 50 ans de réserves ».

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