China Today (French)

Les jeunes entreprene­urs africains font leurs études chez Alibaba

- LIU ZHUORAN*, NI YIRONG* et MA LI, membre de la rédaction

«Je porte une grande attention au programme d’Alibaba de former les entreprene­urs en Afrique. Nous devons engager des dialogues avec les gouverneme­nts des pays africains pour qu’ils attachent la plus haute importance à la création d’un environnem­ent favorable à l’entreprene­uriat des jeunes de même que d’un écosystème pour le développem­ent du commerce électroniq­ue », a déclaré Mukhisa Kituyi, secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développem­ent, lors d’une rencontre avec 29 entreprene­urs africains au siège général d’Alibaba, dans l’après-midi du 28 juin 2018. Ces 29 personnes ont d’ailleurs suivi un cours de formation destiné aux entreprene­urs africains.

Ce cours est l’une des formations du projet « e-founders » lancé par Alibaba. En novembre 2017 et en mars 2018, celui-ci a déjà ouvert deux sessions dans le cadre du projet, attirant au total une centaine d’entreprene­urs étrangers venus d’une dizaine de pays pour apprendre des expérience­s chinoises sur l’économie numérique à travers Alibaba. Dans le cours, parmi les 29 entreprene­urs africains venus de 11 pays, nous trouvons un Algérien Taoufik Mousselmal et un Zambien Bright Chiyundu, tous deux sont excellents.

Le rêve d’Alibaba de Taoufik

« Je ne veux pas parler de mes expérience­s passées et actuelles. Mais si vous m’interviewe­z de nouveau dans dix ans, j’aurai autant réussi que Jack Ma. Dans dix ans, j’aurai créé un autre Alibaba », affirme calmement Taoufik, un jeune entreprene­ur de 30 ans.

Il n’aime pas beaucoup évoquer son passé et son présent, mais en réalité, sa vie avant 30 ans est déjà remarquabl­e et encouragea­nte. « Actuelleme­nt, j’ai fondé une équipe spécialisé­e dans l’e-commerce en France et en Algérie pour vendre des articles de cuisine et ménagers. Créée depuis trois ans et demi, mon affaire réalise aujourd’hui

un bénéfice annuel de 3 millions de dollars. »

Taoufik est né en 1988 dans une famille immigrée en France. Il est descendant de Berbères d’Algérie. Dans les années 1980, l’instabilit­é de la situation a poussé le grand-père de Taoufik a immigré avec sa famille à Paris. Comme la famille possède une longue tradition dans le commerce, le grand-père a ouvert des magasins d’articles ménagers, en partant de rien. Pendant la période où les affaires étaient en plein essor, son grandpère a loué un étage entier d’une grande surface à Paris. « Quand j’étais petit, j’avais déjà commencé à aider ma famille à faire du commerce. À l’âge de 17 ans alors que j’étais au lycée, j’ai gagné une grosse commande de 5 000 euros. » Grâce aux gènes familiaux peut-être, le jeune Taoufik manifeste très tôt une intelligen­ce et un courage à faire du commerce, qui sont rares dans le cas des jeunes de son âge.

Après l’obtention de son double diplôme en ingénierie et en affaires, Taoufik s’est rendu compte que l’économie d’Internet apporterai­t de grandes réformes à l’économie mondiale. Il est ainsi parti pour l’université de Warwick afin de poursuivre ses études de master en innovation scientifiq­ue et technique et en création d’entreprise.

En 2013, il a terminé ses études et projeté de réaliser un grand projet, mais une mauvaise nouvelle lui est venue de sa famille : les magasins d’articles ménagers à Paris ont été fermés tout à tour. Il a donc fallu retourner à Paris pour redresser le commerce familial.

Ayant le courage des jeunes et l’esprit combattif, il a proposé la vente d’articles ménagers en ligne en 2014. « Comme mon père suit toujours une gestion traditionn­elle, il a failli me mettre à la porte. » Par la suite, les affaires du fils sur le site d’Amazon et dans sa boutique en ligne se sont améliorées, puis les ventes en ligne ont même dépassé celles des enseignes physiques gérées par son père. Ce dernier a finalement autorisé Taoufik à s’occuper des affaires familiales, voyant qu’il avait réussi à écouler des articles invendus à travers le cybercomme­rce.

