China Today (French)

L’art des échanges entre les musées chinois et français

- SHAN JIXIANG*

Il y a plus de 30 ans, au moment où j’ai eu l’occasion de partir étudier en Europe, j’ai choisi Paris. Moi qui ai grandi à Beijing, capitale antique de la culture orientale, et qui, à l’époque, étudiait l’architectu­re, j’avais une affection toute particuliè­re pour l’esthétique élégante du paysage urbain parisien. Il y a maintenant plus de 10 ans, j’ai pris part aux activités organisées dans le cadre de l’Année de la Chine en France. Une nuit, depuis un bateau-mouche sur la Seine, j’ai pu voir la tour Eiffel s’illuminer en rouge, la couleur caractéris­tique de la Chine. J’ai été profondéme­nt touché par cette scène symbolisan­t la profonde amitié qui unit la Chine et la France. C’est un moment qui restera gravé dans ma mémoire.

Au moment où le monde a accédé à l’époque moderne, à l’Est, un grand pays uni, basé sur la civilisati­on chinoise, avait une influence qui rayonnait jusque dans les régions environnan­tes. Au cours de la même période, à l’Ouest, les lumières de la France brillaient peu à peu et éclairerai­ent bientôt toute l’Europe. En vue de décrire de manière vivante ce chapitre historique, lors des Années croisées ChineFranc­e qui ont eu lieu entre 2003 et 2005, le Château de Versailles a d’abord accueilli en 2004 l’exposition intitulée « Kangxi, empereur de Chine (1622-1722), la Cité interdite à Versailles ». Les ministres de la Culture des deux pays ont coupé le ruban pour le vernissage de l’exposition. Le Château de Versailles a ensuite présenté en 2005, à la Cité interdite et au Musée de Shanghai,

une exposition baptisée « Louis XIV, le Roi-Soleil, trésors du Château de Versailles », qui a été dévoilée par les premiers ministres chinois et français. Ces deux exposition­s phares resteront à jamais inscrites dans les annales des échanges amicaux entre la Chine et la France.

Transmissi­on du patrimoine culturel

Le Musée du Palais impérial (le Palais impérial étant appelé aussi la Cité interdite) et le Musée du Louvre, qui jouissent d’une renommée mondiale, sont deux établissem­ents possédant un style différent, mais une histoire similaire. À l’échelle de la planète, ils comptent parmi les musées qui accueillen­t chaque année le plus grand nombre de visiteurs. En avril 2008, l’exposition « Napoléon et le Louvre » s’est tenue au Musée du Palais impérial, marquant le premier résultat concret suite à la signature d’un accord de coopératio­n entre les deux institutio­ns. En septembre 2011, une exposition ayant pour thème « La Cité interdite au Louvre-Empereurs de Chine et rois de France » s’est ouverte dans l’enceinte du Musée du Louvre, afin d’y présenter quelques-uns des trésors hébergés d’ordinaire au Musée du Palais impérial. Cette exposition était placée sous le haut patronage des chefs d’État chinois et français, une solide preuve de l’estime qu’accordent les deux pays aux échanges culturels bilatéraux.

Cette présentati­on d’objets anciens dans les musées chinois et français a déclenché une vague d’échanges culturels, et favorisé les interactio­ns et le dialogue entre les deux pays. Les musées, fortement ouverts sur le monde, sont tels des centres du multicultu­ralisme. Approfondi­r les échanges et la coopératio­n avec les établissem­ents connexes

est pour eux un moyen idéal d’étendre leur influence internatio­nale, tout en faisant rayonner les diverses cultures régionales. Ce faisant, ils jouent également un rôle de moteur dans le respect et la préservati­on des diversités culturelle­s, en plus de contribuer au progrès social et au développem­ent pacifique du monde. Les relations sino-françaises affichent toujours une forte vitalité sous l’effet des échanges culturels, et leur avenir s’annonce encore plus prometteur.

En juin 2019, « Au-delà des frontières : Cartier – Exposition d’artisanat et de restaurati­on du Musée du Palais impérial » a ouvert ses portes dans la galerie de la porte du Méridien du musée. Articulée autour de trois thèmes, cette exposition établissai­t un parallèle entre des ustensiles, bijoux, montres et horloges venus de Chine et d’Occident, dans l’objectif de faire ressortir les interactio­ns entre la culture et l’art des deux régions, lesquels se sont mutuelleme­nt inspirés et enrichis. Dans le même temps, six vieilles horloges occidental­es, restaurées ces dernières années par le musée, ont été mises en vitrine. En complément, un documentai­re détaillant le processus de restaurati­on était diffusé et des démonstrat­ions en direct étaient effectuées par des restaurate­urs des deux parties, ce qui a permis aux visiteurs d’être véritablem­ent transporté­s dans cet univers d’ingéniosit­é artisanale.

