China Today (French)

OPINIONS Dans les médias chinois

Chine-France : poursuivre l’oeuvre des prédécesse­urs et ouvrir de nouvelles perspectiv­es

- MA XIAOLIN*

Le président français Emmanuel Macron a effectué du 8 au 10 janvier sa première visite d’État en Chine. La visite s’est soldée par une grande liste de commandes : la Chine commande 184 avions Airbus d’une valeur de 18 milliards de dollars ; les deux pays investisse­nt ensemble plus de dix milliards d’euros dans la constructi­on d’une usine de retraiteme­nt des déchets nucléaires en Chine ; la Chine lèvera l’interdicti­on sur la viande bovine française d’ici six mois et elle importera d’ici deux ans des produits français à hauteur de deux milliards d’euros, dont le vin.

Étant donné le poids géopolitiq­ue particulie­r de la Chine et de la France et leurs échanges uniques dans l’histoire, face à un monde aujourd’hui complexe, la visite fructueuse de M. Macron est porteuse de sens : dans la nouvelle ère, les relations bilatérale­s s’appuieront sur le bilan passé et donneront plus de place à l’ouverture de nouvelles perspectiv­es, surtout en ce qui concerne l’approfondi­ssement et l’élargissem­ent du partenaria­t global stratégiqu­e.

Dans la nouvelle ère, les relations bilatérale­s s’appuieront sur le bilan passé et donneront plus de place à l’ouverture de nouvelles perspectiv­es.

La diplomatie des Routes de la Soie

La première étape du voyage de Macron en Chine a été la vieille ville culturelle de Xi’an. Il a non seulement loué le rôle joué par l’ancienne Route de la Soie, mais également soutenu l’initiative des nouvelles Routes de la Soie et souligné leur ouverture et leur appartenan­ce au monde, en déclarant que « les routes de la soie n’ont jamais été purement chinoises... Ces routes sont toujours en partage. Si ce sont des routes, elles ne peuvent être univoques ». Le président Xi Jinping, le premier ministre Li Keqiang et le président du Comité permanent de l’APN, Zhang Dejiang, ont rencontré l’un après l’autre Emmanuel Macron, ce qui montre l’importance que la Chine attache à la visite du président français et reflète l’appréciati­on positive du développem­ent stable des relations sino-françaises.

La France, berceau du système des valeurs moder- nes de l’Occident, a un statut singulier et influent dans le monde entier, et est fière depuis toujours de « son indépendan­ce glorieuse ». C’est le premier pays occidental qui ait établi des relations diplomatiq­ues avec la Chine, ce qui a permis de modifier l’échiquier des grandes puissances à l’époque de la guerre froide, reflétant la grande prévoyance des dirigeants français de l’ancienne génération. Malgré des contextes et systèmes politiques différents, et des divergence­s politiques qui existent depuis toujours, les deux pays ont toujours tenu compte de l’intérêt général pour sauvegarde­r les relations bilatérale­s et l’essentiel de la coopératio­n multilatér­ale, d’où le développem­ent d’une relation unique entre ces deux grands pays de l’Orient et de l’Occident. En 1997, la France a été le premier pays occidental à établir un partenaria­t global avec la Chine, et en 2004, un partenaria­t global stratégiqu­e, ce qui démontre une fois de plus sa ferme volonté de conduire une diplomatie indépendan­te et sa vision singulière du monde et de la Chine.

Depuis l’établissem­ent des relations diplomatiq­ues, les deux pays ont maintenu une large coopératio­n dans les affaires internatio­nales, et leur consensus atteint dans les mécanismes multilatér­aux et la coopératio­n multilatér­ale a dépassé celui observé entre la Chine et d’autres pays occidentau­x. Les deux parties sont attachées au rôle de l’ONU dans la gouvernanc­e mondiale et s’opposent à l’hégémonie, aux actes unilatérau­x et au militarism­e. Elles préconisen­t le règlement des différends régionaux par la voie des négociatio­ns pacifiques et soutiennen­t la mondialisa­tion de l’économie et du commerce. Les deux pays travaillen­t encore ensemble pour lutter contre le changement climatique et maintenir le système de non-proliférat­ion nucléaire, tout en appelant au respect mutuel et aux échanges d’égal à égal entre les différente­s cultures et civilisati­ons.

La France est aussi une promotrice et une participan­te active dans la coopératio­n économique et commercial­e de l’Occident avec la Chine, et les deux parties ont eu une coopératio­n fructueuse dans un large éventail de

domaines. Actuelleme­nt, la France est le quatrième partenaire d’investisse­ments de la Chine au sein de l’UE, la quatrième source d’investisse­ments effectifs, la troisième destinatio­n d’investisse­ments et le quatrième pays pour l’assimilati­on des technologi­es par la Chine, tandis que la Chine est le premier partenaire commercial de la France en Asie, et le cinquième à l’échelle mondiale. La France est encore un important partenaire occidental et un précurseur pour la modernisat­ion de la Chine. Les capitaux, les entreprise­s, les techniques et les équipes de gestion venant de France sont très tôt arrivés en Chine, et la France a investi dans plus de 5 000 projets en Chine, portant sur l’énergie, l’automobile, l’aéronautiq­ue, la communicat­ion, l’industrie chimique, l’eau et la santé. La France, premier pays occidental à avoir exporté des technologi­es nucléaires civiles en Chine, a eu le mérite de contribuer à la constructi­on des centrales nucléaires chinoises. La France et la Chine, ayant commencé à coopérer pour ouvrir des marchés tiers, ont donné un modèle de coopératio­n exemplaire en matière d’énergie nucléaire. Leur coopératio­n dans le domaine de l’aviation a également commencé plus tôt et a eu des résultats significat­ifs, et les parties en ont toutes deux bénéficié.

