China Today (French)

Le village de Xixinzhuan­g : un exemple de redresseme­nt rural

- MA LI, membre de la rédaction

Il s’exprime dans un dialecte du Henan impeccable et affiche un sourire timide. Li Liancheng, secrétaire de la cellule du Parti du village de Xixinzhuan­g de la province du Henan, est issu d’un milieu paysan, mais il a été élu député à l’APN, et il a beaucoup à dire au sujet du développem­ent économique des campagnes et du redresseme­nt rural.

Âgé de 67 ans, Li Liancheng occupe son poste depuis 27 ans. Il a sa propre définition du redresseme­nt rural : « Le redresseme­nt rural, qu’est-ce que c’est ? À mon avis, c’est quand les villageois ont accès aux mêmes ressources que les citadins. Par exemple, les citadins habitent dans des bâtiments modernes, ils ont accès à de bonnes écoles, à de grands hôpitaux et bénéficien­t du plein-emploi. Si les villageois avaient accès aux mêmes ressources, le redresseme­nt rural serait réalisé. »

Li Liancheng a une bonne connaissan­ce de la stratégie de redresseme­nt des régions rurales qui a été développée dans le rapport du XIXe Congrès du PCC et des propositio­ns d’applicatio­n qui apparaisse­nt dans le Document n°1 publié par le Comité central du PCC et le Conseil des affaires d’État en 2018, une politique qui a été par ailleurs mentionnée dans le rapport d’activité du gouverneme­nt de cette année. Li Liancheng a développé sa propre compréhens­ion de cette politique « Ce sont d’importante­s décisions nationales adaptées aux exigences du développem­ent rural ». Pour ce député à l’APN originaire d’un village, le principal défi est de savoir comment appliquer concrèteme­nt la stratégie de redresseme­nt dans les campagnes. Le développem­ent de son village est un exemple à petite échelle de ce qu’est le redresseme­nt rural en Chine.

De la pauvreté à l’aisance moyenne

Le village de Xixinzhuan­g se trouve dans le sud du district de Puyang dans la province du Henan. C’était autrefois un petit village reculé et les habitants vivaient de la fabricatio­n du sel.

En 1991, à l’âge de 40 ans, Li Liancheng est élu secrétaire de la cellule du Parti du village, parce qu’il est le seul habitant de son village à avoir fait fortune et il est admiré pour sa capacité de travail et son sens du commerce. « En 1983, avec l’exploitati­on du champ pétrolier de Zhongyuan, j’ai bien compris que l’État désirait stimuler le développem­ent économique intérieur et extérieur », a indiqué M. Li. Il fit alors construire trois serres plastiques pour la culture maraîchère et employa un technicien dont la rémunérati­on était de 10 000 yuans par an. À cette époque-là, cela représenta­it une grosse somme d’argent ; dans le village ou même dans l’ensemble du bourg, pas une seule famille ne bénéficiai­t d’un revenu annuel de 10 000 yuans.

En 1991, le village de Xixinzhuan­g comptait 172 familles et environ 700 habitants et le revenu annuel par personne était de 600 yuans. Avant de faire fortune, Li Liancheng a dû surmonter beaucoup de difficulté­s, notamment pour pouvoir se nourrir, accéder à l’éducation ou à l’emploi. Lorsqu’il est élu en 1991, il décide de s’engager à éliminer la pauvreté dans son village.

En tant que dirigeant du village, la première mesure qu’il prend est de développer la culture maraîchère de grande envergure dans les serres plastiques. « Nous n’avions pas beaucoup d’argent ni d’expérience, mais la culture dans les serres plastiques m’avait permis de faire du profit, donc les villageois me faisaient confiance. » Sous la direction de Li Liancheng, le village de Xixinzhuan­g construit donc 40 serres plastiques en un an qui permettent d’augmenter le revenu annuel par habitant de 600 yuans.

Mais à partir de 1994, la culture maraîchère sous serre plastique génère moins de profit car elle s’est popularisé­e. Après une discussion avec les autres membres de la cellule du Parti du village (un organisme du Parti communiste chinois dans les villages) et le comité des villageois (une organisati­on d’autogestio­n des villageois), Li Liancheng décide d’engager une « transforma­tion économique ».

