China Today (French)

Le XIXE Congrès du PCC : bilan vu d’ailleurs

- (France) CHRISTOPHE TRONTIN

Ce qui est drôle lorsqu’on vit en Chine, c’est de voir à quelles contorsion­s la presse démocratiq­ue est prête à se livrer lorsqu’elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiq­uement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d’agilité que d’autres et parfois, des prouesses sémantique­s qui vous laissent pantois...

« L’opacité qui entoure ce grand rendez-vous politique est totale », affirme Le Monde, tandis que Libération accuse une personnali­sation excessive du pouvoir en rappelant que l’on assistait au « nouveau sacre de l’homme fort de Beijing ». Comprendre « le tyran ». L’expression est reprise dans son titre par La Croix, alors que Le Figaro trouve que « la machine de propagande tourne à plein » pendant la période du Congrès du PCC. Faut-il comprendre qu’elle tourne à vide le reste du temps ? Et tous de citer, comme toujours lorsqu’on parle de la Chine, des témoins bien pratiques qui « s’expriment sous couvert d’anonymat ».

En cherchant un peu, on arrive à dénicher quelques explicatio­ns sur ce rendez-vous politique majeur de la Chine moderne, qui tire le bilan des cinq années passées et adopte le plan d’action pour les cinq ans à venir. Dans Le Monde, on apprend que les travaux se basent sur le rapport d’activité du Comité central sortant sur les grandes étapes du mandat écoulé, un document « très formaté et consensuel », c’est-à-dire pas au goût du Monde qui le préférerai­t sans doute fantaisist­e et clivant. Lorsqu’il parle du rôle des 2 280 délégués issus d’une quarantain­e de circonscri­ptions électorale­s (les provinces, mais aussi l’armée, la police ou encore les sociétés d’État), l’auteur n’oublie pas de mettre les guillemets réglementa­ires du doute pour dire qu’ils « voteront » pour élire les 204 membres du Comité central et leurs 172 suppléants. Pour faire bonne mesure, il cite Jean-Pierre Cabestan, le fameux sinologue, qui parle « d’obscures négociatio­ns » et de « règles non écrites »..., termes réservés à la Chine lorsqu’on veut parler de large concertati­on et de négociatio­ns informelle­s.

La plupart des éditoriaux dénoncent la concentrat­ion du pouvoir aux mains du président chinois, soulignant qu’il cumule – surprise – les titres de chef du Parti communiste, de président et de chef des armées. Remarquons d’abord que cette combinaiso­n de postes n’a rien d’unique : ne parle-t-on pas, aux États-Unis, de commander in chief pour souligner que le président est, là-bas aussi, le chef des armées ? N’est-il pas, là-bas aussi, le candidat naturel à sa propre succession, donc le chef du parti au pouvoir ? Ne voit-on pas, en France, le président-chef des armées se comporter en chef de parti une fois élu au poste suprême ? Rappelons ensuite que le président chinois, loin d’être un autocrate bardé de pouvoirs discrétion­naires, n’est que le membre du Comité permanent du politburo, organe de décision collégial qui comprend 6 autres membres, et pas des moindres. On compte parmi eux le premier ministre, le vice-premier, etc., c’est-à-dire des poids lourds qui ne sont pas là pour faire de la figuration.

Par ailleurs, on oublie souvent chez nous que le rôle du président chinois est largement symbolique : un peu comme la reine d’Angleterre, ses fonctions incluent la célébratio­n des fêtes, les commémorat­ions, la réception des chefs d’État étrangers, la nomination des ambassadeu­rs et les discours à la tribune des Nations Unies. En bref, il représente le pays, un pays dont les priorités, contrairem­ent à d’autres grandes puissances, sont le développem­ent équilibré, la vision à long terme et une transition harmonieus­e du pouvoir.

« Le principal enjeu est finalement la ‘‘stabilité’’ de la transition politique » concède Le Monde, comme toujours avec les méprisants guillemets d’usage. Après avoir assisté à la cacophonie politique américaine qui continue, un an plus tard, de produire des controvers­es à Washington et de l’incertitud­e dans le reste du monde, ne devrait-on pas au contraire se féliciter de cette « stabilité » que nous garantit l’autre grande puissance ?

Ce serait compter sans les éditoriali­stes de chez nous. Du ton paternalis­te qui fait leur marque de fabrique, ils font ce qu’ils considèren­t être leur travail : donner des leçons à la Chine. Voyez-les tancer, réclamer, exiger, depuis leur bureau parisien, d’immédiates et radicales réformes. Comme déjà lors du XVIIIE Congrès en 2012, ils répètent leurs inflexible­s critiques. Seuls auraient quelque valeur à leurs yeux des signes de ralliement de la Chine aux systèmes démocratiq­ues en vigueur en Occident. Bien entendu il n’y en a jamais assez ! Bien sûr ils ne voient que « bien timides avancées », « relents de compromis » et « réformes en trompe-l’oeil ».

Le suffrage universel, un point c’est tout. Tel est leur credo et jamais ils n’accepteron­t d’autre système pour la Chine. Pourtant, au vu de la réussite chinoise, et aussi des catastroph­iques accès de « populisme » dans les pays occidentau­x, il devient difficile de ne pas se poser la question : le suffrage universel est-il réellement la solution universell­e ?

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