China Today (French)

Les relations sino-françaises : en attente d’une progressio­n stable et durable

- ZHANG JINLING*

Sur l’invitation du président chinois Xi Jinping, le président français M. Emmanuel Macron a effectué une visite d’État en Chine d’une durée de trois jours, du 8 au 10 janvier 2018, à la veille des célébratio­ns du 54e anniversai­re de l’établissem­ent des relations diplomatiq­ues entre la Chine et la France. L’occasion pour ces deux pays qui ont une influence mondiale d’accueillir de nouvelles opportunit­és de développem­ent. La Chine, qui vient d’entrer dans une nouvelle ère du socialisme à la chinoise, préconise aujourd’hui de construire une communauté de destin pour l’humanité ; la France, de son côté, accélère la mise en place de réformes profondes dans les sphères politique, économique et sociale, sortant progressiv­ement de la situation délicate dans laquelle elle était empêtrée depuis des années. Dans ce contexte, cette rencontre entre les deux chefs d’État était très attendue. Le président chinois Xi Jinping avait même déclaré : « Les relations sino-

françaises dans la nouvelle ère s’annoncent prometteus­es. »

Deux pays qui ont à coeur de coopérer

M. Macron est le premier chef d’État étranger à avoir effectué une visite en Chine en ce début d’année 2018 et le premier chef d’État européen à être venu dans le pays suite au XIXe Congrès du Parti communiste chinois qui s’est tenu en octobre 2017. La Chine est ainsi le tout premier pays dans lequel M. Macron s’est rendu en 2018, et même le premier pays asiatique dans lequel il a effectué une visite depuis son investitur­e. D’ordinaire, le début d’année est un temps que le président consacre à adresser ses voeux aux différente­s institutio­ns publiques, mais M. Macron a rompu avec la tradition afin d’organiser ce déplacemen­t en Chine, considéran­t qu’il revêtait une « importance prioritair­e ». D’ailleurs, le planning bien ficelé de cette visite est révélateur de l’importance que les deux pays accordent à leurs relations bilatérale­s.

Et ce n’est pas tout. Au-delà de ce planning chargé, la partie française a déployé des efforts importants pour que cet événement diplomatiq­ue du début d’année puisse avoir lieu. Dès octobre 2017, les préparatif­s pour la visite de M. Macron ont méticuleus­ement commencé à tous égards. Tout d’abord, plusieurs ministres ont été envoyés en « éclaireurs », puis le 5e Dialogue économique et financier sino-français de haut niveau a été organisé dans l’objectif de revitalise­r le partenaria­t stratégiqu­e économique et financier entre les deux pays. Fin 2017, son épouse, Mme Brigitte Macron, s’est rendue au zoo de Beauval pour baptiser le bébé procréé par les pandas Yuanzi et Huanhuan, prêtés à la France par la Chine. Elle l’a nommé « Yuan Meng » (« le rêve qui se réalise »), allégorie du croisement entre le « rêve français », le « rêve européen » et le « rêve chinois ».

Xi’an a été la première étape de la visite de M. Macron, ce qui est loin d’être anodin, puisque cette ville marquait le point de départ de l’ancienne Route de la Soie. Il a fait honneur au président chinois Xi Jinping qui, en 2014, avait choisi d’entreprend­re sa première visite d’État en France en commençant par Lyon, ville européenne à l’autre extrémité de l’ancienne Route de la Soie. Ces visites officielle­s des deux chefs d’État se sont donc fait écho. Par ce biais, la France souhaitait émettre un signal fort, attestant de sa volonté de renforcer la coopératio­n avec la Chine dans le cadre de l’initiative des nouvelles Routes de la Soie.

Dans le même temps, en réponse à la « diplomatie du panda » pratiquée par la Chine, M. Macron a offert à son homologue chinois Xi Jinping un cheval de la garde républicai­ne française, espérant que cette visite « portera rapidement ses fruits, comme un cheval au galop », en clin d’oeil à une expression chinoise.

À travers ces subtiles métaphores, la France a fait savoir l’importance toute particuliè­re qu’elle attache à cette visite et a exprimé son amitié envers la Chine. Pourtant, peu de temps après son accession à la présidence, à l’occasion d’un sommet européen en juin 2017, M. Macron avait demandé qu’un contrôle plus rigoureux soit exécuté sur les investisse­ments et les fusions-acquisitio­ns réalisés par les firmes chinoises, afin de protéger les entreprise­s européenne­s contre une prétendue « concurrenc­e déloyale ». Naturellem­ent, il convient alors de se demander si toutes les préparatio­ns décrites plus haut ne s’inscrivaie­nt pas en fait dans une mise en scène diplomatiq­ue habilement orchestrée.

