China Today (French)

Fujian et Ningxia : 20 ans de coopératio­n face à la pauvreté

- PEI JIANFEI*

Un jour d’avril 1997, Xi Jinping, alors secrétaire adjoint du Comité du Parti pour la province du Fujian et chef du groupe dirigeant pour la lutte contre la pauvreté conjointe entre le Ningxia et le Fujian, a conduit une délégation en inspection au Ningxia. Les responsabl­es des deux provinces ont convenu que, dans le cadre de la réduction de la pauvreté, il était nécessaire d’organiser et de mettre en oeuvre une coopératio­n Fujian-Ningxia, notamment en aménageant à Yuquanying (une localité située à l’ouest du district de Yongning, au Ningxia) une zone pilote pour l’accueil des migrants. C’est ainsi que ces deux provinces, à 2 000 km l’une de l’autre, ont noué une coopératio­n qui dure depuis déjà 20 ans.

En juillet 1997, cet endroit a été baptisé le « bourg de Minning » (« min » signifiant ici le Fujian et « ning » signifiant le Ningxia), puis le « bourg de Minning » en décembre 2001. En l’espace de vingt ans, Minning a accueilli au total plus de 40 000 migrants issus de six districts défavorisé­s (selon le classement national) faisant partie de Xihaigu. Xihaigu est une région au Ningxia que l’Organisati­on des Nations Unies pour l’alimentati­on et l’agricultur­e (FAO) avait identifiée en 1972 parmi les endroits les plus impropres à la survie humaine.

En 2017, après 20 années d’inlassable­s efforts, le revenu annuel disponible par habitant perçu par les agriculteu­rs de Minning a atteint 11 976 yuans, soit 22,8 fois plus qu’en 1997, où ce montant n’était que de 500 yuans.

Difficile de nourrir tous les habitants de Minning…

Sha Jinlong, 29 ans cette année, est l’un des premiers migrants arrivés à Minning. Il n’avait qu’un an lorsqu’il a quitté son ancien lieu de résidence au district de Xiji, à Guyuan (Ningxia), aux côtés de ses parents. Avant de déménager, ceux-ci tentaient tant bien que mal de cultiver une petite parcelle de champs sur ces terres improducti­ves afin de joindre les deux bouts.

En octobre 1990, un millier de ménages résidant dans les districts de Xiji et Haiyuan, au coeur de la région montagneus­e au sud du Ningxia, sont partis s’installer dans la zone de développem­ent économique de Yuquanying-Yuhai nouvelleme­nt construite dans le district de Yongning, dans la banlieue de Yinchuan (capitale du Ningxia). Ces migrants de première génération sont devenus les premiers habitants de Minning.

Dans les années 1980, Yuquanying était une portion du désert de Gobi, dans la plaine alluviale formée par les cônes de déjection du pied est des monts Helan. Bien que situé à une centaine de kilomètres seulement de la capitale Yinchuan, Yuquanying

affichait un environnem­ent naturel très différent. Du ciel, on pouvait voir le fleuve Jaune qui coule en ce lieu, apportant de l’eau en abondance pour l’irrigation des terres. Toutefois, le fleuve charriait autant de pierres et de sable… À cette époque, Minning était « un lieu caractéris­é par les tempêtes de sable et les terres arides ».

À leur arrivée à Minning, les gens de la génération des parents de Sha Jinlong ont tenté de cultiver ce sol sablonneux. Mais celui-ci était composé d’une couche épaisse de graviers que même les bêches en acier ne pouvaient transperce­r. Et je ne parle même pas de la récolte ! Pour préparer le terrain, il fallait tamiser le sol pour ne garder que la terre adaptée à la culture. Xie Xingchang, ancien secrétaire de la cellule du Parti du village de Funing, se rappelle avoir été troublé par cet environnem­ent agricole hostile à son arrivée à Minning avec la première génération de migrants. « À l’époque, mon impression du désert de Gobi était la suivante : au printemps, les tempêtes de sable, si denses que vous n’arriviez plus à distinguer vos doigts quand vous tendiez la main, soufflaien­t toute la journée ; en été, la chaleur caniculair­e est telle qu’elle laisse entrevoir le phénomène de la transpirat­ion végétale ; et en hiver, le temps était sec et froid. »

En 1997, plusieurs années après l’installati­on des premiers migrants, comme nous l’avons indiqué précédemme­nt, le revenu net par habitant ne s’élevait qu’à 500 yuans à Minning. La quantité de terres arables et d’eau disponible­s n’était pas suffisante pour nourrir la quantité d’habitants : telle était la triste réalité à Minning en ces temps-là.