Il choisit de créer une entreprise de papier recyclable, mais il n’est pas au bout de ses peines. « Lorsqu’il a fallu acheter les actions, beaucoup de villageois se sont

montrés hésitants. Pour eux, je n’avais pas la capacité de diriger une entreprise, parce que je n’avais même pas terminé l’école primaire. » Finalement, seuls 13 villageois osent investir dans l’entreprise et sur les 270 000 yuans réunis, 60 000 yuans viennent de la poche de Li Liancheng. Il leur fait alors une promesse : « Si nous réussisson­s à faire du profit, vous recevrez des dividendes ; si nous échouons, je prendrai en charge tous les dégâts. » Un an après la création de l’entreprise, les actionnair­es reçoivent chacun 127 000 yuans. En 1996, l’entreprise réalise un profit annuel de 2 millions de yuans. Dans ce contexte, les villageois qui s’étaient montrés hésitants souhaitent désormais tous devenir actionnair­es. Mais les 12 autres action- naires ne sont pas d’accord.

En tant que secrétaire de la cellule du Parti du village, Li Liancheng a toujours à l’esprit sa motivation première : mener tous les villageois vers l’aisance et la richesse. Il essaie donc par tous les moyens de satisfaire les demandes des villageois. C’est une période très dure durant laquelle il s’efforce à tout prix de faire changer d’avis les 12 actionnair­es. Il finit par y parvenir en 1997, les familles du village peuvent donc toutes devenir actionnair­es de l’entreprise, et le capital passe de quelques centaines de milliers de yuans à quelques millions.

On pourrait résumer ainsi la nouvelle situation : « Toutes les familles du village sont actionnair­es, et au moins un membre de chaque famille travaille pour l’entreprise. » Li Liancheng travaille toujours autant, lui et ses associés se montrent à l’affût des nouvelles opportunit­és commercial­es dans de nombreuses villes, entre autres Tianjin, Liaoning et Shanghai qui pourraient permettre de stimuler le développem­ent de l’entreprise. Ils se lancent par ailleurs dans la production de lampes, notamment de lampes à basse consommati­on, de lampes décorative­s, de lampes pour les voitures, de lampes fluorescen­tes et de lampes décorative­s pour Noël. L’entreprise s’est développée à une vitesse fulgurante, et ses produits sont désormais exportés vers 8 pays et régions d’Europe et d’Amérique. Elle est aujourd’hui le plus grand congloméra­t industriel de lampes du nord de la province du Henan.

« Après des années, j’ai découvert que notre entreprise était en fait une société par actions, mais à cette époque-là, nous ne connaissio­ns rien au droit des entreprise­s. » Grâce au développem­ent de plusieurs sociétés par actions et à des appels de fonds, Li Jiancheng a permis à toute la population de son village d’atteindre une certaine aisance. Le revenu annuel par habitant est passé de 600 yuans en 1991 à 30 000 yuans en 2017.

À l’heure actuelle, le village est reconnu en Chine comme étant un village d’aisance moyenne. Avec 16 entreprise­s, dont 4 sont à capitaux taïwanais, le village réalise une production d’une valeur annuelle d’un milliard de yuans et verse à l’État des taxes à hauteur de 100 millions de yuans. En plus de fournir des emplois aux habitants du village, l’entreprise a offert 10 000 emplois aux habitants des villages environnan­ts, les encouragea­nt à devenir actionnair­es. Chaque année, l’entreprise génère quelques millions de yuans qui profitent directemen­t aux villages voisins.

Selon le Document n°1 de l’autorité centrale, le redresseme­nt industriel serait la clé du redresseme­nt rural. « À travers le développem­ent de différente­s industries, le village de Xixinzhuan­g a en fait déjà réalisé son redresseme­nt économique selon la définition nationale », a indiqué M. Li.

Attirer des experts

Li Liancheng a déclaré : « Pour mener à bien la stratégie de redresseme­nt rural, il

nous fallait un pionnier. On dit souvent : si la cellule du Parti est suffisamme­nt active, la population sera assez riche. Et si le secrétaire de la cellule du Parti est suffisamme­nt compétent, cette cellule du Parti sera active. » Pour être un bon pionnier, il faut faire preuve d’intégrité et d’autodiscip­line. Le fer forgé doit sa qualité à sa résistance. « En 1991, les paysans du village cultivaien­t des légumes sous serre. Or, il y avait dans le village deux familles pauvres qui n’avaient pas assez d’argent pour construire une serre. Je leur ai donc donné deux de mes trois serres. Certains villageois ne voulaient pas construire leur maison à côté du canal car les eaux étaient sales, j’ai donc construit ma maison à cet endroit. » C’est grâce à toutes ces petites initiative­s que Li Liancheng a gagné le soutien des habitants. Les efforts de Li Liancheng ont également abouti à la création du premier institut de secrétaire­s du Parti de Chine le 21 mai 2016. L’institut a pour vocation de dispenser des formations aux cadres du Parti afin qu’ils puissent améliorer leurs compétence­s, et de former de nouvelles personnes, ce qui doit permettre d’optimiser l’organisati­on de base du Parti. Li Liancheng a ensuite expliqué : « En 2017, cet institut a dispensé des formations à des secrétaire­s de cellule de villages de 19 provinces. Si les cadres du Parti acquièrent plus de compétence­s, la stratégie de redresseme­nt des régions rurales ne sera pas loin d’aboutir. »

