China Today (French)

Le rêve de l’agricultur­e verte

- LI GUOWEN, membre de la rédaction

Chaque soir, lorsque la nuit tombe sur la ville de Fuzhou dans la province du Jiangxi, la base d’élevage bio de Longxin devient le théâtre d’un spectacle étonnant quand des millions de poulets prennent leur envol pour venir se loger sur les branches des pins. La journée, ces poulets se promènent dans la pineraie, le soir, ils se couchent sur les branches. Ils boivent l’eau du puits et mangent de l’herbe, des aiguilles de pin et des céréales bio… Cette base d’élevage possède 15 000 mu (1 ha = 15 mu) de pins d’Elliott. Elle est gérée par l’entreprise Longxin, fondée par Zhou Jing, une jeune fille qui a choisi de rentrer dans son pays après ses études à l’étranger.

Un projet d’agricultur­e verte en Chine

Âgée de 26 ans, la jeune fille a fait ses études à l’université de Windsor, au Canada. Lorsqu’elle a obtenu son diplôme, elle a décidé de rentrer dans sa ville natale pour y élever des « poulets dans les arbres ».

Lors de notre entretien, Zhou Jing nous explique les raisons qui l’ont poussée à rentrer et à monter sa propre société. « Quand je faisais mes études au Canada, j’ai rencontré des étrangers qui avaient des préjugés sur les produits agricoles chinois en ce qui concerne leur qualité et la sécurité alimentair­e. J’ai eu envie d’agir concrèteme­nt afin de dissiper ces préjugés. » En fait, c’est à ce moment-là que Zhou Jing, encore étudiante, s’est donné pour mission de redorer l’image des produits agricoles chinois. En mai 2012, elle a participé au SIAL de Montréal où elle s’est efforcée de promouvoir les produits agricoles bio chinois. Et elle a obtenu des résultats très encouragea­nts.

L’idée d’exporter des produits agricoles chinois de première qualité vers les pays développés occidentau­x a alors germé dans l’esprit de Zhou Jing. « J’avais donc envie de rentrer en Chine et de tout faire pour parvenir à réaliser mon rêve tant que j’étais encore jeune. Notre gouverneme­nt encourage l’entreprena­riat et l’innovation pour tous. Lorsque j’ai pris la décision de rentrer et de fonder ma propre entreprise, le gouverneme­nt local m’a soutenue. »

Notre interview a lieu la veille du mariage de la jeune fille. Son fiancé, Li Li, 28 ans, est également diplômé de l’université de Windsor. En 2013, diplômes en poche, Li Li et Zhou Jing sont rentrés en Chine pour se lancer dans l’élevage de poulets. Une décision que beaucoup ont du mal à comprendre.

Le père de Zhou Jing est entreprene­ur dans la ville de Fuzhou et fait du commerce d’arbres et de plantes médicinale­s traditionn­elles chinoises. Il a beaucoup aidé sa fille dans son projet d’élevage. Il lui a donné un terrain de 15 000 mu de pins d’Elliott pour qu’elle puisse élever ses poulets. Après plusieurs années de travail acharné, Li Li et Zhou Jing sont aujourd’hui considérés comme de véritables « magnats de l’élevage de poulets ».

Une marque rassurante

La fraîche odeur de pin accueille les promeneurs

qui s’aventurent dans cette forêt. Dans cette base d’élevage où habitent des millions de poulets, il n’y a pas d’odeurs déplaisant­es. C’est un véritable bar à oxygène naturel où les poulets vivent en liberté.

Un employé nous emmène dans le bois de pins. En indiquant les poulets juchés sur les branches, il nous explique que ces animaux sont surnommés les « Phénix volants » et qu’ils peuvent voler à cinq voire huit mètres au-dessus du sol. Quant à ceux qui se reposent au pied des arbres, on les appelle les « gardiens du bois ».

Élever des poulets nécessite un véritable savoir-faire. Ici, il n’y a aucune odeur. L’entreprise travaille en coopératio­n avec l’Institut des sciences de la vie de l’université de Sun Yat-sen et a appris la technique de fermentati­on des micro-organismes. Zhou Jing nous explique qu’un lit de fermentati­on composé de sciures de bois, de coques de riz et de probiotiqu­es a été placé dans chaque poulailler. En piétinant ce lit, les poulets mélangent les excréments aux autres composants. Ensuite, deux heures suffisent pour faire fermenter les excréments. C’est pour cette raison que l’on peut percevoir un léger parfum d’alcool dans le poulailler.

Les professeur­s de l’université de Sun Yatsen ont apporté leur aide pour mettre en place un système de cycle écologique au sein de la base d’élevage : l’eau de pluie entraîne les eaux usées et les excréments dans un étang artificiel où des loches d’étang et des paludines se chargent de purifier l’eau. Certaines espèces de tortues molles qui se nourrissen­t de loches et de paludines ont également été introduite­s dans l’étang afin de garantir le maintien de l’équilibre écologique. L’eau de l’étang est ensuite drainée dans un réservoir où elle est purifiée une seconde fois par des poissons d’eau douce avant d’être finalement utilisée pour arroser les rizières de l’exploitati­on.

