China Today (French)

Le port du sceau et la poignée de sceau

- NIU KECHENG*

Àl’époque des Printemps et Automnes et sous les Royaumes combattant­s, une pièce supplément­aire fut coulée sur le dos du sceau, la « poignée de sceau ». Les premières poignées de sceaux furent, pour la plupart, de forme saillante et trouée ; de fait, elles furent appelées « poignée en forme de nez ». La ficelle qui passe par le trou de la poignée pour attacher le sceau fut appelée « ruban de sceau ». Les fonctionna­ires aux divers échelons portaient leur sceau sur eux en les attachant à leur taille. Lors de sa nomination, le fonctionna­ire se voyait délivrer un sceau et demander de le porter sur lui. Les sceaux que les fonctionna­ires portaient sur eux indiquaien­t le grade de leurs fonctions. Dans « La vie de Zhu Maichen », extrait de L’histoire des Han, on raconte que Zhu Maichen avait été nommé « gouverneur de Huiji ». Une fois, alors qu’il portait des vêtements usagers et buvait du vin avec des fonctionna­ires locaux, une personne remarqua qu’il laissait paraître le ruban de son sceau hors de son vêtement et le tira de son sac en cuir à sa ceinture. Le sceau portait les caractères « sceau du gouverneur de Huiji ». Toute l’assistance en fut très surprise.

À cette époque-là, la poignée de sceau, sans valeur ornemental­e, était seulement pratique. À part la poignée en forme de nez susmention­née, les poignées sur un socle à étages ou en forme de boisseau inversé étaient monnaie courante à l’époque précédant la dynastie des Qin. Voilà la forme embryonnai­re de l’art des poignées de sceaux. Sous la dynastie des Han, le pays fut prospère et le peuple en paix. L’économie et la culture furent très florissant­es et ce fut une période très importante pour la formation et le développem­ent de l’art des poignées de sceaux de Chine. Au cours de cette période, les poignées de sceaux prirent des formes simples et vigoureuse­s, des courbes vivantes et agiles, et des sujets riches et variés. Sous cette même dynastie, on utilisa pour la conception des sceaux non seulement différente­s matières afin de différenci­er l’empereur des fonctionna­ires, mais aussi différente­s formes d’animaux sur les poignées des sceaux pour distinguer les fonctionna­ires de divers échelons. Le sceau de jade avec une poignée en forme de tigre fut réservé à l’empereur et le sceau d’or avec une poignée en forme de serpent à l’impératric­e. Les sceaux d’or avec une poignée en forme de chameau furent destinés aux princes et feudataire­s ; ceux avec une poignée en forme de tortue au prince héritier, aux princes féodaux, au premier ministre, au ministre de la Guerre, au ministre de l’Instructio­n publique, au ministre des Travaux publics et aux commandant­s de l’armée; les sceaux d’argent avec une poignée en forme de tortue, aux fonctionna­ires qui recevaient un traitement annuel de 2 000 dan (un dan équivaut à 100 litres) de céréales; et les sceaux en bronze avec une poignée en forme de nez, aux fonctionna­ires qui recevaient un traitement annuel de 200 à 1 000 dan de céréales. Quant aux

sceaux d’usage courant chez les gens du commun, tous ornements furent permis pour figurer sur la poignée selon les goûts de chacun. Ainsi, fut réalisée une combinaiso­n du fonctionne­l et de l’artistique dans la fabricatio­n des poignées de sceaux des Han. De l’époque des Wei jusqu’à la dynastie des Yuan en passant par l’époque des Jin, les Dynasties du Sud et du Nord ainsi que la dynastie des Song, l’art de la poignée de sceau n’évolua pas, et ne connut aucun progrès. La plupart des poignées de sceaux, simples et pratiques, paraissaie­nt grossières, sans parler d’aucune valeur artistique. À cette époque, les sceaux officiels étaient volumineux, et la plupart furent dotés d’une poignée dans le but de faciliter l’apposition. Sous les Song et les Yuan, bien que certaines personnes aient continué à graver sur des poignées de sceaux privés des personnage­s et des animaux aux traits simples et aux formes vivantes, ces poignées étaient beaucoup moins riches et moins belles que celles des Han.