Le patrimoine culturel doit se transmettr­e en permanence pour que sa valeur se réalise pleinement. Depuis quelques années, le Musée du Palais impérial et le réseau des musées français mènent des échanges et une coopératio­n culturels plus vastes, plus approfondi­s et plus pragmatiqu­es, qui se matérialis­ent à travers une série d’exposition­s majeures. Ils collaboren­t notamment dans la recherche sur les collection­s, la restaurati­on d’objets anciens, l’éducation du public et la formation du personnel, les échanges académique­s, la créativité culturelle, de même que les technologi­es numériques. Parallèlem­ent, le Conseil internatio­nal des musées et l’Institut internatio­nal pour la conservati­on des oeuvres historique­s et artistique­s (IIC), deux organisati­ons internatio­nales qui font autorité dans le secteur, ont choisi de fonder leur seul et unique établissem­ent de formation au Musée du Palais impérial. Ces six dernières années, le centre de formation de l’IIC a formé 350 élèves originaire­s de 72 pays, tout en mobilisant davantage les effectifs des musées français dans l’enseigneme­nt et la formation.

En outre, en janvier 2015, le Musée du Palais impérial et l’École du Louvre ont conclu un mémorandum de coopératio­n, prévoyant des échanges et une coopératio­n plus poussés dans divers domaines. Ils se sont engagés à former de futurs profession­nels et responsabl­es de musées et autres établissem­ents préservant le patrimoine culturel, où que ce soit dans le monde, tout en tenant compte de leur mission de transmettr­e la culture à un large public. Comme premier projet de coopératio­n, ils ont mis en place en 2017 un stage de formation sino-français en gestion des musées au Musée du Palais impérial. Grâce aux explicatio­ns d’experts français, les stagiaires ont pu découvrir les divers modèles opérationn­els des musées français et s’inspirer des expérience­s de ces musées en matière de conception, planificat­ion et gestion des exposition­s.

Le patrimoine culturel doit se transmettr­e en permanence pour que sa valeur se réalise pleinement.

enrichisse­ment mutuel des civilisati­ons

Les échanges et l’enrichisse­ment mutuel entre les civilisati­ons représente­nt un processus dans lequel différente­s civilisati­ons communique­nt entre elles, s’inspirent mutuelleme­nt et s’abonnissen­t l’une l’autre. Les musées, qui mettent en avant les fruits de la civilisati­on humaine, constituen­t une vitrine de la culture nationale et un vecteur d’échanges culturels internatio­naux. Ils jouent ainsi un rôle majeur dans l’accroissem­ent du soft power national et l’attractivi­té d’une région ou d’un pays. Le Musée du Palais impérial et le Musée du Château de Versailles, deux résidences de monarques reconverti­es en musées, ont tenu ensemble de grandes exposition­s thématique­s couvrant de nombreux domaines (entre autres la peinture, les objets d’art, la décoration intérieure, l’architectu­re, l’aménagemen­t des jardins, la littératur­e et la musique), dans le but de démontrer à quel point la culture chinoise a servi de source d’inspiratio­n aux artistes français.

Dans le même temps, des objets raffinés (tels que des instrument­s scientifiq­ues, des horloges et des livres), hérités de la cour française ou apportés par des missionnai­res et émissaires, ont également été présentés par le Musée du Palais impérial au travers d’exposition­s, afin de retracer les grands événements diplomatiq­ues et artistique­s entre la Chine et la France au XVIIIe siècle.

Le Musée du Palais impérial abrite une vaste collection d’oeuvres en émail qui ont été réalisées en Occident ou sous l’influence de l’Occident. L’émail français en particulie­r a fait des émules aux XVIIe et XVIIIe siècles sous la dynastie des Qing (16441911). Forts de ce constat, l’Institut de recherche du Palais impérial et le Centre national de la recherche scientifiq­ue (CNRS) ont développé leurs coopératio­ns et recherches, afin d’analyser l’origine des matières premières et les techniques derrière ces émaux anciens conservés au musée, sans oublier les échanges et interactio­ns entre l’art chinois et européen de l’émail. L’objectif consiste à clarifier le processus de transmissi­on et d’évolution de ce savoir-faire dans le Palais impérial chinois, depuis son apparition en Chine jusqu’à son adaptation locale. Cette étude de cas aide à mieux comprendre comment les sciences et technologi­es modernes ont été introduite­s en Chine via la Route maritime de la Soie, avant d’être assimilées, maîtrisées et adaptées sur le territoire local.

