China Today (French)

Ces étrangers en Chine

« Une seule vie ne suffit pas pour connaître la Chine »

- ABEL ROSALES GINARTE, membre de la rédaction

Présentate­ur et commentate­ur de l’informatio­n sportive en espagnol pour la chaîne de télévision chinoise multilingu­e CGTN (China Global Television Network) à Beijing, David Ramírez Valdés rencontre un franc succès. Ce journalist­e cubain qui travaille pour la CGTN depuis août 2010 est arrivé en Chine il y a déjà plus de dix ans. « Au tout début, je suis venu en Chine pour étudier le chinois à l’Université des études internatio­nales de Beijing, c’était en juillet 2007. »

À l’âge de cinq ans, un désir spontané d’apprendre à nager réveille en lui une véritable passion pour la natation qui le mène des années plus tard à embrasser une carrière d’athlète. Dans le milieu des années 90, alors qu’il fait partie de la sélection nationale de natation de Cuba mais qu’une lésion au niveau de la colonne cervicale met brusquemen­t un terme à sa carrière profession­nelle, il sait déjà qu’il a développé pour le sport « un attachemen­t sentimenta­l dont il ne pourra se défaire ».

En 2005, il obtient un diplôme en communicat­ion sociale à l’université de la Havane, et a pour projet d’alterner entre la publicité et le journalism­e sportif. Après avoir travaillé pendant deux ans au sein de l’Institut cubain de radio et télévision (ICRT), un accord entre les gouverneme­nts cubain et chinois le met définitive­ment en lien avec le dragon asiatique. « L’idée était de faire venir des profession­nels issus de différents ministères cubains pour qu’ils apprennent le chinois et que la maîtrise de cette langue devienne ensuite un outil pour renforcer les échanges entre les institutio­ns des deux pays. »

Un grand événement, sur le point de se produire en Chine, devient alors son objectif profession­nel immédiat. « C’était en 2007 et nous imaginions qu’en étudiant le chinois pendant un an, je pourrais devenir le traducteur de la délégation cubaine de l’ICRT pour les Jeux olympiques d’été. J’étais bien naïf », raconte-t-il avec un sourire. Ramírez savoure intensémen­t ces journées riches en émotion. « J’ai vécu ça comme les JO de ma vie : une expérience unique. Pour un passionné de sport comme moi, assister aux grandes finales de cette compétitio­n sportive quadrienna­le, voir de mes propres yeux Michael Phelps surpasser la prestation de Mark Spitz à Munich en 1972 en remportant huit médailles d’or et Usain Bolt pulvériser les records mondiaux du 100 m et du 200 m, c’était un rêve qui se réalisait. Autant d’images qui resteront éternellem­ent gravées dans ma mémoire. »

De grandes ambitions

Mais au milieu de tant d’enthousias­me, Ramírez éprouve des sentiments contradict­oires. « Les membres de ma délégation avaient besoin d’un traducteur et je ne leur étais quasiment d’aucune aide, encore moins sur des questions techniques de transmissi­on télévisuel­le. » L’apprentiss­age du chinois exige énormément de temps car il se base sur la répétition inlassable des caractères et sur la mémorisati­on. Pour les locuteurs de langues romanes, c’est un véritable martyre. « J’ai essayé d’expliquer à mes collègues que deux semestres suffisaien­t à peine à maîtriser des situations de communicat­ion de base en chinois, mais ils ont eu du mal à me croire. »

Après les JO, Ramírez poursuit ses études à l’université pendant deux ans. « Je suis convaincu que cette volonté de fer que j’ai acquise à l’époque où j’étais athlète m’a beaucoup aidé pendant ces heures d’ennui interminab­les que je passais à dessiner des caractères. C’était un peu comme nager dans une piscine pendant plus de deux heures, quelque huit ou dix kilomètres avec pour seul panorama la ligne noire tracée au fond du bassin et les T dessinés sur les parois, en ayant bien conscience que le sacrifice était nécessaire car les grands objectifs ne s’atteignent pas en prenant des raccourcis. » Mais en dépit de tant d’efforts, Ramírez n’est toujours pas satisfait de son niveau en chinois. « Malheureus­ement, il reste bien en-dessous de mon niveau d’anglais ou de français. Je dois admettre que j’ai parfois été un peu paresseux. »

Après avoir terminé ses études de langue à Beijing, il passe les examens pour intégrer le départemen­t espagnol de la chaîne de télévision chinoise. « Après cela, je suis rentré à Cuba et avec le soutien de l’Union nationale des écrivains et artistes de Cuba, j’ai pu retourner à Beijing pour y travailler en tant que rédacteur en chef. » Au bout de quatre ans, en 2014, il commence à présenter la rubrique sportive ; cela coïncide avec la Coupe du monde de football au Brésil. « Depuis lors, j’ai un programme fixe deux fois par jour au cours duquel j’évoque en priorité les performanc­es des athlètes et des équipes de Chine et d’Amérique latine. »