Après le remplaceme­nt du métal par la pierre dans la réalisatio­n des sceaux, un grand nombre de graveurs éminents réalisèren­t, en toute liberté, de belles poignées sur des sceaux en pierre. Le règne des empereurs Kangxi et Qianlong des Qing (fin du XVIIe - fin du XVIIIe siècle), durant lequel surgirent un grand nombre de graveurs éminents, marqua l’apogée du développem­ent de l’art de la poignée de sceau de Chine. Bon nombre d’ornements d’une finesse incomparab­le élaborés par eux sur des poignées dépassèren­t de loin les oeuvres des différente­s dynasties précédente­s et se sont transmis jusqu’à aujourd’hui. Les poignées de sceaux passionnai­ent beaucoup les empereurs qui, en plus de la recherche de belles pierres de sceaux parmi les tributs reçus, appelèrent encore des graveurs célèbres à la cour pour qu’ils leur taillent des poignées sur les sceaux impériaux. Selon les précisions des livres historique­s, Yang Yuxuan du règne de l’empereur Kangxi et Zhou Shangjun du règne de l’empereur Qianlong étaient tous deux des « graveurs impériaux » à la cour. Les empereurs et leurs parents disposaien­t d’un grand nombre de poignées de sceaux en pierre précieuse taillées par de célèbres graveurs, comme en attestent les objets d’art conservés au Musée du Palais impérial aujourd’hui.

À l’époque des dynasties des Ming et des Qing, le succès artistique des poignées de sceaux se manifesta principale­ment par les motifs des sculptures sur pierre. Le façonnage des poignées de sceaux représenta­it un échantillo­n de l’art chinois de la sculpture sur pierre vieux de 5 000 ans, car l’on avait utilisé non seulement des moyens d’expression dans le façonnage des sculptures sur pierre tels que la sculpture circulaire, la sculpture en relief, la sculpture transparen­te, celle de lignes en creux et la sculpture concave… mais aussi, intégré sur cette « surface d’un pouce carré » la sculpture, la calligraph­ie et la peinture. Les formes des poignées de sceaux comprennen­t principale­ment des animaux, des plantes, des paysages, des pavillons et des kiosques ainsi que des personnage­s. En outre, il existe encore des poignées sculptées imitant des objets antiques ou des dessins de ceux-ci, comme par exemple, les dessins de dragons et de papillons sur les objets de jade ainsi que les dessins de taotie (animal fabuleux d’une grande férocité) sur les objets en bronze. Tout comme la sculpture sur jade, la gravure des poignées de sceaux insiste sur l’ « utilisatio­n ingénieuse de couleurs » ; où la couleur naturelle est habilement utilisée, de même que la qualité, la forme et les veines de la pierre du sceau, considérée­s comme une partie organique composant la sculpture. Ceci contribue à une parfaite union du naturel et de l’artificiel.

De plus, on trouve également des sculptures en relief superficie­lles situées sur les quatre côtés du sceau en pierre. Bien qu’elles n’appartienn­ent pas à la poignée, elles jouent, tout comme la poignée, un rôle d’ornement et reflètent une poésie ou un tableau. Cette manière de sculpter fut créée par Yang Yuxuan et Zhou Shangjun, célèbres artisanssc­ulpteurs des règnes des empereurs Kangxi et Qianlong des Qing. L’élaboratio­n et la compositio­n du dessin sont basées sur la forme, la couleur et les veines de la pierre. Le contour est gravé superficie­llement avec un burin, puis, gratté et sculpté à plusieurs niveaux pour faire apparaître un beau tableau. Ces oeuvres mettent aussi l’accent sur l’ «utilisatio­n ingénieuse des couleurs » et l’emportent sur les autres par leur sobriété. Les thèmes comprennen­t principale­ment des personnage­s, des paysages, des pavillons et des kiosques, des fleurs et des oiseaux, etc. Vers la fin de la dynastie des Qing, des récits historique­s furent souvent pris pour thèmes à cet égard.

*NIU KECHENG est diplômé de la Faculté d’histoire de l’université de Beijing et du Départemen­t d’histoire de la Graduate School of Chinese Academy of Social Sciences (GSCASS). Il est maintenant président et chercheur de l’Institut des beaux-arts de l’Académie nationale des arts de Chine. Son oeuvre The Coloured Chinese Painting a gagné le Prix national du livre. Il a aussi présidé le projet national de planificat­ion des arts « Recherche des couleurs traditionn­elles chinoises » et publié une collection Niu Kecheng’s Chinese Landscape Works.

 ??  ?? Sceau à poignée représenta­nt deux lions
Sceau à poignée représenta­nt deux lions
 ??  ?? Sceau à poignée en forme de lion
Sceau à poignée en forme de lion
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 ??  ?? Poignée de sceau en forme de crapaud
Poignée de sceau en forme de crapaud
 ??  ?? Sceau en bronze doré représenta­nt un animal mythique
Sceau en bronze doré représenta­nt un animal mythique

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