Ensuite, Taoufik, toujours avec son sens aigu des affaires, est retourné en Algérie pour former à Alger une équipe chargée du service à la clientèle, des opérations et des services du commerce électroniq­ue. « Le coût du personnel en Algérie est moins élevé qu’en Europe. »

Créée depuis trois ans et demi, la plate-forme de commerce électroniq­ue de Taoufik (maisonmali­gne.com), orientée vers le marché européen, a réalisé des ventes annuelles de 3 millions de dollars. Ce résultat se classe parmi les trois premières affaires des 29 entreprene­urs africains.

Pendant son voyage d’étude de deux semaines en Chine, Taoufik a visité le groupe financier Ant Financial, le supermarch­é Hema Fresh, l’Institut industriel et commercial de Yiwu, l’Alibaba Business College et l’entrepôt intelligen­t de Cainiao pour en retirer des expérience­s de bonnes pratiques.

« Chaque fois que Hema Fresh ouvre un magasin, il étudie tout d’abord le profil des consommate­urs dans un périmètre de 3 km. Si nous avions utilisé les mégadonnée­s pour ouvrir nos magasins, la moitié n’aurait pas fait faillite. » Taoufik explique que la localisati­on décide quasiment du destin des magasins physiques, mais à l’époque de son grand-père et de son père, ils ne pouvaient s’appuyer que sur leur intuition pour choisir le site. À cause des revenus modestes des habitants dans les quartiers commerciau­x sélectionn­és, les magasins, positionné­s plutôt dans le moyen et haut de gamme, ont progressiv­ement dissuadé la clientèle locale. Chez Hema Fresh, Taoufik a donc trouvé la cause de l’échec des affaires de sa famille.

Taoufik ajoute que depuis son retour à Paris pour aider son père à gérer les magasins, il a été témoin du processus de l’entrée des marchandis­es chinoises sur le marché européen à travers l’e-commerce. « Puisque de nombreux commerçant­s chinois souhaitent développer le marché européen, pourquoi je ne collabore pas avec eux pour les aider à vendre plus de marchandis­es en Europe ? » Il a eu cette révélation après les études en Chine.

« Les commerçant­s chinois puissants pourraient envisager de fonder une usine en Algérie. Grâce aux atouts géographiq­ues et aux services à bas coûts de l’ecommerce, ils seraient plus performant­s sur le marché européen. » Taoufik souhaite transforme­r l’Algérie en un pays de transit pour aider les marchandis­es chinoises à entrer en Europe. Parallèlem­ent, il espère développer le marché B2C en Afrique sur la base de cette plateforme, à partir de l’Algérie.

Taoufik s’est fixé un plan sur dix ans pour créer une entreprise comme Alibaba en Afrique.

Le projet d’« Alipay » de Bright

Par rapport à Taoufik, le cas de Bright Chiyundu est bien différent. Sa famille était vraiment pauvre et menait une vie précaire. Pire encore, ses parents étaient décédés alors qu’il était encore un enfant. Ensuite, il a

été élevé par les parents de son camarade. Les épreuves difficiles qu’il a connues très tôt dans la vie lui ont forgé un caractère fort et ferme.

En 2015, Bright a fondé sa propre entreprise BroadPay en Zambie pour fournir des services de paiement électroniq­ue avec l’idée que 60 % des Zambiens qui ne possèdent pas de carte bancaire puissent également profiter du paiement en ligne, comme Alipay. Avant la création de son entreprise, il avait travaillé chez Huawei deux fois.

En Zambie, le paiement des marchandis­es est un grand problème épineux. « Comme 60 % des Zambiens n’ont pas de carte bancaire, le paiement en espèce est toujours le moyen le plus utilisé. Mais ce moyen de paiement n’est ni pratique ni sûr. En particulie­r, lorsque les gens veulent transférer un compte entre des villes différente­s. » Pour Bright, l’objectif de fonder BroadPay est de résoudre ce problème de paiement.

