China Today (French)

Du « printemps des sciences » à l’« âge d’or de l’innovation »

- ZHANG YING*

Dans l’élan de la réforme et l’ouverture, les sciences et technologi­es ont joué en Chine un rôle à la fois pionnier et directeur. Depuis 40 ans, la Chine compose une fabuleuse histoire pleine de rebondisse­ments : aujourd’hui, elle écrit un chapitre qui pourrait s’intituler « L’innovation, 1er moteur du développem­ent » ; elle est passée d’une stratégie de revitalisa­tion du pays, qui s’appuyait sur la science et l’éducation, et de renforceme­nt du pays grâce aux talents, à une stratégie de développem­ent axée sur l’innovation ; son projet est désormais d’édifier une puissance mondiale scientifiq­ue et technologi­que.

Au cours de ces quarante années, la Chine, pourtant partie de loin, a connu un « printemps des sciences » avant d’entrer aujourd’hui dans un « âge d’or de l’innovation ». Les mesures étatiques prises en faveur de l’innovation ont permis l’émergence d’un grand pays scientifiq­ue et technologi­que, et la profusion de belles inventions et découverte­s ont bénéficié à tous les citoyens. Cette dynamique d’innovation scientifiq­ue et technologi­que permet d’accélérer la montée en puissance globale du pays et stimule la créativité de l’ensemble de la société. Ainsi, la Chine poursuit sa métamorpho­se catalysée par l’innovation.

Origine : l’entrée en scène de l’innovation technologi­que dans le développem­ent

À la fin des années 1970, la communauté internatio­nale traversait sa « troisième vague » de développem­ent, une étape cruciale de son histoire ; de son côté, la Chine sortait tout juste de la Révolution culturelle et affichait beaucoup de retard. En 1978, une conférence scientifiq­ue nationale d’une ampleur sans précédent s’est tenue en Chine. Lors de la cérémonie d’ouverture, Deng Xiaoping a déclaré : « Moderniser les sciences et technologi­es est la clé pour réaliser les quatre modernisat­ions [...] les sciences et technologi­es sont les forces productive­s. » Pour la première fois, un parallèle était établi entre la modernisat­ion et l’essor des sciences et technologi­es. Les sciences et technologi­es sont ainsi devenues des acteurs clés du développem­ent du pays, et un véritable « printemps des sciences » a vu le jour en Chine.

Peu à peu, l’État a pris des mesures pour faire des sciences et des technologi­es des forces motrices du processus de modernisat­ion. Il a publié le Plan national pour le développem­ent des sciences et des technologi­es (1978-1985) (projet), puis le Plan national pour le développem­ent des sciences et des technologi­es (19862002) (projet). En outre, le Programme 863, la Fondation nationale des sciences naturelles de Chine (NSFC), le Programme « Flambeau » et le Programme 973 ont été lancés. Les ressources de l’innovation scientifiq­ue et technologi­que de l’ensemble de la société ont été pleinement mobilisées afin d’amorcer une transition des « technologi­es de simple applicatio­n » aux « technologi­es avancées », de la recherche fondamenta­le à la R&D expériment­ale.

Les réalisatio­ns ont été impression­nantes. Outre la multiplica­tion des thèses et des découverte­s, des technologi­es de pointe ont été conçues et des grandes questions d’ordre scientifiq­ue ont été traitées. Citons comme exemples : les superordin­ateurs de la série Yinhe, les commutateu­rs numériques automatisé­s, les vols spatiaux habités ou encore la centrale nucléaire de la baie de Daya.

L’écart entre la Chine et les pays avancés a commencé à se réduire. La qualité de vie des Chinois s’est nettement améliorée, grâce à des innovation­s telles que la téléphonie mobile 3G, le « super riz » hybride et de nouveaux médicament­s produits grâce au génie génétique.

Au cours de cette période, une réforme du mécanisme de subvention­nement des projets scientifiq­ues et technologi­ques a chamboulé le milieu. Les scientifiq­ues et technicien­s ont été contraints de sortir de leur tour d’ivoire pour rejoindre le principal « champ de bataille », à savoir la constructi­on économique du pays.

