China Today (French)

Dans les médias chinois

Le nouveau livre de Xi Jinping : l’essentiel pour comprendre la Chine

- JOHN ROSS*

Pour quiconque envisage d’étudier sérieuseme­nt les politiques actuelles et futures de la Chine, l’idéal est de commencer par lire le second volume de l’oeuvre de Xi Jinping, La gouvernanc­e de la Chine. Et ce pour une raison évidente : pourquoi parcourir les interpréta­tions des uns et des autres sur ce qu’il se passe dans ce pays lorsqu’il est possible de consulter directemen­t les analyses formulées par la personnali­té au centre des décisions ?

Ainsi, les Éditions en langues étrangères (Foreign Languages Press), en publiant sans tarder ce volume qui compile les discours tenus par Xi Jinping entre le mois d’août 2014 et le mois de septembre 2017, contribuen­t de manière non négligeabl­e à la compréhens­ion de la Chine à l’échelle internatio­nale.

Ceux qui ne connaissen­t pas les caractères chinois n’ont plus d’excuse : au lieu de passer leur temps à lire exclusivem­ent des études sur la Chine rédigées par des étrangers, ils devraient étudier l’analyse dressée par le pays lui-même. Les Chinois seraient étonnés de voir le nombre de soi-disant « sinologues » occidentau­x qui n’ont jamais lu le moindre ouvrage de Deng Xiaoping ou Mao Zedong, se contentant de feuilleter des biographie­s ou des commentair­es d’Occidentau­x à leur propos !

Désormais, les discours de Xi Jinping sont compilés en anglais dans deux recueils de plus de 1 000 pages au total, qui ont été largement promus et distribués à l’étranger. De ce fait, les personnes intéressée­s ont largement la possibilit­é de lire les analyses exposées par le président chinois. Et quiconque s’abstient de le faire ne pourra pas, de toute évidence, être considéré comme un fin connaisseu­r de la Chine.

Comme ce dernier volume compte à lui seul 600 pages, il serait impossible d’en établir un examen complet dans l’espace qui m’est réservé pour cet article. Les 17 sections qu’il comporte couvrent une variété de thèmes, allant de l’État de droit à la culture, sans oublier l’environnem­ent. Plutôt que de passer en revue les nombreux sujets abordés de manière assez superficie­lle, il est préférable de se concentrer sur un sujet en particulie­r, qui servira d’exemple type, puis d’analyser ses liens avec les autres chapitres du livre ainsi qu’avec le précédent volume de La gouvernanc­e de la Chine. Puisque les lecteurs étrangers vivant hors de Chine ressentiro­nt l’influence chinoise principale­ment au travers des relations internatio­nales et de la politique étrangère préconisée par la Chine, ce sont ces deux sujets allant de pair que j’ai choisi de traiter.

La communauté de destin pour l’humanité

Le concept de « communauté de destin pour l’humanité » lancé par Xi Jinping et exposé dans ce volume a toujours constitué l’analyse des affaires internatio­nales la plus cohérente intellectu­ellement parlant, comme je vais le démontrer ci-après. La nouveauté, particuliè­rement depuis le discours prononcé par Xi Jinping au Forum économique mondial tenu à Davos en janvier 2017 (inclus dans ce volume), c’est que le grand impact de son analyse est désormais reconnu internatio­nalement, même par ceux en vif désaccord avec la Chine.

Steve Bannon, ex-stratège en chef du président Trump et farouche opposant de la Chine, a déclaré d’un ton sévère : « Selon moi, il serait bon que les gens comparent le discours de Xi Jinping à Davos et le discours d’investitur­e du président Trump. »

Gideon Rachman, chroniqueu­r en chef au Financial Times spécialisé dans les affaires étrangères, a fait remarquer récemment : « Si M. Trump a décidé d’assister au Forum économique mondial cette année, c’est notamment pour concurrenc­er le président chinois Xi Jinping, vu comme la star de Davos l’année dernière. M. Xi avait saisi cette opportunit­é pour positionne­r la Chine comme championne du libre-échange, proclamant devant un public conquis que “rechercher le protection­nisme revient à s’enfermer dans une chambre noire”. »

Parallèlem­ent, H. R. McMaster, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, et Gary Cohn, directeur du National Economic Council, ont coécrit un article dans le Wall Street Journal, tentant de facto de formuler une alternativ­e à l’analyse de Xi Jinping, alternativ­e dont nous parlerons dans la dernière partie.

Les différente­s parties du monde sont interconne­ctées. Elles engrangent des bénéfices ensemble ou subissent des pertes ensemble, donnant lieu à un destin commun de l’humanité.

