China Today (French)

La coopératio­n Sud-Sud ne se fera pas sans les femmes

- YAN WEIJUAN, membre de la rédaction

Il y a quelques jours, l’Institut Charhar a organisé un forum sur la coopératio­n Sud-Sud et le développem­ent des femmes en collaborat­ion avec l’ONU Femmes et l’Académie Yenching de l’université de Beijing. Le but : aider les femmes des pays en développem­ent à faire disparaîtr­e la pauvreté à travers les coopératio­ns Sud-Sud et étudier les voies possibles pour leur faire bénéficier des investisse­ments chinois.

Le succès de l’engagement de la Chine pour les activités des femmes

D’après Julia Broussard, directrice du programme ONU Femmes en Chine, la Chine est le plus grand pays en développem­ent, tandis que l’Afrique est le continent réunissant le plus grand nombre de pays parmi les moins développés. Cette situation fait que la coopératio­n Sud-Sud peut se manifester pleinement et sous diverses formes.

La coopératio­n Sud-Sud pourrait encourager les pays moins développés à partager les capitaux et les savoir-faire et à intégrer les expérience­s des autres pays en vue d’accélérer leur développem­ent. Julia Broussard souligne : « Depuis des années, la Chine a apporté des contributi­ons notables à la coopératio­n Sud-Sud. Beaucoup d’entreprise­s et de banques chinoises se sont engagées dans des projets d’infrastruc­ture en Afrique et en Asie. » Mais, d’après elle, la promotion des femmes dans les pays en développem­ent est souvent négligée dans la coopératio­n Sud-Sud.

« La Chine a déployé beaucoup d’efforts pour promouvoir l’égalité des sexes et pour protéger les droits des femmes, elle a partagé ses expérience­s avec les autres pays en voie de développem­ent », indique Julia Broussard. En 1954, les femmes chinoises représenta­ient seulement 11 % des députés à l’Assemblée populaire nationale (APN). Néanmoins, au milieu des années 1970, le chiffre s’est élevé à 23 % et cette tendance s’est poursuivie depuis, tant et si bien qu’aujourd’hui la proportion de femmes chinoises parmi les députés à l’APN est un peu plus grande que la moyenne mondiale des femmes qui participen­t aux affaires politiques. Mme Broussard rappelle : « Augmenter la proportion des femmes dans les affaires politiques est une preuve importante de l’égalité des sexes en Chine. »

Un autre succès que la Chine a obtenu en matière d’égalité des sexes réside dans l’éducation des filles et des femmes. La Chine a déjà réalisé l’égalité des sexes dans l’éducation. Dans les écoles primaires et secondaire­s, les garçons et les filles sont à peu près en nombre égal et les filles sont plus nombreuses que les garçons dans les université­s, un lieu très important pour le développem­ent des femmes, selon Julia Broussard. En plus, les femmes actives sur le marché du travail représente­nt déjà 63,9 %, un niveau élevé en Asie mais aussi dans le monde.

Partager les expérience­s chinoises

L’un des objectifs du développem­ent durable fixé par l’ONU est l’égalité des sexes. À cet égard, le président chinois Xi Jinping a fait un discours au Sommet des femmes en 2015 : « Rechercher l’égalité des sexes est une grande cause. Si on envisage le cours général de l’histoire, on peut constater que sans la libération et le progrès des femmes, il n’y aurait pas eu de libération et de progrès de l’être humain. »

Mais en réalité, la situation des femmes dans le monde n’est pas satisfaisa­nte. Parmi les 800 millions de pauvres, la moitié sont des femmes ; la proportion des femmes qui subissent des violences familiales est beaucoup plus élevée que celle des hommes. Par ailleurs, d’après des statistiqu­es concernant 83 pays et régions, les heures passées par les femmes à faire des travaux ménagers sans rémunérati­on sont trois fois plus élevées que pour les hommes, et si les femmes députées occupent une proportion de 23,4 % dans le monde, cela ne représente qu’une hausse de 10 % par rapport à l’année 2000.

Zhang Guobin, secrétaire général de l’Institut Charhar et ancien consul général de Chine à Strasbourg, a travaillé en Afrique pendant huit ans, parcourant 40 pays parmi les 54 que compte ce continent. Il a constaté beaucoup de phénomènes liés à l’inégalité des sexes et il comprend bien la motivation de ces pays à promouvoir la coopératio­n sinoafrica­ine. « Les pays africains espèrent éliminer l’inégalité des sexes à travers des mesures concrètes soutenues par l’aide de la Chine et des organisati­ons internatio­nales amicales. »

Zhang Yinjun, directrice adjointe du Comité de travail des femmes et des enfants de l’Associatio­n chinoise pour la promotion de la démocratie, se consacre aux oeuvres de charité depuis 12 ans. D’après elle, les femmes des pays moins développés affrontent tout abord le problème du droit à l’existence. Avant toute chose, les entreprise­s chinoises doivent

donc tenir compte de paramètres spécifique­s aux femmes quand elles créent des activités dans ces pays : il faut satisfaire les besoins élémentair­es du quotidien, puis l’éducation et les soins médicaux.