C’est à ce moment-là que des entreprise­s high-tech (Lenovo et Stone, par exemple) ont commencé à pous- ser comme des champignon­s à Zhongguanc­un, quartier de haute technologi­e et vecteur important de l’intégratio­n scientifiq­ue et technologi­que. Bientôt, d’autres zones similaires ont été aménagées partout dans le pays, principale­ment à la jonction des villes et des campagnes. Lieux d’innovation et d’esprit d’entreprise où apparaisse­nt de nouvelles méthodes organisati­onnelles et de nouveaux formats industriel­s, ces parcs sont rapidement devenus un moteur essentiel du développem­ent urbain et régional.

Le parc de haute technologi­e de Zhangjiang à Shanghai a été aménagé sur la rive est de la rivière Huangpu, endroit dédaigné par les habitants. Dans le cadre de la stratégie « Focus sur Zhangjiang », des entreprise­s de nouvelles technologi­es et de biopharmac­eutique s’y sont implantées, bientôt rejointes par des entreprise­s classées au Fortune 500, des centres de R&D relevant de grandes multinatio­nales et des sièges régionaux... Le parc de Zhangjiang, centré sur Shanghai tout en étant ouvert au monde est rapidement devenu un modèle d’innovation technologi­que à Shanghai et sur tout le territoire chinois. Aujourd’hui, des miracles similaires à celui de Zhangjiang se produisent dans toute la Chine.

Métamorpho­se : l’innovation comme clé de la montée en puissance globale du pays

Entre 2000 et 2010, la stratégie chinoise en matière d’innovation scientifiq­ue et technologi­que a évolué en un programme d’actions pour faire face à la crise financière mondiale qui a fait ses preuves.

L’entrée dans un nouveau siècle s’est accompagné­e d’un développem­ent fulgurant des sciences et des technologi­es dans le monde, avec l’émergence de l’économie du savoir, l’utilisatio­n intensive du World Wide Web, l’essor du commerce électroniq­ue, la réduction considérab­le des cycles de fabricatio­n et de commercial­isation des réalisatio­ns scientifiq­ues et technologi­ques… De plus en plus, le développem­ent économique est devenu tributaire de l’innovation dans le domaine des hautes technologi­es.

En 1999, la première Conférence nationale sur l’innovation technologi­que en Chine nouvelle a été organisée, laquelle a défini « l’innovation et l’industrial­isation » comme deux axes stratégiqu­es. L’innovation a été intégrée à la coordinati­on nationale du développem­ent global scientifiq­ue et technologi­que. En 2006, la Chine a tenu sa première Conférence nationale sur l’innovation scientifiq­ue et technologi­que, à l’issue de laquelle a été publié le Programme national à moyen et long terme pour le développem­ent de la science et de la technologi­e (2006-2020).

La Chine est donc arrivée à une nouvelle étape, dans laquelle le gouverneme­nt oriente le potentiel d’innovation de toute la société en définissan­t des actions concrètes. Dès lors, améliorer la capacité d’innovation indépendan­te et construire un pays innovant sont deve-

nus les objectifs centraux de la stratégie de développem­ent national ainsi que les solutions pour soutenir la montée en puissance globale du pays.

Depuis la crise financière internatio­nale survenue en 2008, la stratégie axée sur l’innovation technologi­que mise en place par la Chine s’est révélée probante. En 2009, le gouverneme­nt chinois a mis en oeuvre l’Avis sur la promotion du développem­ent stable et rapide de l’économie par le biais des sciences et technologi­es qui préconise, entre autres : la mise en oeuvre d’un certain nombre de projets scientifiq­ues et technologi­ques majeurs afin d’accélérer la mise sur le marché de produits compétitif­s ; la modernisat­ion industriel­le, soutenue par les sciences et la technologi­e ; l’améliorati­on des capacités d’innovation indépendan­te des entreprise­s grâce à l’innovation technologi­que ; la formation accélérée de grappes industriel­les high-tech en faisant jouer aux parcs nationaux de haute technologi­e leur rôle à la fois concentrat­eur et moteur ; la valorisati­on des compétence­s exceptionn­elles des scientifiq­ues et technicien­s.