Mondialisa­tion

Le président Xi cautionne sans équivoque les notions fondamenta­les de la mondialisa­tion : la mondialisa­tion « est une exigence objective du développem­ent des forces productive­s de la société et une conséquenc­e logique du progrès technoscie­ntifique ». En conséquenc­e, elle « a contribué à la prospérité du commerce, à la facilitati­on de l’investisse­ment, à la grande mobilité des personnes et au progrès rapide des technologi­es ».

« Depuis le début du XXIe siècle, 1,1 milliard de personnes sont sorties de la pauvreté, 1,9 milliard de personnes ont obtenu l’accès à l’eau potable assainie, et 3,5 milliards de personnes, à Internet, et l’objectif d’éliminer l’extrême pauvreté est fixé pour 2030. Voilà qui prouve pleinement que la mondialisa­tion économique est sur la bonne voie. »

« Ceci dit, il existe encore des problèmes : développem­ent déséquilib­ré, difficulté­s de gouvernanc­e, fossé numérique et déficit d’équité. Mais ce sont des problèmes survenus au cours de la marche en avant. Nous devons les regarder en face et travailler à les résoudre. Ne nous arrêtons pas en chemin au moindre obstacle. »

Les racines économique­s de la mondialisa­tion

Ce ferme soutien à la mondialisa­tion dans la politique étrangère chinoise tire directemen­t ses racines de l’analyse économique fondamenta­le. Comme l’affirme l’incipit de l’oeuvre fondatrice de l’économie moderne, La Richesse des nations d’Adam Smith : « Les plus grandes améliorati­ons dans la puissance productive du travail […] sont dues à la division du travail. »

Cette division du travail apporte un avantage décisif : de l’interactio­n des producteur­s, dans le cadre de leurs activités productive­s, résultent un rendement et une productivi­té bien plus importants que la somme de leurs efforts individuel­s. Comme l’a si bien dit le président Xi, en économie, « Un plus un font plus que deux ».

Cette réalité économique brise le concept selon lequel les relations internatio­nales équivalent à un « jeu à somme nulle », situation dans laquelle le gain de l’un constitue obligatoir­ement une perte pour l’autre. Ici, les deux parties, voire les multiples parties, en s’engageant dans la division du travail, ont toutes des chances de gagner.

Naturellem­ent, ce constat ne signifie pas que les pays coexistent désormais sans le moindre conflit entre eux. Toutefois, il est le signe que les nations doivent, toujours plus urgemment, poursuivre un intérêt commun, en cela que la prospérité de chaque État repose sur la division internatio­nale du travail, ou, en d’autres termes, la prospérité de chaque pays dépend des activités des autres pays. Ainsi se dessine la réalité d’une communauté internatio­nale, que l’on retrouve sous l’idée d’une « communauté de destin pour l’humanité ».

Le concept des résultats « gagnant-gagnant » qui sous-tend la politique étrangère chinoise, tel que décrit dans ce volume, reflète donc ce fait économique fondamenta­l. Il ne s’agit pas là de belles paroles !

Cette réalité économique consolide plus fermement la base collective pour traiter les problèmes communs auxquels fait face l’humanité que la vérité selon laquelle l’humanité entière doit nécessaire­ment partager la même planète, comme l’a rappelé Xi Jinping dans son récent discours au Dialogue de haut niveau entre le PCC et des partis politiques du monde.

Certaineme­nt, de nombreux défis allant du terrorisme au changement climatique se doivent d’être relevés sur le plan internatio­nal. À propos du changement climatique d’ailleurs, le président Xi a proposé de « suivre la voie du développem­ent vert et bas-carbone pour construire un monde propre et beau ». Comme « l’homme et la nature sont étroitemen­t interdépen­dants », « faire du mal à la nature finira par faire du mal à l’homme. »

Ainsi, les différente­s parties du monde sont interconne­ctées. Elles engrangent des bénéfices ensemble ou subissent des pertes ensemble, donnant lieu à un destin commun de l’humanité, au sens économique le plus strict.

Diversité

Cette constatati­on soulève immédiatem­ent une autre question. La division du travail est source de gains, non pas parce que ceux qui y prennent part sont identiques, mais parce qu’ils sont différents. La division du travail dans le monde moderne aura nécessaire­ment lieu dans une dimension internatio­nale : l’époque où les plus grandes économies nationales pouvaient vivre en

autarcie est depuis longtemps révolue. Comme l’a exposé le président Xi : « Dans le monde d’aujourd’hui, les différents pays, interdépen­dants les uns des autres, partagent heurs et malheurs. »

Il s’agit là d’un autre principe venant étayer le concept de la « communauté de destin pour l’humanité ». La diversité n’est pas un inconvénie­nt qu’il faut craindre, mais une contributi­on au développem­ent et au progrès humains. Comme le souligne Xi Jinping, en citant le classique littéraire chinois L’Histoire des Trois Royaumes : « Le secret pour faire un bon plat, c’est de savoir concilier les saveurs. »

Les diverses civilisati­ons doivent donc se serrer les coudes pour réaliser un progrès commun. Les échanges qu’elles mènent doivent servir de source d’inspiratio­n propice à l’évolution de la société humaine ainsi que de lien garant de la paix dans le monde.

