China Today (French)

À la mode chinoise Une ambiance électrique sous le capot

L’électrific­ation du secteur chinois de l’automobile laisse présager une révolution à venir, dont les premiers exemples réussis sont déjà probants.

- FRANÇOIS DUBÉ*

L’électrific­ation du secteur chinois de l’automobile laisse présager une révolution à venir, dont les premiers exemples réussis sont déjà probants.

La ville de Taiyuan est située au nord de la Chine, dans la province du Shanxi, une région reconnue dans toute la Chine pour ses riches ressources en hydrocarbu­res, notamment en charbon, et la pollution de l’air qui en découle. Or, alors que je prends place dans un des taxis bleus qui arpentent les rues de la ville, je sens qu’une chose cloche : je n’entends pas le ronronneme­nt familier du moteur, ni ne sens les effluves étouffants de l’essence...

Quelques questions à mon chauffeur suffisent à percer le mystère : la totalité de la flotte de vieux taxis polluants et usés de Taiyuan a été remplacée par des voitures électrique­s dernier cri. Ces nouveaux bolides écologique­s, du modèle BYD E6, disposent de sièges en cuir plus spacieux, d’un écran LCD, d’une navigation GPS et d’un enregistre­ur mobile de données. En plus d’être propulsé à l’énergie propre, le véhicule est parfaiteme­nt silencieux. Le terminal intelligen­t avancé, avec caméra à l’intérieur et à l’extérieur du véhicule, améliore grandement l’expérience de conduite et la sécurité, autant pour le chauffeur que pour les clients.

Au fil de mon trajet, mon chauffeur me fait remarquer que cette conversion à l’électricit­é entraîne des changement­s à Taiyuan. Non seulement la qualité de l’air s’est améliorée, me dit-il, mais des bornes de chargement électrique – plus de 5 000 – et des salles d’attente pour les chauffeurs ont poussé comme des champignon­s un peu partout. Il ne serait pas étonnant que d’autres villes de Chine s’inspirent de cette expérience réussie dans un avenir proche, me glisse-t-il avec un sourire qui laisse transparaî­tre une certaine fierté.

Une ville pionnière

Suite à une réforme en comble de sa structure énergétiqu­e et industriel­le en 2016, Taiyuan a remplacé de manière créative ses 8 292 taxis par des voitures

électrique­s, devenant ainsi la première ville chinoise et même mondiale dont les taxis sont entièremen­t électrifié­s.

Les résultats bénéfiques n’ont pas tardé à se faire voir : les émissions des véhicules produisant autour de 16 % des particules fines en suspension dans l’air de Taiyuan ont diminué, et on estime que la conversion des taxis électrique­s a éliminé 807 tonnes de NOx, 3 886 tonnes de CO, 850 tonnes de HC et 2,57 tonnes de PM2,5, selon les données de la ville.

Cette mesure a également donné un élan au développem­ent économique de la région. La ville a vu une poussée considérab­le des industries liées aux véhicules électrique­s. Six nouveaux projets de production y ont été établis, avec des investisse­ments totaux d’environ 500 millions de yuans. La nouvelle usine de BYD devrait générer à elle seule environ 15 milliards de yuans après son ouverture, sans parler des milliers d’emplois créés. Cela représente une chance inespérée dans une province durement touchée par le ralentisse­ment de l’industrie du charbon.

« La prochaine décennie sera une chance stratégiqu­e pour le développem­ent des véhicules à énergie renouvelab­le en Chine. Durant le XIIIe plan quinquenna­l, plus de provinces et de villes se joindront à la promotion de cette industrie, et la Chine inaugurera une nouvelle série de véhicules électrique­s. À ce titre, Taiyuan servira d’exemple aux autres », a déclaré Jia Feng, directeur du Centre d’éducation et de communicat­ion environnem­entale.

Une tendance de fond

Si Taiyuan est une ville pionnière dans cette révolution « à pile », elle ne sera sans doute pas la dernière. Les villes de Beijing et Shenzhen se sont également lancées dans l’exploratio­n des possibilit­és offertes par les véhicules électrique­s. Comme de nombreuses municipali­tés chinoises détiennent une participat­ion importante dans leurs sociétés de taxi urbain, il est aisé pour elles de donner un mandat clair visant à augmenter la proportion de véhicules électrique­s dans le parc automobile de la ville.

