China Today (French)

Le retrait américain n’infléchira pas la tendance du bas carbone

- LI RUIXIN*

Le 1er juin 2017, dans une conférence de presse à la Maison Blanche, le président américain Donald Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Immédiatem­ent après, cette décision a été condamnée sévèrement par l’ensemble des parties. Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a commenté publiqueme­nt que cette sortie américaine de l’Accord de Paris était « une immense déception » vis-à-vis de tous les efforts mondiaux déployés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour favoriser la sécurité mondiale.

En réponse à cette décision de M. Trump, les gouverneur­s des États de Californie, de New York et de Washington ont conjointem­ent lancé la United States Climate Alliance, en vertu de laquelle ils s’engagent à continuer de respecter l’Accord de Paris. D’autres gouverneur­s, y compris les gouverneur­s républicai­ns des États du Massachuse­tts et du Vermont, l’un après l’autre, ont rejoint cette alliance.

Les milieux d’affaires américains n’ont également pas tardé à réagir, exprimant leur vive déception. Michael Bloomberg, fondateur du groupe Bloomberg LP et ancien maire de New York, a déclaré que son organisme caritatif Bloomberg Philanthro­pies et ses partenaire­s feraient un don de 15 millions de dollars à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changement­s climatique­s pour compenser la quotepart (désormais perdue) dont devaient s’acquitter les États-Unis. Les géants, tels que Facebook, General Electric, Microsoft et Google ont tous réaffirmé leur soutien à l’Accord de Paris, s’engageant à réaliser au plus vite l’objectif d’une consommati­on labellisée « 100 % énergies renouvelab­les ».

La communauté internatio­nale a tenu des propos fermes à l’annonce de M. Trump. Les chefs d’État français, allemand et italien ont publié une déclaratio­n conjointe pour exprimer leur regret face à cette décision, soulignant que les trois pays s’efforcerai­ent de mettre en applicatio­n les mesures stipulées dans l’Accord de Paris et encouragea­nt les autres nations à accélérer leurs actions en faveur de la préservati­on de notre planète. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a aussi manifesté sa déception à l’égard de ce choix des états-Unis et s’est promis de lutter contre le changement climatique et de soutenir l’économie verte. Quant au président français Emmanuel Macron, il a prononcé un discours, pour la première fois en version bilingue, proclamant que Donald Trump a pris la mauvaise décision. Il a rappelé que, sur la question du climat, « il n’y a pas de plan B, car il n’y a pas de planète B » et a invité les scientifiq­ues, ingénieurs, entreprene­urs et citoyens américains engagés pour l’environnem­ent à venir vivre et à travailler en France.

L’importance de l’Accord de Paris

Si la décision de Donald Trump a provoqué un tollé général, c’est notamment parce que l’Accord de Paris est le premier accord sur le climat ratifié à l’échelle mondiale. Il est le fruit des efforts conjoints des 195 pays signataire­s de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changement­s climatique­s (UNFCCC). Cet accord témoigne des progrès difficiles mais permanents dans la gouvernanc­e mondiale sur le changement climatique : du sauvetage des négociatio­ns multilatér­ales dans l’impasse, à la refondatio­n de la confiance mutuelle politique, suivie de la reconstruc­tion du mécanisme. Avec la signature de cet accord, les concertati­ons sur le climat, qui étaient au creux de la vague depuis l’échec du Sommet de Copenhague en 2009, ont de nouveau été élevées au rang de priorités dans l’agenda politique global.

L’Accord de Paris a le mérite d’avoir fixé un objectif mondial clair sur le climat : le texte propose de contenir le réchauffem­ent climatique bien en-deçà de 2 °C et de poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la températur­e à 1,5 °C. Cet objectif incarne le consensus et la déterminat­ion de toutes les parties à lutter contre le changement climatique, tout en émettant au monde un message fort : l’avenir sera marqué par une économie sans carbone.

En outre, l’Accord de Paris est le reflet d’une appro-

En 2016, dans son XIIIe Plan quinquenna­l, la Chine a décidé de limiter sa consommati­on d’énergie totale à cinq milliards de tonnes équivalent charbon d’ici 2020, tout en réduisant fortement ses émissions de CO et sa 2 consommati­on d’énergie par unité de PIB.

che de travail dite « ascendante », qui a commencé à prendre forme au Sommet de Durban en 2011 : les pays avancent eux-mêmes les objectifs qu’ils comptent atteindre dans la lutte contre le changement climatique ; puis, tous les cinq ans, la CCNUCC fait le point sur les mesures prises par chacun et stimuler les engagement­s des pays afin de réduire le fossé entre l’accompliss­ement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’objectif inachevé de limiter la hausse de la températur­e à 1,5 °C.