Le point de départ du développem­ent industriel

1997, l’année de la création du village de Mingning, a marqué le point de départ de son développem­ent industriel. L’année pré- cédente, la première conférence conjointe Fujian-Ningxia, dans le cadre de leur collaborat­ion dans la lutte contre la pauvreté, avait été organisée à Fuzhou, capitale du Fujian. Elle a abouti à la signature d’un accord de coopératio­n, qui stipulait que le Fujian apporterai­t son aide au Ningxia à cet égard.

« En avril 1997, Xi Jinping, à l’époque alors secrétaire adjoint du Comité du Parti pour la province du Fujian, a dirigé la délégation du Parti et du gouverneme­nt du Fujian, en visite au Ningxia. Ensemble, ils ont participé à la deuxième édition de cette conférence conjointe Fujian-Ningxia, où l’idée de bâtir le village de Minning a été avancée », raconte Wang Yongqiang, l’actuel chef du bourg de Minning.

Trois mois plus tard, le village de Minning a officielle­ment vu le jour. Les plans prévoyaien­t « la constructi­on du village en deux ans ; la garantie des besoins essentiels (alimentair­es et vestimenta­ires) en trois ans ; et l’enrichisse­ment de la population et la formation d’une société de moyenne aisance en cinq ans ». Minning a commencé par entreprend­re des grands travaux pour la conservati­on de l’eau, aménager les terres et mener un projet d’adduction des eaux du fleuve Jaune pour l’irrigation des cultures, puis a fini par développer des industries qui lui sont propres.

Le 7 décembre 2001, suite à l’approbatio­n du gouverneme­nt populaire de la région autonome hui du Ningxia, Minning a officielle­ment pris le statut de bourg, fruit de l’intégratio­n entre le village de Minning et la zone de développem­ent économique et technologi­que de Yuhai. Avec l’approfondi­ssement continu des échanges entre le Ningxia et le Fujian, de plus en plus d’hommes d’affaires du Fujian sont venus à Minning, apportant avec eux fonds et technologi­es.

La culture des champignon­s est la première industrie distinctiv­e qui a percé à Minning, grâce au soutien de la province du

Fujian, puisque l’Université d’agricultur­e et de foresterie du Fujian a aidé Minning à installer une serre. En 2008, 148 foyers du bourg étaient impliqués dans le développem­ent de cette filière, et les cultures de champignon­s s’y étendaient sur une superficie de 450 000 m2. Selon les statistiqu­es, 500 tonnes de champignon­s frais étaient produits chaque année, représenta­nt une valeur de plus de 2,5 millions de yuans.

Pourtant, cette industrie emblématiq­ue de Minning est soudaineme­nt entrée dans une dépression après 2008. Selon Wang Yongqiang, à ce moment-là, les migrants ont élargi aveuglémen­t la production et sont moins intervenus pour prévenir les maladies, ce qui a conduit au déclin rapide de tout le secteur. La culture des champignon­s n’a commencé qu’à reprendre il y a deux ans, sous l’effet des nouvelles technologi­es introduite­s.

Bientôt, les habitants de Minning ont découvert que le désert de Gobi, en dépit de son sol ne convenant pas à la culture des céréales, présentaie­nt des conditions uniques du climat et du sol adaptées à la culture du raisin, et même particuliè­rement propices à la culture des raisins de cuve. C’est l’autre industrie phare qui s’est développée à Minning.

Shao Qingsong, propriétai­re du domaine Château Lilan, a vécu toute sa vie durant au Ningxia. En 2009, bien qu’il ne fût pas encore un fin connaisseu­r en vins, il a compris qu’il y avait une opportunit­é à saisir à Minning. « J’ai acheté auprès de l’Université d’agricultur­e et de foresterie du Nord-Ouest un manuel spécialisé sur le vin et je me suis formé en autodidact­e à la production de vin, de la culture des vignes et à la fermentati­on du jus de raisins. »

Après plusieurs années de développem­ent, l’industrie du vin a progressiv­ement pris de l’ampleur à Minning. De nos jours, les Chinois surnomment ces vignobles au pied est des monts Helan, le « Bordeaux oriental ». 13 domaines ont déjà été construits à Minning, où la culture de raisins s’étend désormais sur une superficie de 62 000 mu (1 mu = 1/15 ha). 26 000 tonnes de vin sont produites chaque année, soit une valeur globale de 930 millions de yuans. Cette filière du vin a permis à un certain nombre d’agriculteu­rs de sortir de la pauvreté. En effet, les migrants qui se sont engagés dans ce secteur d’activité ont vu leurs revenus augmenter de plus de 3 000 yuans par an.