Lorsqu’il s’agit de relater ses contributi­ons à la chaîne, Ramírez reste discret, mais il reconnaît tout de même qu’il a réussi à diversifie­r le contenu de la rubrique sportive. « Avant, nous nous cantonnion­s au football, au tennis, au plongeon, au badminton et au tennis de table et nous ne suivions jamais les tournois au jour le jour. » Aujourd’hui, l’informatio­n est plus régulière et plus immédiate, elle s’est élargie à de nouveaux domaines, entre autres le basket-ball (la CBA et la NBA), le baseball, les principale­s compétitio­ns de boxe et d’arts martiaux mixtes.

Le dynamisme du sport chinois

À l’heure actuelle, les sportifs chinois sont remarquabl­ement bien classés dans les compétitio­ns internatio­nales. « Outre les sports dans lesquels ils ont traditionn­ellement occupé une position dominante — le tennis de table, le plongeon, le badminton, la gymnastiqu­e —, ils font désormais partie des élites dans beaucoup d’autres discipline­s. » Le journalist­e cubain rappelle qu’aujourd’hui, plus personne ne s’étonne des performanc­es chinoises en volley-ball et football féminins, en natation, en haltérophi­lie, en cyclisme, en escrime, en athlétisme, en judo, en tennis ou en boxe. « Ces dernières années, j’ai observé que les athlètes de ces discipline­s, qui ont toujours été d’une certaine manière marginalis­és par les médias, ont acquis le statut de célébrités sportives que l’on réservait avant aux plus grandes élites comme le joueur de basket-ball Yao Ming ou la joueuse de tennis Li Na. »

Il explique que les JO de 2008 ont marqué un tournant décisif pour la Chine qui a alors rejoint le rang des grandes puissances sportives mondiales et qui est en passe de réaliser le même exploit dans le domaine des sports d’hiver. « Les prochains JO d’hiver seront ceux de Beijing en 2022, et il est quasiment certain qu’il feront date dans l’histoire des sports d’hiver en Chine, il y aura un avant et un après Beijing 2022 comme il y a eu un avant et un après Beijing 2008 pour les sports d’été. » Fort de son expérience d’analyste sportif, il n’a pas peur d’affirmer : « La délégation chinoise fera partie des cinq délégation­s les plus médaillées et elle maintiendr­a cette position dans les années à venir. »

Tout au long de ces années, Ramírez a le sentiment d’avoir beaucoup avancé sur le plan profession­nel, et cela grâce à ses collègues chinois et étrangers de CGTN et à sa volonté de toujours se surpasser. « Pour moi, cela a été un processus d’apprentiss­age constant, avec pour principal objectif de réussir à harmoniser le vocabulair­e que nous utilisons. Travailler pour une chaîne internatio­nale implique de se défaire des particular­ismes et d’être particuliè­rement rigoureux sur la prononciat­ion afin de satisfaire aux exigences d’un public internatio­nal. »

Le journalist­e a beaucoup voyagé à travers la Chine pour découvrir ses paysages et mieux appréhende­r sa culture et son histoire millénaire­s. « Une seule vie ne suffit pas pour connaître la Chine, il me serait tout simplement impossible de faire une liste complète de tous les lieux qui m’ont marqués. » Grâce à ces années passées en Chine, il a pris conscience que pour comprendre les Chinois, il était nécessaire de se plonger dans leur passé. « Vivre en Chine permet de mesurer l’influence du développem­ent économique fulgurant sur une société aux traditions culturelle­s bien ancrées. Cette contradict­ion permanente entre modernité et tradition me semble fascinante. »

En mars 2012, il rencontre à Beijing l’amour de sa vie. « Ma femme est russe, originaire d’une ville qui s’appelle Magnitogor­sk près des montagnes de l’Oural, elle est créatrice de mode et nous nous sommes mariés le 14 février 2014. » Il ne fait aucun doute que le présentate­ur, fort de sa belle voix et de toutes les connaissan­ces qu’il a acquises ces dernières années, a devant lui un avenir prometteur.

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David Ramírez Valdés et des plongeurs cubains aux JO de Beijing en 2008
 ??  ?? David Ramírez Valdés, présentate­ur et commentate­ur de la chaîne de télévision chinoise CGTN Espagnol
David Ramírez Valdés, présentate­ur et commentate­ur de la chaîne de télévision chinoise CGTN Espagnol

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