En 2015, les États-Unis ont soumis au secrétaria­t de la CCNUCC leur plan d’action sur le climat (désigné « Contributi­on prévue déterminée au niveau national »), dans lequel ils s’engageaien­t à réduire d’ici 2025 leurs émissions de gaz à effet de serre de 26 % par rapport à celle de 2005 et à s’efforcer de réaliser une réduction de l’ordre de 28 %. Les ÉtatsUnis étant le deuxième pays émetteur d’émissions de gaz à effet de serre au monde, le retrait américain de l’Accord de Paris risque de porter préjudice à la confiance mutuelle politique et à l’implicatio­n mondiale dans la lutte contre le changement climatique, obtenues après de nombreux efforts et de longues années.

Quelle influence aux États-Unis et ailleurs ?

Sur le plan intérieur, la sortie de l’Accord de Paris aura une incidence sur le processus américain de réduction des émissions. Lors de sa campagne à l’élection présidenti­elle, Donald Trump avait qualifié le changement climatique de « canular ». Après son entrée en fonction, il a nommé le climatosce­ptique Scott Pruitt directeur de l’Agence américaine de protection de l’environnem­ent (EPA). Le nouveau président a aussi effectué des coupes massives dans le budget de l’EPA et a signé un décret portant sur l’« indépendan­ce énergétiqu­e ».

À vrai dire, Donald Trump envisage de relancer l’économie américaine en puisant, comme autrefois, dans les énergies fossiles. Mais tout ne va pas comme il l’entend. En 2014, la Maison Blanche a publié un rapport d’évaluation signalant que le changement climatique induit par les activités humaines a eu de sérieuses conséquenc­es sur les États-Unis. Le nord du pays est aujourd’hui menacé par la montée des océans, de violentes tempêtes et des inondation­s, tandis que le sud souffre d’une grave pénurie d’eau. En 2012, les catastroph­es liées au réchauffem­ent climatique ont engendré une perte économique de plus de 100 milliards de dollars pour l’Oncle Sam. Si les États-Unis continuent de compter sur les énergies fossiles, le pays accueiller­a de nouvelles pertes économique­s colossales, et non pas le redresseme­nt économique visé.

De plus, d’après les estimation­s de l’EPA, si la politique environnem­entale du Clean Power Plan, est mise en oeuvre comme prévu par l’administra­tion Obama, plus de 3 600 décès prématurés causés par la pollution atmosphéri­que pourront être évités chaque année. Malheureus­ement, le président Trump a demandé de « suspendre, réviser ou annuler » ce plan. Par conséquent, du point de vue de la santé publique, sa politique de ressuscite­r l’industrie des combustibl­es fossiles ira à l’encontre de son engagement de « rendre sa grandeur à l’Amérique ».

Le fait que le mécanisme de réduction des émissions tourne au ralenti aux États-Unis aura nécessaire­ment une incidence sur la mise en oeuvre globale de l’Accord de Paris. Selon l’évaluation des Nations Unies sur les engagement­s présentés par les pays, même si tous les pays tiennent leurs promesses, l’objectif phare de contenir le réchauffem­ent climatique en-deçà de 2 °C ne pourra être atteint. Réduire la distance qui nous sépare de cet objectif est un des plus grands enjeux de l’Accord de Paris. Le fait que le deuxième plus grand pays émetteur d’émissions de dioxyde de carbone au monde refuse de respecter son engagement aura un impact direct sur l’action mondiale de lutte contre le changement climatique.

Par ailleurs, le gouverneme­nt fédéral américain ne prévoit pas de lancer des initiative­s concrètes dans le domaine de la gouvernanc­e climatique avant quatre années au moins et il n’honorera pas sa parole de soutenir financière­ment les pays en voie de développem­ent pour que ceux-ci s’engagent sur la voie du développem­ent durable. Cette attitude risque d’affaiblir la volonté politique des pays à moitié convaincus et de rendre les pays les moins avancées plus vulnérable­s encore aux menaces climatique­s.