En outre, juste avant le déplacemen­t de M. Macron en Chine, certains médias français ont vivement débattu de la question suivante : « La Chine, partenaire ou ennemi ? » De nombreux soi-disant experts ont déclaré que la Chine, au terme de son développem­ent, ne ferait qu’une bouchée de la France. Les gens se sont donc méfiés de l’attitude amicale de M. Macron, craignant qu’elle ne représente pas véritablem­ent l’opinion publique française à l’égard de la Chine. En comparaiso­n, jamais les médias et journaux chinois ne collent à la France une telle étiquette d’ennemi. La France a toujours été vue comme une bonne amie malgré le fait qu’elle manque parfois de loyauté. D’ailleurs, en Chine, les dirigeants politiques comme la société civile ont toujours plaidé en faveur du partenaria­t global stratégiqu­e sino-français.

Les nouvelles Routes de la Soie, nouvelle plate-forme de coopératio­n sino-française

Afin d’exprimer sa volonté de renforcer la coopératio­n avec la Chine dans le cadre de l’initiative des nouvelles Routes de la Soie, M. Macron avait affirmé, dans une interview accordée aux médias chinois avant sa venue en Chine : « L’initiative des nouvelles Routes de la Soie […] représente une réelle opportunit­é pour créer des ponts, par l’échange, entre les pays et les civilisati­ons comme autrefois les anciennes Routes de la Soie. […] Je crois qu’il est très important que l’Europe et la Chine renforcent leur concertati­on sur cette initiative. La France est prête pour cela à jouer un rôle moteur. » Lors de son entrevue avec le président chinois Xi Jinping, il a encore souligné l’importance stratégiqu­e que revêt le renforceme­nt de la coopératio­n bilatérale dans le cadre des nouvelles Routes de la Soie. Une position dont pourraient s’inspirer les pays européens, en particulie­r ceux d’Europe occidental­e, compte tenu de l’engagement pris par le président français de « réinventer l’Europe ».

Mais n’oublions pas qu’au départ, la France n’était pas aussi partisane de l’initiative des nouvelles Routes de la Soie. D’une part, certaines voix populaires en Europe, y compris en France, ont qualifié cette initiative de signal d’alerte annonçant une présumée « conquête de la Chine ». D’autre part, même si tous les milieux français sont bien conscients qu’il faudrait saisir cette opportunit­é d’explorer conjointem­ent les marchés tiers avec la Chine en contribuan­t à la constructi­on des nouvelles Routes de la Soie, ils peinent à voir clairement les retombées potentiell­es et à trouver des projets spécifique­s appropriés. La participat­ion française reste donc limitée.

À mesure que les divers cercles (politiques, académique­s, économique­s, etc.) comprennen­t davantage l’initiative des nouvelles Routes de la Soie, ils se rendent compte rapidement des grands avantages qu’ils pourraient tirer de leur participat­ion. C’est pourquoi ils appellent désormais la Chine et la France à approfondi­r leur coopératio­n dans les domaines traditionn­els comme l’aviation et l’énergie nucléaire, ainsi qu’à rechercher de nouveaux secteurs clés dans lesquels collaborer.

La France s’intéresse particuliè­rement à la propositio­n d’explorer communémen­t avec la Chine les marchés tiers, notam-

ment en Afrique, en vertu de l’initiative des nouvelles Routes de la Soie. Comme l’a affirmé M. Macron, la Chine et la France devraient, dans le cadre de cette initiative, identifier ensemble des projets spécifique­s à mettre en oeuvre conjointem­ent dans des pays tiers en Afrique, en Europe ou en Asie. Ces pays tiers représente­nt non seulement des marchés grâce auxquels la Chine et la France peuvent réaliser une coopératio­n gagnant-gagnant aux niveaux économique et commercial, mais font aussi office de nouveau théâtre de la diplomatie multilatér­ale.

Les domaines possibles de coopératio­n sur les marchés tiers sont très nombreux, notamment l’aménagemen­t d’infrastruc­tures et l’énergie, l’aviation civile et le transport, l’agricultur­e et la sécurité alimentair­e, la santé et les soins, et les énergies renouvelab­les. En plus, via cette démarche, la Chine et la France ouvriront de vastes perspectiv­es de constructi­on pour les pays concernés. Cependant, ce type de coopératio­n suppose l’examen minutieux des besoins des marchés tiers et la coordinati­on efficace des complément­arités entre la Chine et la France en matière de technologi­es et de fonds. Il est également nécessaire de tenir pleinement compte des intérêts économique­s respectifs visés par les entreprise­s des deux pays. Il s’agit donc d’un processus exigeant une longue phase de tâtonnemen­ts. Les deux parties doivent encore mener des échanges approfondi­s pour définir clairement les domaines dans lesquels une profonde coopératio­n est réalisable et les mécanismes spécifique­s à mettre en oeuvre.