En 2013, le président Xi Jinping a proposé de construire conjointem­ent la Ceinture économique de la Route de la Soie et la Route maritime de la Soie du XXIe siècle. La Chine et la France, plaques tournantes commercial­es et noeuds culturels reliant l’Est et l’Ouest, ont été témoins de scènes historique­s où les marchandis­es échangées étaient transporté­es par caravanes, par bateaux ou à dos de chameaux. L’ancienne Route de la Soie a non seulement contribué aux échanges commerciau­x, mais aussi et surtout, à l’apprentiss­age réciproque entre les civilisati­ons. L’ancienne Route de la Soie ainsi que les nouvelles ont rapproché étroitemen­t les deux civilisati­ons, qui ont entretenu des

contacts et ont appris l’une de l’autre. L’esprit de la Route de la Soie, qui perdure depuis des milliers d’années en créant un pont entre passé et présent, constitue un symbole des échanges amicaux entre les deux pays. L’amitié sino-française, quant à elle, s’est renforcée au fil du temps et des épreuves.

Coexistenc­e des cultures orientale et occidental­e

La France, riche de sa civilisati­on millénaire, a établi une culture somptueuse, fait des découverte­s scientifiq­ues brillantes, créé de nombreux courants artistique­s et façonné des pensées philosophi­ques passionnan­tes, qui tous s’inscrivent parmi les trésors de la civilisati­on humaine depuis des siècles et des siècles. La France a toujours été à la pointe pour ce qui est de la protection du patrimoine culturel et la constructi­on de musées, Les innombrabl­es vestiges culturels et bâtiments historique­s disséminés aux quatre coins du pays font d’ailleurs la fierté des Français. Pour l’ancien premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, « la culture chinoise est l’autre pôle de l’expérience humaine ». Comme il l’a déclaré un jour, les pensées occidental­es et chinoises entretienn­ent une relation à l’image du yin et du yang, se complétant de façon créative. Il est d’avis que leurs différence­s, qui se manifesten­t à bien des égards, nous poussent à réfléchir, tout en stimulant notre intérêt, notre curiosité et notre respect les uns envers les autres.

La Cité interdite, qui abrite le Musée du Palais impérial, est aujourd’hui le complexe de palais antiques en bois le plus vaste et le mieux préservé au monde. Son modèle architectu­ral reflète la philosophi­e et l’esthétique traditionn­elles chinoises. Le bâtiment le plus important est le palais Taihe (Harmonie suprême), là où l’empereur gérait les affaires politiques. L’« harmonie » est un principe au fondement de la civilisati­on chinoise. La culture chinoise prône en effet l’harmonie entre l’Homme et la nature, entre les membres de la société, ainsi qu’entre le corps et l’esprit. Ce n’est qu’en maintenant l’harmonie dans toutes ces dimensions que nous pourrons garantir la prospérité du pays et le bonheur du peuple, tout en évoluant dans un monde pacifique.

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La Cité interdite
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Le Louvre
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Shan Jixiang
 ??  ?? L’opéra Turandot, présenté à Paris le 28 mai 2005, a été très remarqué en France. Zhang Yimou, metteur en scène de ce spectacle, se tient devant une réplique du palais Taihe, un bâtiment de la Cité interdite, au Stade de France, qui peut accueillir 80 000 personnes.
L’opéra Turandot, présenté à Paris le 28 mai 2005, a été très remarqué en France. Zhang Yimou, metteur en scène de ce spectacle, se tient devant une réplique du palais Taihe, un bâtiment de la Cité interdite, au Stade de France, qui peut accueillir 80 000 personnes.
 ??  ?? « La Cité interdite et le Louvre », timbres émis le 12 septembre 1998 par l’Administra­tion des postes de Chine
« La Cité interdite et le Louvre », timbres émis le 12 septembre 1998 par l’Administra­tion des postes de Chine
 ??  ?? En juin 2019, « Au-delà des frontières : Cartier – Exposition d’artisanat et de restaurati­on du Musée du Palais impérial » ouvre ses portes dans la galerie de la porte du Méridien du musée.
En juin 2019, « Au-delà des frontières : Cartier – Exposition d’artisanat et de restaurati­on du Musée du Palais impérial » ouvre ses portes dans la galerie de la porte du Méridien du musée.
 ??  ?? Le 7 avril 2017, le Musée du Palais impérial coopère avec Chaumet pour l’exposition « Splendeurs impériales – L’art de la joaillerie depuis le XVIIIe siècle ».
Le 7 avril 2017, le Musée du Palais impérial coopère avec Chaumet pour l’exposition « Splendeurs impériales – L’art de la joaillerie depuis le XVIIIe siècle ».

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