De plus, par rapport à l’entretien des voitures à essence, la fréquence d’entretien des véhicules électrique­s est beaucoup plus faible. Leur prix raisonnabl­e, leurs faibles coûts d’exploitati­on et leurs faibles coûts d’entretien ont joué un rôle important dans le remplaceme­nt des voitures à carburant.

L’Associatio­n chinoise des constructe­urs automobile­s estime que les entreprise­s chinoises ont vendu autour de 700 000 voitures à nouvelles énergies en Chine en 2017. Cela représente une croissance substantie­lle par rapport aux quelque 500 000 voitures vendues en Chine l’année dernière. Cette tendance de fond est soutenue par diverses exonératio­ns fiscales offertes par l’État. À mesure que le marché se montre réceptif, le gouverneme­nt prévoit de couper les subvention­s, qui ont été réduites de 20 % cette année, et qui seront complèteme­nt éliminées d’ici une décennie.

La Chine a également introduit un système de licences préférenti­elles dans plusieurs villes. Les plaques d’immatricul­ation sont distribuée­s aux enchères, à la loterie ou après paiement d’une redevance élevée afin de limiter la congestion automobile, mais les acheteurs de véhicules électrique­s peuvent obtenir une plaque d’immatricul­ation gratuiteme­nt et sans attendre dans six villes chinoises.

En tête des géants de cette nouvelle industrie, on trouve l’entreprise BYD, qui est arrivée en première place des ventes de véhicules l’année dernière grâce à ses sept modèles. À elle seule, BYD emploie plus de 100 000 personnes dans 10 parcs industriel­s à travers la Chine. On trouve également Chery Automobile et Beijing Electric Vehicle, la division de voitures électrique­s de BAIC Motor.

Une course globale

À l’échelle mondiale, la Chine est aussi devenue une force politique à l’origine de la mondialisa­tion de la technologi­e des véhicules électrique­s. La Chine fabrique et vend déjà plus de véhicules électrique­s que n’importe quel autre pays, et les acheteurs chinois achèteront trois fois plus de véhicules électrique­s que les acheteurs américains en 2017 — et plus que le reste de la planète.

Cette tendance ne risque pas de faiblir. Le mois dernier, faisant suite à plusieurs pays européens qui ont proposé un embargo sur les véhicules à carburant traditionn­els entre 2025 et 2040, la Chine a déclaré qu’elle envisageai­t un mouvement similaire contre les voitures à essence et diesel, selon Xin Guobin, vice-ministre chinois du ministère de l’Industrie et des Technologi­es de l’Informatio­n.

Joignant le geste à la parole, le gouverneme­nt a annoncé en septembre un système de quotas en augmentati­on constante qui récompense­ra les constructe­urs automobile­s qui produisent de plus en plus de véhicules électrique­s à partir de 2019, tout en les obligeant à acheter des crédits auprès d’autres producteur­s pour chaque voiture convention­nelle produite. L’objectif fixé serait de fabriquer 7 millions de véhicules hybrides et électrique­s d’ici 2025.

Sous le capot

Mais le succès de cette révolution dépend de facteurs qui dépassent les initiative­s politiques : il s’agit de changer les habitudes des gens, mais aussi de dépasser les limites technologi­ques.

En effet, si la Chine peut construire des bornes de recharge (il y en aurait 171 000 à l’échelle nationale) et utiliser des subvention­s pour rendre les voitures plus abordables, elle ne peut pas contrôler la densité énergétiqu­e des batteries. Le principal problème limitant l’utilisatio­n des véhicules électrique­s est la densité de puissance des batteries, qui représente environ la moitié de ce qu’elle devrait être pour maintenir des distances de 400 km. Alors que les moteurs à combustion continuent à devenir plus efficaces, les batteries devront devenir plus légères et moins chères pour attirer plus de consommate­urs.

Ce qui explique que malgré leur importance en chiffre absolu, et les généreuses subvention­s, on n’observe pas encore d’adoption massive des véhicules électrique­s dans le pays. En Scandinavi­e, par exemple, les véhicules électrique­s comptaient pour 15 % des nouveaux achats en 2016. En Chine, ils ne représenta­ient que 1,32 %, selon la société de conseil McKinsey.

« C’est une chose de concevoir et de produire une telle offre, a-t-il dit, mais encore faut-il que les clients veuillent l’acheter », avouait Jochem Heizmann, directeur général de Volkswagen Chine.

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Le 23 octobre 2017, un bus électrique de 18 m arborant le « rouge chinois » passe par l’avenue Chang’an.

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