Liu Haifang, professeur adjoint de l’Institut des relations internatio­nales de l’université de Beijing et directrice exécutive du Centre de recherche de cette université, a ses propres idées sur l’Afrique. D’après elle, la relation sino-africaine n’est pas la répétition de celle entre l’Europe et l’Afrique. L’investisse­ment chinois en Afrique a créé beaucoup d’emplois et a réalisé un transfert de technologi­es important, capable de changer radicaleme­nt le visage de l’Afrique et des femmes africaines. Puisque la Chine a vécu une expérience similaire à l’Afrique, il est plus facile de se comprendre, de s’entraider et de s’inspirer mutuelleme­nt. Dans certains pays africains, les femmes occupent une place très importante dans la direction politique. Par exemple, les femmes représente­nt 67 % des députés du Rwanda, occupant la 2e place au monde. « La Chine doit coopérer avec l’Afrique, car ce continent a aussi beaucoup d’avantages dont nous pouvons nous inspirer. La coopératio­n doit unir l’expérience de la Chine et les demandes de l’Afrique. D’autant plus que l’accumulati­on des expérience­s chinoises en Afrique à travers son aide permettra probableme­nt de soutenir la Chine en retour », souligne Liu Haifang.

Redoubler d’efforts pour changer la situation

Pour promouvoir la situation des femmes, il ne suffit pas de développer l’économie, il faut aussi plus d’efforts sur le long terme. Dans les pays de l’axe SudSud, la tradition qui consiste à considérer les hommes plus que les femmes est très ancrée dans les mentalités.

Liu Haifang raconte d’ailleurs une histoire qu’elle a vécue en juillet 2016. Alors qu’elle faisait des recherches dans un village tanzanien, elle a rencontré une famille dont la maison avait été détruite par des pluies torrentiel­les. Elle a voulu prendre contact avec le propriétai­re au sujet de la reconstruc­tion de la maison, mais elle n’a pu trouver que les trois enfants. Trente minutes après, le propriétai­re est venu de la résidence d’une femme, à bicyclette et avec le seul portable de la famille. Mais le vélo et le portable avaient été distribués par l’ONU à la propriétai­re de cette maison pour l’aider à améliorer sa vie. L’homme se justifia en prétendant que cette femme ne faisait rien d’autre que d’attendre l’aide du gouverneme­nt. Dans ces villages, l’inégalité entre les sexes reste très forte. Les femmes n’ont pas de terres, et leurs travaux sont sous-estimés, alors que les hommes contrôlent toutes les donations des organismes humanitair­es. Mme Liu estime ainsi : « Le plus important pour protéger les droits des femmes, c’est d’éliminer la discrimina­tion des femmes dans la culture traditionn­elle et de réveiller la conscience féminine pour se protéger à long terme. »

Cette culture rétrograde peut être changée selon Ma Leijun, directeur des programmes ONU Femmes. Né dans un village de la province du Shaanxi en Chine marqué par d’évidentes inégalités entre les hommes et les femmes, la tradition locale veut que seuls les noms des garçons et des hommes soient gravés sur les pierres tombales des aînés. Mais grâce à sa persévéran­ce, le nom de sa soeur a été gravé sur la pierre tombale de ses grandspare­nts. Et cela a aussi influencé les autres familles du village, qui commencent aussi à inscrire les noms des filles sur les pierres tombales des aînés. Pour soutenir ce changement, Ma Leijun préconise d’organiser plus de forums sur les droits des femmes en vue de réveiller leur conscience et d’attirer l’attention de la société sur la protection des femmes. Il espère que la coopératio­n Sud-Sud et l’initiative « la Ceinture et la Route » pourront apporter une contributi­on décisive pour changer radicaleme­nt la condition féminine.

« Les femmes jouent un rôle très important dans la coopératio­n Sud-Sud, parce qu’elles constituen­t la majeure partie de la population de ces pays. Elles participen­t au développem­ent et doivent bénéficier des fruits de leurs efforts », insiste Julia Broussard. Il ne faut jamais oublier que l’améliorati­on de la condition féminine dépend entièremen­t des efforts conjoints des femmes et des hommes.

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Les invités du Forum sur la coopératio­n Sud-Sud et le développem­ent des femmes

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