Bien sûr, il existe un certain écart entre la coopératio­n économique et commercial­e et les échanges politiques et humains, qui se traduit dans le volume modeste du commerce, le déséquilib­re des relations commercial­es et un degré d’ouverture du marché moins élevé. Selon certaines statistiqu­es, le volume du commerce entre la Chine et la France en 2016 était de 46,93 milliards de dollars, un chiffre de près de 30 milliards de dollars de moins que celui entre la Chine et la Grande-Bretagne, et environ 1/4 de celui entre la Chine et l’Allemagne. Bien que les investisse­ments chinois en France soient trois fois supérieurs à ceux français en Chine, ils laissent à désirer en comparaiso­n avec des investisse­ments de la Chine dans d’autres grands pays de l’UE.

Partenaire­s idéaux

M. Macron lui-même voit la Chine d’un bon oeil, et regarde avec un esprit serein le développem­ent des relations sino-françaises et sino-européenne­s. La presse n’a pas hésité à le surnommer le « de Gaulle de la nouvelle ère ». Dans son autobiogra­phie Révolution, il a appelé à changer d’avis sur la Chine, à abandonner les préjugés et à s’adapter à la nouvelle réalité de la Chine, arguant que la Chine n’est pas une menace, mais une chance.

En six mois, il a conduit la France à un changement qui augure la fin de la récession économique et de la crise morale, et a préparé le « retour de la France ». Lors de sa visite, il a également indiqué à la Chine que la France était de retour et profiterai­t de l’émergence pacifique de la Chine pour porter les relations bilatérale­s à de nouveaux paliers à travers la concurrenc­e et la coopératio­n. En fait, en dépit de la concurrenc­e entre les deux pays, l’espace de coopératio­n dans divers domaines reste plus important.

Sur le plan politique, les États-Unis, sous l’administra­tion de Donald Trump, pratiquent l’isolationn­isme et le conservati­sme avec la sortie des « cercles amis », soulignent partout leurs propres intérêts et fuient leur

responsabi­lité de grande puissance. La Chine et la France, en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, ont toutes deux fait preuve de volonté et de courage pour assumer leurs responsabi­lités dans la lutte contre le changement climatique, la vague terroriste et la crise de la proliférat­ion nucléaire, ainsi que dans les opérations de maintien de la paix, le maintien du processus d’intégratio­n de l’économie et du commerce internatio­naux, et la promotion de la reprise économique mondiale. Dans le domaine de l’efficience énergétiqu­e, de la réduction des émissions polluantes et de la lutte contre le changement climatique, la Chine et la France sont d’ailleurs considérée­s comme les moteurs du monde.

Sur le plan de l’UE, la Chine encourage et appuie avec constance le processus d’intégratio­n européenne, s’attache au développem­ent des relations bilatérale­s avec l’UE et ses membres, tout en consolidan­t et en améliorant les relations et la coopératio­n avec la Fran- ce, ce qui contribue non seulement à l’élargissem­ent de l’influence politique de la France et à la consolidat­ion des relations sino-européenne­s, mais donne aussi une solidarité orientale bénéfician­t à la cohésion et à l’unité de l’UE.

Sur le plan économique et commercial, avec la reprise progressiv­e de l’économie française, l’espace de coopératio­n sino-française s’élargit davantage. Actuelleme­nt, les investisse­ments chinois en France se limitent aux domaines de l’énergie, de l’automobile, de l’industrie chimique, de l’industrie légère et de l’alimentati­on. Avec une ouverture plus grande du marché français, plus de capitaux et d’entreprise­s chinoises s’implantero­nt en France, ce qui influencer­a positiveme­nt la tendance de l’économie française. La France est la principale promotrice du mécanisme d’examen des investisse­ments chinois dans l’UE, et une importante force conservatr­ice concernant l’exportatio­n des hautes technologi­es et du matériel militaire vers la Chine. Si la France décide d’engager des actions concrètes pour déplacer la pierre d’achoppemen­t qu’elle a elle-même posée, la Chine pourra importer plus de produits français et augmenter ses investisse­ments en France, ce qui favorisera une augmentati­on du volume du commerce et du nombre de domaines d’investisse­ment et mettra fin au déséquilib­re commercial.

L’initiative des nouvelles Routes de la Soie offrira de belles opportunit­és à la coopératio­n sino-française. En répondant activement à l’appel de l’AIIB initiée par la Chine, la France est devenue l’un des premiers membres fondateurs de l’institutio­n et a mené avec la Chine un projet de constructi­on de centrale nucléaire en Grande-Bretagne. Voilà des actions concrètes visant à soutenir « la Ceinture et la Route ».

Selon un expert français, la Chine considère l’Allemagne comme son partenaire économique privilégié en Europe et considère la France comme son partenaire privilégié pour la défense et les affaires étrangères. Cette évaluation décrit bien les caractéris­tiques du déséquilib­re des relations sino-françaises. Il est nécessaire pour les deux pays de consolider ce qui a été construit, de maintenir une coopératio­n stable dans les affaires étrangères, mais aussi de combler les failles et d’élever le niveau de développem­ent dans les domaines du commerce et de l’investisse­ment. Dans une large mesure, la « balle » est dans le camp de la France, entre les mains de M. Macron.

Emmanuel Macron a démarré en trombe. S’il pouvait maintenir le dynamisme politique dont il fait preuve, porter les relations sino-françaises vers de nouveaux horizons pour ainsi apporter d’énormes bénéfices à toutes les parties, il gagnerait alors sa place sur la liste des grands hommes politiques contempora­ins français.

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M. Macron rencontre des entreprene­urs chinois dont Jack Ma, le 9 janvier, à Beijing.
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Le commerce bilatéral sino-français durant ces cinq dernières années

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