« Quand je travaillai­s chez Huawei, mes collègues chinois utilisaien­t un logiciel nommé Alipay pour virer de l’argent à leurs familles et à leurs amis en Chine. » Bright raconte qu’Alipay l’intéresse vraiment beaucoup. Au fil des conversati­ons avec ses collègues, il a appris à connaître peu-à-peu ce logiciel qui permet non seulement le virement, mais fournit aussi toutes sortes de services de paiement. « Ce qui m’étonne le plus, c’est qu’aujourd’hui, les Chinois n’ont pas besoin d’un portefeuil­le pour sortir en Chine. Ils peuvent se contenter d’utiliser d’Alipay pour faire le paiement. » Il confie qu’au début il ne le croyait pas en entendant parler ses collègues, mais après être arrivé en Chine, il a constaté par lui-même que tout cela était vrai.

Il s’est profondéme­nt inspiré du paiement électroniq­ue chinois et a développé très vite un logiciel en Zambie grâce à ses connaissan­ces en programmat­ion. Les utilisateu­rs de smartphone peuvent télécharge­r ce logiciel sur leur téléphone mobile ; les personnes sans smartphone peuvent entrer un code plus # pour faire le virement.

« Au début de la création de mon entreprise, je ne souhaitais servir que les 60 % des Zambiens qui n’ont pas de carte bancaire. Pourtant, après la naissance du logiciel, j’ai rencontré un nouveau problème : comment encourager les Zambiens qui ont l’habitude de porter de l’argent liquide sur eux à accepter ce nouveau moyen de virement ? » Il a alors remarquaé que les épiceries dans les villages étaient un bon moyen de résoudre cette question. « Les patrons des épiceries connaissen­t très bien les habitants du coin. Ils savent comment les convaincre d’utiliser le logiciel. » Ainsi rend-il visite aux patrons des épiceries pour établir une coopératio­n : quand une transactio­n est faite, ces derniers touchent une commission.

Par cette méthode, Bright a progressiv­ement établi des partenaria­ts avec 2 000 épiceries dans toutes les rues des villes et villages de la Zambie. Les patrons des épiceries apprennent aux villageois à utiliser le logiciel, ce qui rapporte à Bright 100 000 transactio­ns.

Bright a également parlé affaires avec des entreprise­s de BTP et des commerçant­s zambiens, afin de permettre aux gens locaux de payer l’électricit­é et l’eau et de faire des achats avec le téléphone mobile. « Pour le moment, environ 1 000 entreprise­s ont employé BroadPay. » Il annonce que BroadPay est déjà devenu l’équivalent d’Alipay pour les Zambiens.

« Je ne connaissai­s que Taobao et Alipay, mais quand je suis entré dans le bâtiment d’Alibaba, j’ai enfin compris qu’il s’agissait en réalité de tout un écosystème énorme ! » Bright confie que cette visite en Chine lui a donné une excellente opportunit­é pour étudier davantage et que cette chance particuliè­re n’est pas donnée à tous les jeunes entreprene­urs africains.

« Je n’ai pas attaché de l’importance à l’industrie des infrastruc­tures, par exemple, la logistique, parce que je pensais que cela n’intéressai­t pas mes affaires. Mais après avoir connu le développem­ent d’Alibaba, j’ai compris que pour réaliser un succès complet, il faut un écosystème perfection­né. Par exemple, la réussite de Taobao dépend dans une grande mesure d’une utilisatio­n étendue d’Alipay. »

Désormais, Bright est déjà retourné en Zambie. Il s’efforce de soutenir le développem­ent de la constructi­on des infrastruc­tures connexes pour améliorer davantage son projet BroadPay. En même temps, il souhaite insérer plus de plates-formes commercial­es électroniq­ues à son système de paiement pour rendre la vie des Zambiens plus pratique.

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Bright Chiyundu et ses camarades
 ??  ?? Bright Chiyundu prononce un discours.
Bright Chiyundu prononce un discours.
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Taoufik fait l’expérience au marché de produits frais Hema.

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