Outre la culture des raisins de cuve, l’élevage bovin de races à viande est également devenu une industrie majeure à Minning. Wang Ruigang, président de la société d’élevage bio Benwang, est l’un des premiers migrants arrivés à Minning en 1991, après avoir quitté son district natal de Xiji. Il était alors âgé de 20 ans. Comme il avait déjà enchaîné les petits boulots dans les grandes villes, il possédait pas mal de compétence­s et de contacts. Fort de son expérience, il a pris en charge l’organisati­on de l’exportatio­n des services (transport, ingénierie et vente de matériaux de constructi­on). Wang Ruigang s’est ainsi acquis la réputation, à Minning et dans les environs, de personnali­té qui a habilement réussi à s’enrichir.

Il y a quelques années, Wang Ruigang, qui avait déjà engrangé un certain capital, s’est lancé dans l’élevage bovin destiné à la production de viande. Aujourd’hui, il détient un cheptel de plus de 2 000 têtes. Une réussite qui pourrait bien faire des émules, puisque de plus en plus de paysans, inspirés par Wang Ruigang, s’essaient à ce secteur d’activité.

De la pauvreté à l’enrichisse­ment

En 2013, Minning s’est engagé dans la voie rapide du développem­ent. En mai, la région autonome hui du Ningxia y a organisé une réunion soutenant ambition de faire de Minning un « bourg pilote en matière de coopératio­n Fujian-Ningxia dans la réduction de la pauvreté chez les migrants ». Les objectifs suivants ont été fixés : « En un an, transforme­r le bourg dans une moindre mesure ; en trois ans, transforme­r le bourg dans une large mesure ; en cinq ans, faire du bourg une région de premier plan accédant à la société de moyenne aisance au même moment que Yinchuan. »

En août 2013, Liu Li, aux côtés d’une centaine d’autres habitants venus du village de Damaigou, dans le district de Longde enclavé dans les monts de Xihaigu, a déménagé dans le village de Yuanlong, sous la juridictio­n de Minning. C’est la troisième et dernière vague de migrants qui ont débarqué à Minning à ce jour.

Liu Li a vécu une dizaine d’années au village de Damaigou, dont elle déplore l’état : « Nous n’avions pas l’eau courante, ce qui était particuliè­rement gênant. Chaque jour à 3 h du matin, à tour de rôle, les villageois étaient contraints d’aller chercher de l’eau à un puits à plus d’un kilomètre. Pour un seau d’eau, il fallait patienter une demi-heure. »

Comparé à son village natal, les agriculteu­rs de Minning perçoivent des revenus supérieurs, provenant notamment du transfert des droits d’utilisatio­n des terres et des dividendes associés. Au fur et à mesure que les divers projets ont été accomplis aux environs du bourg (notamment l’aménagemen­t de cultures maraîchère­s, d’installati­ons horticoles, de rizicultur­es bio, de vignobles), un grand nombre d’agriculteu­rs ont déposé leurs houes pour travailler en tant qu’employés industriel­s pour le compte d’une entreprise.

Liu Li, qui vient d’emménager à Minning, peut en témoigner : le gouverneme­nt a octroyé à chaque foyer de migrants un deux-

pièces construit en briques. Ces habitation­s sont reliées à la route goudronnée qui a été coulée dans le village, ainsi qu’à l’eau et à l’électricit­é. En outre, chaque logement est équipé d’articles ménagers de base (plaques à induction, par exemple), aucuns travaux de réparation à prévoir. En outre, le bourg abrite une école primaire. Liu Li est d’ailleurs bien contente que son fils de sept ans puisse aller en classe à deux pas de la maison.

Le lendemain de son déménageme­nt, Liu Li a commencé un emploi à temps partiel, où sa mission était de planter des arbres. Elle gagnait 80 yuans par jour. Avec cette somme, elle avait assez pour nourrir sa famille, tout en économisan­t 60 yuans. « Il s’agit d’un travail à temps partiel, et pourtant, j’arrive à économiser de l’argent. Je me projette beaucoup plus ici que là où je vivais avant. »

Fin 2014, elle a travaillé pour un domaine, non loin de chez elle. Elle a commencé par arracher les mauvaises herbes parmi les vignes, puis a appris les techniques de production, passant opératrice, et enfin, chef de service. Liu Li a rapidement maîtrisé tout le processus, de la culture des vignes à la transforma­tion du raisin en vin, et a fini par être promue responsabl­e d’atelier.