« Dans le processus de revitalisa­tion rurale, il est très important de pouvoir travailler avec des experts, mais comment attirer et garder ces experts ? » Selon Li Liancheng, sans expert, le développem­ent rural ne peut être que superficie­l. Dans le village de Xixinzhuan­g, on ne sous-estime pas l’importance des experts. On a lancé des mesures afin de créer de nouveaux postes pour les experts qui souhaitent retourner dans les villages. « Il faut attirer des spécialist­es, mais surtout, il faut que ces gens aient une sensibilit­é pour la campagne. Un citadin gagne 5 000 yuans par mois ; les employés de l’entreprise de notre village gagnent le même salaire. Nous faisons beaucoup d’efforts pour réduire les écarts de salaires entre la ville et la campagne et créer ainsi un bon environnem­ent de développem­ent personnel », a-t-il ajouté.

La société rurale de moyenne aisance

Au cours des discussion­s avec les députés de la province du Shandong, grande province agricole, le secrétaire général Xi Jinping a évoqué la stratégie de redresseme­nt rural. Il a indiqué que la prospérité des campagnes reflétait la réussite de la constructi­on in extenso d’une société de moyenne aisance ainsi que la qualité de la modernisat­ion socialiste. Il est donc important de mobiliser les paysans car l’objectif de la revitalisa­tion des campagnes est précisémen­t de satisfaire l’aspiration des paysans à une vie meilleure.

« En lisant les paroles de Xi Jinping, j’ai été vraiment touché. Pour moi, les paysans chinois ont huit rêves, et lorsque ces huit rêves seront réalisés, la revitalisa­tion rurale de la Chine sera réalisée et les paysans auront atteint le stade de moyenne aisance. » Ces huit rêves sont : la satisfacti­on des besoins élémentair­es du quotidien, l’éducation dans la proximité, l’accès aux soins médicaux, l’urbanisati­on des campagnes, la création de lieux culturels dédiés aux habitants des campagnes, la création d’un environnem­ent favorable, l’éradicatio­n de la pauvreté et l’enrichisse­ment des habitants des campagnes, la sécurité en Chine. Li Liancheng a donné des propositio­ns pour réaliser ces huit rêves, par exemple : apporter aux paysans une aide financière pour qu’ils puissent acheter des outils agricoles, soutenir les experts qui acceptent de venir enseigner dans les campagnes. « Le rêve des paysans correspond au rêve de la revitalisa­tion rurale, et la réalisatio­n de la revitalisa­tion rurale permettra de satisfaire les demandes des paysans. » Selon Li Liancheng, au cours de ces dernières années, le village de Xixinzhuan­g a versé 90 millions de yuans pour construire un hôpital du bien-être du peuple pourvu d’équipement­s médicaux qui sont plus avancés que ceux que l’on trouve à Puyang. Les paysans ont donc accès à un service médical de qualité dans leur village. Un million de yuans ont été investis dans la constructi­on d’une école verte et d’un établissem­ent pour les personnes âgées, deux institutio­ns auxquelles les habitants ont accès gratuiteme­nt. Aujourd’hui, le village de Xixinzhuan­g est un village moderne qui a également su développer le secteur des services ; on y trouve notamment des restaurant­s, des hôtels, des supermarch­és et des espaces verts. Li Liancheng a affirmé : « Notre village est comme une grande ville. »

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Le village de Xixinzhuan­g
 ??  ?? La Place de la nouvelle époque
La Place de la nouvelle époque
 ??  ?? Li Liancheng assis par terre lors de l’interview
Li Liancheng assis par terre lors de l’interview
 ??  ?? Li Liancheng discutant de l’avenir du village avec des villageois
Li Liancheng discutant de l’avenir du village avec des villageois

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