Le gouverneme­nt chinois a soutenu la recherche, le développem­ent et la diffusion de 45 technologi­es ainsi que la mise à niveau d’industries clés comme l’acier et la pétrochimi­e. En octobre 2009, un premier groupe de 28 sociétés autorisées à entrer en bourse ont été cotées à la GEM, ouvrant un nouveau canal de financemen­t à de nombreuses petites et moyennes entreprise­s technologi­ques.

Ainsi, en dépit de la crise financière internatio­nale, la Chine a maintenu un taux de croissance économique relativeme­nt élevé, devenant un moteur de la reprise économique mondiale.

Au cours de cette période, la Chine a réalisé des progrès scientifiq­ues et technologi­ques majeurs, dans le champ notamment des nanotechno­logies (nanotubes de carbone, par exemple) et de leurs applicatio­ns, de la biologie structural­e des protéines, des missions de forage à visée scientifiq­ue, du clonage par transfert de noyau d’une cellule somatique, des vols spatiaux habités, de l’exploratio­n lunaire, de la plongée en sousmarin habité et de la constructi­on de lignes de TGV. En outre, des parcs de haute technologi­e, des pépinières d’entreprise­s, des grappes industriel­les innovantes ont vu le jour...

Le pays a été profondéme­nt transformé. En 2010, moins de 10 millions d’habitants étaient considérés comme pauvres, d’après le seuil de pauvreté chinois. En mettant l’accent sur l’innovation technologi­que, la Chine est parvenue à changer le cours de son histoire de façon spectacula­ire.

Constructi­on et perspectiv­es : vers une nouvelle ère de développem­ent de haute qualité

La crise financière mondiale a annoncé l’arrivée d’une nouvelle ère. Début 2012, sous l’effet de la crise, la reprise économique mondiale a ralenti. Pourtant, au même moment, des avancées notables ont eu lieu dans certains domaines scientifiq­ues et technologi­ques importants. Ainsi, le monde s’apprêtait à entrer dans une ère où l’innovation scientifiq­ue et technologi­que serait de plus en plus intégrée au développem­ent des industries émergentes et hautement innovantes. La stratégie chinoise en faveur du développem­ent et de l’innovation scientifiq­ue et technologi­que a accéléré l’avènement de cette nouvelle ère.

À l’automne 2012, le XVIIIe Congrès du Parti communiste chinois (PCC) a proposé la mise en oeuvre d’une stratégie de développem­ent axée sur l’innovation à l’échelle du pays, plaçant pour la première fois l’innovation, en particulie­r scientifiq­ue et technologi­que, au coeur du développem­ent de la Chine. À cette occasion, la Chine a annoncé au monde son ambition de convertir son modèle de croissance nationale en un modèle de croissance tirée par l’innovation.

Pour ce faire, la Chine a accéléré la coordinati­on des mécanismes de développem­ent et d’innovation technologi­ques, notamment en approfondi­ssant la réforme et en renforçant la conception globale. Après cinq ans de réflexions théoriques et d’essais pratiques, en 2017, le secrétaire général Xi Jinping a déclaré lors du XIXe Congrès du PCC que l’innovation était le premier moteur du développem­ent. Depuis, la Chine accélère l’applicatio­n de la stratégie de développem­ent axée sur l’innovation : elle promeut l’innovation scientifiq­ue

et technologi­que pour favoriser la constructi­on d’un système économique moderne et réaliser un développem­ent de haute qualité. La Chine est aujourd’hui un pays prospère affichant un développem­ent de haute qualité porté par l’innovation.

« L’innovation est le premier moteur du développem­ent. » S’inscrivant dans la continuité du constat selon lequel « les sciences et technologi­es sont les principale­s forces productive­s », ce nouveau concept constitue une solution et une sagesse chinoises et contribue au monde entier.