Ne cherchant pas à imposer aux autres une uniformité ou un modèle unique considéré comme « supérieur », la politique étrangère de la Chine, bien au contraire, accepte volontiers la diversité de chacun des pays.

Le président Xi a tiré directemen­t des conclusion­s de ces concepts de base : « Nous devons […] établir un nouveau modèle de relations internatio­nales axé sur la coopératio­n et le gagnant-gagnant, et forger une communauté de destin pour l’humanité. Pour ce faire, nous avons à travailler dans les domaines suivants :

« Nous devons développer un partenaria­t sur la base du traitement d’égal à égal, de la concertati­on et de la compréhens­ion mutuelle. La Charte des Nations unies a codifié le principe de l’égalité souveraine. L’avenir du monde est à maîtriser ensemble par tous les pays de la planète. Tous les pays du monde sont égaux. Un pays grand, fort ou riche, ne doit pas malmener un pays petit, faible ou pauvre. Le principe de la souveraine­té non seulement se traduit par l’inviolabil­ité de la souveraine­té et de l’intégrité territoria­le de chaque pays, ainsi que la non-ingérence dans les affaires d’autrui, mais consiste également à préserver le droit de chaque pays de choisir librement son système social et sa voie de développem­ent… »

En bref, les concepts fondamenta­ux et corrélés dans l’analyse de Xi Jinping font référence aux bénéfices mutuels d’une division internatio­nale du travail, sur laquelle repose la prospérité moderne, et qui permettron­t l’avènement d’une communauté de destin pour l’humanité, la reconnaiss­ance de la diversité et l’égalité entre les pays.

L’alternativ­e

Pour comprendre le sens profond de l’analyse de Xi Jinping, il convient de la comparer à la principale alternativ­e promue à l’étranger. Comme mentionné plus haut, dans une tentative non dissimulée de répondre au discours de Xi Jinping à Davos, M. McMaster et M. Cohn ont rédigé conjointem­ent un article dans le Wall Street Journal, qui n’aurait jamais pu paraître sans l’appui de la plus haute autorité du territoire.

Dans cet article, ils affirmaien­t : « Le monde n’est pas une “communauté mondiale”, mais une arène où les nations, les acteurs non gouverneme­ntaux et les entreprise­s s’élancent et rivalisent pour remporter la mise. » Et d’ajouter, en guise de conclusion pratique : « L’Amérique d’abord [slogan du président Trump] émet le signal de la restaurati­on du leadership américain ». Ces phrases renvoient à une conception profondéme­nt inégale des relations internatio­nales, exprimée sous la mention vulgaire de « pays de m**de » dans sa forme la plus grotesque.

Les concepts en matière de politique étrangère présentés par Xi Jinping dans ce livre figurent parmi les plus avancés qui aient été formulés par un grand dirigeant politique dans le monde. Pour être franc, aucun ouvrage publié par un dirigeant occidental n’est comparable à La gouvernanc­e de la Chine. Proposant une conception intégrée, allant des notions économique­s fondamenta­les aux conclusion­s directes vis-à-vis des relations entre les pays, cette oeuvre est à même de servir de base solide sur le long terme à la politique extérieure de la Chine, dans le respect des intérêts des autres pays.

En conclusion, je vous recommande vivement ce livre, rien que pour vous plonger dans le chapitre sur la politique étrangère. Quant aux autres chapitres, ils constituen­t chacun le meilleur point de départ pour comprendre les politiques menées en Chine.

« Nous devons développer un partenaria­t sur la base du traitement d’égal à égal, de la concertati­on et de la compréhens­ion mutuelle... »

 ??  ?? Le 27 novembre 2017, des éditions réputées de 16 pays signent un mémorandum sur la publicatio­n de La gouvernanc­e de la Chine.
Le 27 novembre 2017, des éditions réputées de 16 pays signent un mémorandum sur la publicatio­n de La gouvernanc­e de la Chine.
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En trois ans, ce livre a été vendu à 6,5 millions d’exemplaire­s dans 23 langues. Sur la photo, une jeune lectrice intéressée par l’ouvrage dans une librairie à Varsovie, capitale de la Pologne

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