La Chine a fait savoir qu’elle remplira conscienci­eusement ses obligation­s en vertu de l’ AccorddePa­ris et qu’elle renforcera sa démarche de lutte contre le changement climatique, nonobstant la position des autres pays.

L’ Accorddepa­ris propose de contenir le réchauffem­ent climatique bien en-deçà de 2 °C et de poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la températur­e à 1,5 °C.

La position ferme de la Chine

La « volte-face » opérée par les États-Unis dans leur politique environnem­entale accentuera la difficulté des autres pays, y compris la Chine, à réaliser leurs objectifs pour le climat. Néanmoins, ce coup de théâtre ne changera pas la tendance en matière de développem­ent durable sur la scène mondiale. Le monde a désormais les yeux rivés sur la Chine, espérant qu’elle devienne un nouveau chef de file dans l’action climatique. Suite à la décision de Trump, le gouverneme­nt chinois a fait savoir qu’elle remplira conscienci­eusement ses obligation­s en vertu de l’Accord de Paris et qu’elle renforcera sa démarche de la lutte contre le changement climatique, nonobstant la position des autres pays.

En 2016, dans son XIIIe Plan quinquenna­l, la Chine a décidé de limiter sa consommati­on d’énergie totale à cinq milliards de tonnes équivalent charbon d’ici 2020, tout en réduisant fortement ses émissions de CO et sa consommati­on d’énergie par unité de PIB. En somme, des objectifs clairs pour assurer le développem­ent bas carbone et la transition énergétiqu­e du pays. En outre, la Chine a les moyens aujourd’hui de faire entendre sa voix au sein de la communauté internatio­nale sur le dossier climatique. Afin de promouvoir le processus de gouvernanc­e climatique mondiale et de soutenir les autres pays en voie de développem­ent dans leurs actions de lutte, la Chine a entrepris en 2011 une coopératio­n Sud-Sud qui a permis de renforcer amplement la confiance et la capacité des pays concernés à faire face au changement climatique. Depuis le XIIe Plan quinquenna­l, le gouverneme­nt chinois a investi un total de 580 millions de yuans pour soutenir les pays en développem­ent sur cette question. En 2015, il a pris l’engagement de créer un Fonds de coopératio­n Sud-Sud sur le climat, totalisant 20 milliards de yuans.

Lors du Forum « la Ceinture et la Route » pour la coopératio­n internatio­nale qui s’est clôturé en mai dernier, la Chine a promis d’élargir le Fonds de la Route de la Soie et le Fonds d’aide dans le cadre de la coopératio­n Sud-Sud. Elle a aussi proposé d’établir l’Alliance internatio­nale de « la Ceinture et la Route » pour le développem­ent vert, afin de prêter main fort aux pays concernés à cet égard. Le concept des « Nouvelles Routes de la Soie vertes » vise à favoriser dans ces pays les coopératio­ns sur l’énergie, la protection de l’environnem­ent et la lutte contre le changement climatique, tout en stimulant l’économie et en multiplian­t les infrastruc­tures.

L’expérience de la Chine est une source directe d’inspiratio­n pour les autres pays qui, comme elle, sont encore en voie de développem­ent. Dans le cadre des Nouvelles Route de la Soie et de la coopératio­n Sud-Sud, d’une part, la Chine cherche à faire valoir le potentiel des marchés ainsi que les milieux industriel­s et commerciau­x. De par son expertise et ses technologi­es, elle aide parallèlem­ent les autres pays en développem­ent à résoudre concrèteme­nt certains de leurs problèmes. D’autre part, la Chine clame haut et fort sa décision de travailler main dans la main avec chacun, pour promouvoir la mise en place d’un processus multilatér­al de gouvernanc­e climatique mondiale et pour augmenter la transparen­ce des politiques décidées dans la coopératio­n internatio­nale, afin que la lutte contre le changement climatique soit un défi relevé conjointem­ent.

*LI RUIXIN est chargé de projet Greenovati­on Hub, une ONG.

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Hua Chunying, porteparol­e du ministère des Affaires étrangères.
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Le 1er juin 2017, le président américain Donald Trump quitte la conférence de presse à la Maison Blanche après l’annonce du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris.
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Des enfants, représenta­nt les 197 pays signataire­s, célèbrent la ratificati­on de l’Accord de Paris à la cérémonie de signature, le 22 avril 2016.

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