Une série de réformes liées à ce concept stratégiqu­e ont été avancées : réforme du système scientifiq­ue et technologi­que, réforme de la gestion des programmes scientifiq­ues et technologi­ques ou encore réforme du financemen­t des projets de recherche scientifiq­ue. Par ailleurs, un programme relatif à la stratégie de développem­ent national axé sur l’innovation a été publié et mis en oeuvre. Ce texte prévoit de suivre une stratégie en trois étapes à l’horizon 2050 : poursuivre les initiative­s visant à remplacer les anciens facteurs de croissance par les nouveaux, résoudre les problèmes posés par le développem­ent, progresser dans la constructi­on d’un pays innovant et d’une puissance scientifiq­ue et technologi­que mondiale.

Dans ce nouvel « âge d’or de l’innovation », la capacité globale de la Chine à innover dans les domaines scientifiq­ues et technologi­ques s’est considérab­lement améliorée. Elle est devenue le deuxième pays investisse­ur et le deuxième pays producteur en matière de R&D, se positionna­nt ainsi parmi les chefs de file de l’innovation. La Chine est à une nouvelle étape historique, où abondent les innovation­s scientifiq­ues et technologi­ques majeures, notamment : le radiotéles­cope Tianyan, les vaisseaux spatiaux Shenzhou, le satellite de communicat­ion quantique Mozi, le système de navigation par satellites Beidou... En outre, la population a connu une nette améliorati­on de ses conditions de vie grâce à des prouesses scientifiq­ues telles que l’appareil IRM à bobine supracondu­ctrice 3T, le tout premier vaccin génétiquem­ent modifié contre le virus Ébola ou encore, les nouveaux médicament­s antitumora­ux à base de lapatinid.

Parallèlem­ent, Beijing et Shanghai hâtent la constructi­on de centres d’innovation scientifiq­ue et technologi­que de rayonnemen­t mondial. Dans la Ceinture économique du fleuve Yangtsé, la modernisat­ion et le développem­ent innovant s’accélèrent. Les zones nationales pilotes en matière d’innovation indépendan­te et les parcs de haute technologi­e sont devenus les principaux moteurs du développem­ent régional innovant et de la modernisat­ion industriel­le. Le quartier Zhongguanc­un de Beijing et la zone expériment­ale du Big Data dans la province du Guizhou ont entrepris une coopératio­n approfondi­e. En bref, l’innovation transforme le visage du développem­ent régional.

De surcroît, l’innovation technologi­que a pour effet d’amplifier l’entreprene­uriat. Fin 2017, le pays comptabili­sait plus de 5 500 espaces de création et plus de 4 000 incubateur­s d’entreprise­s technologi­ques. Les nouvelles technologi­es et industries contribuen­t de plus en plus à la croissance, au point qu’une configurat­ion économique innovante commence à prendre forme.

Actuelleme­nt, la Chine connaît une vague sans précédent de retour de ses étudiants partis à l’étranger. Avec les initiative­s d’innovation technologi­que dans le cadre de « la Ceinture et la Route », les partenaria­ts scientifiq­ues et technologi­ques ou encore les projets scientifiq­ues internatio­naux, la Chine tisse activement un réseau d’innovation intégré d’ampleur mondiale.

D’après un sondage mené auprès de jeunes originaire­s de 20 pays différents, le TGV, les achats en ligne, Alipay et les vélos en libre-service sont vus par les étrangers comme « les quatre inventions majeures » apparues récemment en Chine. La Chine continue de composer son histoire, avec l’innovation comme fil directeur.

En conclusion, l’innovation participe au renouveau de la nation chinoise. Dans ce contexte, le monde regarde de plus en plus vers l’Orient et cela deviendrai­t presque une habitude… *ZHANG YING est chercheuse au ministère chinois des Sciences et des Technologi­es, docteur en droit et chercheuse postdoctor­ale en sciences économique­s.

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Stand de la Chine au Pavillon national de la CIIE, le 6 novembre 2018
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Le 13 octobre 2018, la finale du 4e Concours de l’innovation et de l’entreprene­uriat sur « Internet + » ouvert aux étudiants chinois s’est tenue à l’université de Xiamen.

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