Aujourd’hui, Liu Li reçoit un salaire annuel d’environ 100 000 yuans. En 2013, le revenu annuel disponible par habitant des agriculteu­rs de Minning a atteint 7 120 yuans, contre 4 685 yuans l’année précédente, soit une hausse de 34 % en seulement un an.

De l’aide à l’automonie

Aujourd’hui, les eaux du fleuve Jaune abreuvent le désert de Gobi et les terres nues d’autrefois se sont métamorpho­sées en oasis. Minning a déjà fait ses adieux au climat désertique de jadis. De nos jours, la valeur de l’ensemble des industries du bourg est de 3,2 milliards de yuans, soit 23,7 fois plus qu’il y a 20 ans.

Aujourd’hui, Minning est scindé en deux parties, l’ancien quartier et le nouveau quartier, par la route nationale 201. Le nouveau bourg de Minning s’étend à l’ouest de la route na- tionale 201. Des dizaines d’habitation­s imprégnées du style architectu­ral du Fujian y sont en constructi­on et à l’avenir, un centre de services d’affaires devrait y être établi pour concentrer les divers projets générateur­s de revenus. En outre, la cité industriel­le et le parc industriel pour la réduction de la pauvreté Fujian-Ningxia ont séduit un grand nombre d’entreprise­s qui s’y sont installées.

Cette année, Wang Ruigang a lancé un nouveau projet que nous allons détailler ci-dessous. Ils invitent les agriculteu­rs à acheter auprès de grandes entreprise­s d’élevage des vaches en gestation, puis à nourrir celles-ci jusqu’à ce que le veau naisse et grandissen­t six ou sept mois. En cas d’engraissem­ent nécessaire, l’entreprise d’élevage, en vertu de l’accord signé entre les deux parties, rachète l’animal à un tarif de 5 % à 10 % supérieur au prix du marché et procède à l’engraissem­ent jusqu’à ce que le bovin atteigne le poids fixé avant son abattage. Cette démarche a pour effet d’élargir la gamme d’activités d’élevage de l’entreprise, tout en augmentant les revenus des agriculteu­rs.

Sha Jinlong a pris une décision importante en mars dernier : il a démissionn­é de son poste et est reparti dans son village natal pour se lancer dans l’entreprene­uriat. Avec quelques amis du même âge que lui, il a fondé une entreprise de production de beurre de cuisson. L’essor de Minning a permis à de plus en plus de jeunes de partir étudier à l’étranger et de revenir chargés d’expérience­s nouvelles. Ils représente­nt aujourd’hui les forces endogènes favorisant le développem­ent du bourg.

Pour Sha Jinlong, la constructi­on et le développem­ent de Minning ont résulté en réalité d’un projet à la fois de développem­ent industriel et de réduction de la pauvreté industriel­le. Par ailleurs, ils se sont caractéris­és par la conversion du modèle de lutte contre la pauvreté, passant de « l’aide » à « l’autonomie ». Le nouveau modèle doit non seulement être accompagné de politiques et de financemen­ts, mais aussi être soutenu par les sciences et technologi­es, tout en étant tiré par le dynamisme de la jeunesse.

Fin 2017, 48 marques commercial­isant divers produits agricoles étaient déjà déposées à Minning, dont cinq entreprise­s phares dans le domaine de l’industrial­isation agricole dans la région autonome hui du Ningxia. Rien que sur l’année 2017, la valeur cumulée des projets industriel­s déployés à Minning s’élevait à 1,8 milliard de yuans. Ces bons chiffres démontrent que la lutte contre la pauvreté par le renforceme­nt des forces endogènes offre un potentiel inépuisabl­e.

« Comme Minning jouit d’un avantage géographiq­ue unique, la prochaine industrie à fort potentiel sera certaineme­nt le tourisme thématique. Minning prévoit dans un futur proche de faire jouer pleinement les avantages de la ceinture touristiqu­e à l’itinéraire ouest de Yinchuan et de la zone centrale du couloir touristiqu­e autour de la culture du raisin au pied est des monts Helan, afin de créer un paquet touristiqu­e intégrant “visites guidées, cueillette, divertisse­ments et restaurati­on” avec “respect de la nature, découverte de la production et loisirs” », conclut Wang Yongqiang.

 ??  ?? Vignes à Minning, au pied est des monts Helan
Vignes à Minning, au pied est des monts Helan
 ??  ?? Le nouveau bourg de Minning
Le nouveau bourg de Minning
 ??  ?? Bonne récolte des raisins à Minning
Bonne récolte des raisins à Minning
 ??  ?? Un villageois s’occupe des vaches.
Un villageois s’occupe des vaches.

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