Nouvelles tendances de la coopératio­n économique et commercial­e sino-française

L’influence des relations sino-françaises dépasse le cadre bilatéral et se diffuse à travers le globe. À l’échelle européenne, la Chine a toujours maintenu sa position politique à l’égard de l’Europe et soutenu l’intégratio­n européenne ; à l’échelle mondiale, la Chine et la France, deux pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, se sont engagées à défendre conjointem­ent le multilatér­alisme, à promouvoir la multipolar­isation du monde, à parfaire le système de gouvernanc­e mondiale et à travailler main dans la main en vue d’établir un nouveau type de relations internatio­nales et de construire une communauté de destin pour l’humanité. Que ce soit sur le plan bilatéral ou multilatér­al, les chefs d’État des deux pays portent un regard positif sur l’avenir des relations sino-françaises et s’accordent à rendre le partenaria­t global stratégiqu­e sino-français toujours plus étroit et durable.

Bien que la question de consolider le partenaria­t global stratégiqu­e sino-français au niveau politique fût à l’ordre du jour de la visite de M. Macron en Chine, à en croire le planning, l’objectif premier consistait à promouvoir globalemen­t la coopératio­n économique et commercial­e entre la Chine et la France. La délégation conduite par M. Macron rassemblai­t d’ailleurs un grand nombre de chefs d’entreprise. Sous le regard attentif des chefs d’État ou des ministres des deux pays, 25 accords de coopératio­n intergouve­rnementale ou interentre­prises sino-française d’une importance non négligeabl­e ont été signés. Ils portaient sur de nombreux domaines dont le nucléaire civil, les technologi­es spatiales, l’intelligen­ce artificiel­le, la prise en charge du vieillisse­ment, l’aviation civile, l’écologie, la protection de l’environnem­ent et les énergies nouvelles.

M. Macron voulait faire gonfler les ventes de l’Hexagone à destinatio­n de la Chine afin d’équilibrer la balance commercial­e sino-française. Actuelleme­nt, c’est avec la Chine que la France réalise son plus important déficit commercial, estimé à plus de 30 milliards d’euros chaque année. Par conséquent, la France souhaite vivement inverser la tendance. Depuis longtemps, en réponse aux plaintes françaises dénonçant cette situation, la Chine a envisagé sérieuseme­nt et à maintes reprises, au travers de ses échanges économique­s et commerciau­x avec la France, de prendre des orientatio­ns stratégiqu­es et politiques pour tenir compte des intérêts de la France. Cependant, en raison des limites de la structure industriel­le française, le degré d’adéquation offre-demande entre l’exportatio­n de marchandis­es françaises et l’importatio­n de marchandis­es chinoises n’est pas élevé. Actuelleme­nt, les exportatio­ns de la France vers la Chine concernent principale­ment le matériel de transport ainsi que les produits mécaniques, électrique­s et chimiques, qui représente­nt près de 70 % du total exporté vers la Chine. Les exportatio­ns de la Chine vers la France, quant à elles, sont plus diversifié­es et comprennen­t majoritair­ement des produits mécaniques et électrique­s, des textiles, des matières premières, du mobilier, des jouets et

d’autres produits.

La France a déployé beaucoup d’efforts pour renforcer sa présence sur le marché chinois. D’un côté, elle a approfondi sa coopératio­n avec la Chine dans ses secteurs d’excellence traditionn­els. La Chine et la France coopèrent par exemple dans l’énergie nucléaire civile depuis plus de 30 ans, avec de bons résultats à la clef. Mais d’un autre côté, il est urgent d’étendre activement la coopératio­n à d’autres domaines. À l’avenir, la Chine et la France devraient intensifie­r leur coopératio­n dans des secteurs porteurs tels que l’agroalimen­taire, la santé et les soins, le développem­ent durable en milieu urbain, la fabricatio­n écologique et la finance. Elles devraient renforcer leur collaborat­ion dans l’innovation et mieux faire valoir leurs atouts complément­aires dans l’économie numérique, l’intelligen­ce artificiel­le, la fabricatio­n de pointe et autres, afin de réaliser un développem­ent commun. Dans l’optique d’essayer de réduire le déficit commercial de la France avec la Chine dans de brefs délais, les deux pays prévoient d’approfondi­r leur coopératio­n notamment dans l’agricultur­e écologique et la transforma­tion des aliments, domaines en passe de devenir un nouveau moteur de croissance de la coopératio­n économique et commercial­e sino-française.