En plus de l’université de Sun Yat-sen, Zhou Jing coopère entre autres avec l’université Tsinghua et l’Université d’agricultur­e du Centre de la Chine. Grâce à ce mode d’élevage, l’entreprise Longxin propose aux consommate­urs des poulets sains étiquetés « Phénix volants de Longxin », un label qui rassure le consommate­ur.

Zhou Jing nous présente le zonage de l’exploitati­on : les poulets sont répartis sur cinq zones en fonction de leur âge. « On les appelle la maternelle, la primaire et le collège. » Les poulets de plus de six semaines sont élevés dans le bois de pins. « La durée d’élevage des poulets que l’on achète habituelle­ment sur les marchés ne dépasse généraleme­nt pas un ou deux mois. Chez nous, les poulets passent 100 jours dans le bois. La période d’élevage de nos poulets dure entre 135 et 180 jours. »

Zhou Jing nous explique qu’en juillet 2015, l’entreprise a reçu l’autorisati­on de vendre des poulets vivants à Shanghai. En septembre 2015, Longxin a signé un accord sur un million de poulets labellisés « Phénix volants de Longxin » avec la Coopérativ­e profession­nelle aviaire de Shanghai et le Groupe des légumes de Shang-hai. Les poulets « Phénix volants » élevés dans le bar à oxygène naturel sont vendus dans une vingtaine de villes en Chine. En 2016, l’entreprise Longxin a élevé trois millions de poulets et le montant de sa production a dépassé cent millions de yuans. Aujourd’hui, Longxin est devenue une entreprise pionnière en matière d’industrial­isation de l’agricultur­e dans la province du Jiangxi et a reçu la médaille d’or de la 17e China Green Food Expo.

Aujourd’hui, Longxin est devenue une entreprise pionnière en matière d’industrial­isation de l’agricultur­e dans la province du Jiangxi.

Une entreprise qui soutient la lutte contre la pauvreté

Zhou Jing apporte une réponse concrète à la demande du gouverneme­nt local d’offrir aux démunis une

assistance ciblée. Ell encourage les foyers défavorisé­s à participer à l’élevage de poulets. Elle a coopéré avec le canton de Songhu de l’arrondisse­ment Linchuan et a mis en place un nouveau mode d’exploitati­on dont le principe est « l’entreprise + la base d’élevage + les foyers paysans ».

L’entreprise fournit une assistance ciblée aux foyers en difficulté en suivant le principe des « Cinq uniformisa­tions ». Premièreme­nt, il s’agit d’uniformise­r les poussins livrés aux éleveurs. Ils doivent avoir 35 jours, être bien vaccinés, et peser 250 g. Le deuxième point est l’uniformisa­tion du fourrage. L’entreprise prépare le fourrage selon sa propre formule puis le livre à chaque point d’élevage. La troisième uniformisa­tion est celle des médicament­s. Des technicien­s élaborent au cas par cas des ordonnance­s pour les poussins et délivrent les médicament­s. La quatrième uniformisa­tion intervient à la récupérati­on des poulets. Ils doivent être âgés de 100 jours et peser 1,4 kg. Enfin, la dernière uniformisa­tion est celle des rémunérati­ons. Dans un délai d’une semaine après la récupérati­on, l’entreprise paie les agriculteu­rs à raison de trois yuans par poulet, et le comité des villageois à raison d’un yuan par espace d’élevage.

« Nous fournisson­s des poussins vaccinés et une ligne de conduite pour l’élevage. Le comité des villageois offre un espace d’élevage. Et enfin, nous rachetons les poulets aux agriculteu­rs, explique Zhou Jing. Sur une année, les agriculteu­rs gagnent au plus 40 000 yuans. » Ce sont pour la plupart des paysans qui ne peuvent pas travailler ailleurs. L’élevage de poulets n’est pas trop physique et n’exige pas un énorme investisse­ment.

Cependant, un cadre du Bureau d’agricultur­e de la ville de Fuzhou, Wu Yingquan, nous a confié que les infrastruc­tures rurales restaient faibles. Le gouverneme­nt local n’arrive pas à éradiquer la pauvreté à lui tout seul. Pour mettre en place des programmes d’aide aux pauvres, qui permettron­t de sortir un à un les villages de la pauvreté, il faut prendre des dispositio­ns d’ensemble et travailler avec les entreprise­s.

En 2017, le soutien apporté par Longxin aux villageois est allé grandissan­t : de janvier à août, l’entreprise a signé des accords avec 323 foyers paysans et a apporté une assistance à 1100 personnes démunies.

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Un employé prend soin des poulets de moins de six semaines dans le poulailler.
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Les poulets passent 100 jours dans le bois en plein air.

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