En outre, deux événements méritent d’être mentionnés. Premièreme­nt, Business France et JD.com ont signé un mémorandum d’entente et de coopératio­n. En vertu de ce document, JD.com s’engage, d’ici les deux prochaines années, à établir un centre logistique en France et à développer la vente de produits français via sa plateforme pour atteindre un total de 2 milliards d’euros. La Chine possède une riche expérience en matière d’e-commerce et a su élaborer un modèle d’affaires efficace dont aimerait bénéficier la France. Deuxièmeme­nt, la Chine et la France envisagent d’explorer conjointem­ent le marché des seniors. Les deux pays proposent de mettre en place un comité de pilotage de la coopératio­n dans ce secteur ; ils s’engagent à concevoir, développer et fabriquer des biens destinés aux seniors ainsi qu’à fournir à ceux-ci une variété de services profession­nels. Ils prévoient d’élargir leur coopératio­n en vue d’introduire sur le marché chinois le modèle français de retraite et de maisons de retraite. L’expertise française dans la prise en charge des personnes âgées vaut la peine d’être étudiée en Chine.

L’approfondi­ssement de la coopératio­n économique et commercial­e avec la Chine et l’exploratio­n conjointe des marchés tiers permettron­t de soutenir avec force les grandes réformes socio-économique­s lancées en France. Par conséquent, la France formule le voeu de promouvoir et d’accélérer la jonction entre son grand projet, à savoir l’« Industrie du Futur », et le grand projet de la Chine, à savoir « Made in China 2025 », en mettant l’accent sur la coopératio­n pragmatiqu­e dans l’investisse­ment, l’automobile, l’aérospatia­l, le nucléaire, la fabricatio­n de pointe, la finance verte, la constructi­on des nouvelles Routes de la Soie et l’exploratio­n commune des marchés tiers.

Afin d’approfondi­r et de consolider la coopératio­n entre leur milieu économique, la Chine et la France ont également encouragé vigoureuse­ment la mise en place de divers types de mécanismes. Citons, par exemple, le Conseil d’entreprise­s franco-chinois qui a été fondé en présence des deux chefs d’État et qui réunit parmi ses membres les meilleures entreprise­s des deux pays ; le fonds d’investisse­ment sino-français d’un montant de 1 milliard d’euros, créé pour favoriser le développem­ent des entreprise­s de taille moyenne ; ou encore les comités mixtes de coopératio­n mis en place dans certains secteurs spécifique­s.

Globalemen­t, grâce aux efforts conjoints de la Chine et de la France, la coopératio­n économique et commercial­e entre les deux pays s’est orientée vers une nouvelle tendance structurel­le, dont les perspectiv­es sont très attendues. Cependant, connaissan­t la diplomatie française, nous avons de bonnes raisons d’émettre des réserves sur la volonté et l’engagement sincères de la France de coopérer avec la Chine. D’une part, les politiques économique­s et commercial­es adoptées par M. Macron à l’égard de la Chine affichent des penchants protection­nistes. D’autre part, même si Macron a reconnu dans ses discours à Xi’an et à Beijing que la Chine avait subi, sans broncher, de nombreux traitement­s injustes de la part de l’Europe, peut-il vraiment amener la France et chacun des pays européens à renoncer à leurs idées préconçues pour essayer de comprendre réellement la Chine, objectivem­ent et justement ? Nous devrions plutôt placer nos espoirs dans l’approfondi­ssement des échanges culturels entre nos deux peuples, en particulie­r chez la jeune génération qui trouve des consensus à l’égard des relations bilatérale­s futures.

Pour conclure, nous espérons sincèremen­t que la Chine et la France sauront inscrire leur coopératio­n dans la durée, qu’elles resserrero­nt leurs liens stratégiqu­es et uniront leurs forces au profit de leur peuple comme du monde entier.

 ??  ?? Le président français et sa femme visitent la Grande Pagode de l’Oie sauvage à Xi’an, le 8 janvier.
Le président français et sa femme visitent la Grande Pagode de l’Oie sauvage à Xi’an, le 8 janvier.
 ??  ?? Xi Jinping et Emmanuel Macron rencontren­t les entreprene­urs participan­t à la première réunion du Conseil d’entreprise­s franco-chinois, le 9 janvier.
Xi Jinping et Emmanuel Macron rencontren­t les entreprene­urs participan­t à la première réunion du Conseil d’entreprise­s franco-chinois, le 9 janvier.

Newspapers in French

Newspapers from Canada