China Today (French)

Traverser 3 000 ans à travers l’ossécaille

- HUANG LIWEI*

Un fragment d’os oraculaire avait fait sensation dans le monde il y a 120 ans. En 1899, Wang Yirong (1845-1900), un expert en épigraphie chinoise, avait réalisé que les inscriptio­ns sur le plastron ventral de tortue et l’omoplate de boeuf – qui étaient broyés pour servir de médecine traditionn­el chinoise – étaient en fait un texte ancien. L’écriture ossécaille avait ainsi refait surface après des milliers d’années d’oubli.

L’ossécaille a non seulement fourni des informatio­ns précieuses sur la société de la dynastie des Shang (1600-1046 av. J.-C.), mais a également eu une influence sur l’univers spirituel des Chinois, de même que sur les traits caractéris­tiques de la culture chinoise. Pour célébrer le 120e anniversai­re de la découverte de l’ossécaille, il convient de rendre hommage aux génération­s de chercheurs qui ont exploré ce patrimoine culturel millénaire de la civilisati­on chinoise.

Projecteur­s sur une ancienne dynastie

Le berceau des os oraculaire­s se trouve à Yinxu (« Les ruines Yin »), près de la ville d’Anyang, dans la province du Henan, qui a été la capitale à la fin de la dynastie des Shang. Il y a plus de 3 000 ans, le roi Pan Geng des Shang a installé la capitale en ce lieu, abritant 12 rois sur huit génération­s pendant 254 ans jusqu’à la chute de la dynastie. La dynastie suivante, celle des Zhou (1046-256 av. J.-C.), a abandonné la capitale, qui est tombée en ruines, inspirant son nom actuel de Yinxu.

Yinxu se déploie sur 36 km2. Des fouilles archéologi­ques ont mis au jour les vestiges d’un

Le berceau des os oraculaire­s se trouve à Yinxu (« Les ruines Yin »), près de la ville d’Anyang, dans la province du Henan, qui a été la capitale à la fin de la dynastie des Shang.

palais, d’un temple, de tombes impériales, de rues commercial­es et d’ateliers d’artisanat. « Soudain, la dynastie des Shang est lentement sortie de sa tombe », s’est exclamé Tang Jigen, ancien chef de l’équipe archéologi­que de Yinxu. « Mon imaginatio­n était débordante : le roi Wu Ding et sa reine Fu Hao marchaient côte à côte, les devins accompliss­aient des actes de divination, les soldats s’entrainaie­nt et le rituel du sacrifice se déroulait comme prévu. En dehors de la zone du palais, des chars circulaien­t sur des routes qui se croisaient. Les piétons s’affairaien­t dans les rues. Non loin de là, sur la rive sud d’un canal, les étincelles des ateliers de coulée de bronze jaillissai­ent. »

La descriptio­n de M. Tang n’est pas seulement de l’imaginatio­n car elle repose sur les résultats fructueux des fouilles archéologi­ques dans cette ville antique au fil des ans.

Comparés aux écrits sur le bronze, les feuillets de bambou et la soie, l’ossécaille a été la dernière à sortir de l’ombre, mais cela aura été la plus sensationn­elle des découverte­s. En octobre 1928, le célèbre archéologu­e Dong Zuobin a effectué les premiers travaux sur le terrain à Yinxu. Au cours des 10 années suivantes, les archéologu­es ont réalisé 15 campagnes de fouilles. La fouille la plus gratifiant­e a eu lieu en

1936 lorsque la grotte YH127 a été découverte avec 17 096 fragments d’os oraculaire­s à l’intérieur – huit écrits sur les omoplates de boeuf et les autres sur des plastrons de tortue. Il s’agit de la plus grosse prise jamais réalisée en une seule fouille.

Avec les fouilles complètes de Yinxu, les ruines de l’ancienne capitale et la splendide culture de la dynastie des Shang ont été dévoilées au monde. Au musée de Yinxu se trouvent de nombreux récipients, plats, pots à vin, armes, objets en jade et outils en bronze datant de plus de 3 000 ans. La plupart des inscriptio­ns sur les os oraculaire­s étaient utilisées pour la divination, mais d’autres l’ont été pour conserver des récits. Les descendant­s ont beaucoup appris sur la dynastie des Shang grâce à ces écrits, notamment la maladie d’un roi, les rêves d’un roi et même un accident de la circulatio­n. L’ossécaille a mis en lumière une grande dynastie célèbre et mystérieus­e, la ramenant à la vie.

Des racines culturelle­s profondes

Anyang n’est pas seulement le lieu de naissance des os oraculaire­s, mais c’est aussi la source de l’archéologi­e chinoise. À côté du musée de Yinxu,

L’ossécaille a exercé une influence considérab­le sur les valeurs, la philosophi­e et l’esthétique chinoises.

la station Anyang de l’Institut d’archéologi­e de l’Académie des sciences sociales de Chine a été construite autour du premier site de fouille de l’institut archéologi­que national chinois. Les travaux de la station ont non seulement mis à jour l’ancienne dynastie, mais également jeté des bases solides pour l’archéologi­e chinoise en termes de théorie, de méthodes et de techniques.

En 2001, lorsque Yinxu a demandé à être inscrit sur la liste du patrimoine culturel mondial, Anyang a proposé de construire un musée consacré à l’écriture chinoise. Le 16 novembre 2009, le Musée national de l’écriture chinoise a ouvert ses portes au public. « L’écriture chinoise a sa place ici », a remarqué Feng Qiyong, premier directeur du musée.

Regroupant les premiers caractères chinois découverts à ce jour, l’ossécaille est considéré comme l’un des quatre systèmes d’écriture anciens les plus célèbres au monde avec le cunéiforme de la civilisati­on mésopotami­enne, le hiéroglyph­e d’Égypte et l’écriture halal en Inde. Mais seul l’ossécaille a survécu à travers les âges et est devenu l’écriture chinoise d’aujourd’hui. Le système d’écriture de haut en bas et de droite à gauche sur les os oraculaire­s s’est maintenu sans interrupti­on jusqu’au XXe siècle, lorsque l’influence occidental­e a conduit à un changement de style d’écriture horizontal.

L’ossécaille a exercé une influence considérab­le sur les valeurs, la philosophi­e et l’esthétique chinoises. « L’écriture chinoise est un symbole de l’héritage de la culture chinoise », a déclaré le président chinois Xi Jinping. « L’écriture ossécaille a plus de 3 000 ans. Au cours des trois derniers millénaire­s, la structure des caractères chinois est restée cohérente. Cet héritage représente un véritable gène culturel de la nation chinoise. »

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Connue pour être le berceau des os oraculaire­s, la ville d’Anyang (province du Henan) a été la capitale de la fin de la dynastie des Shang (1600-1046 av. J.-C.). Sur la photo, le site d’origine de son palais impérial et de son temple ancestral.
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 ??  ?? Le 29 décembre 2019, un enfant expériment­e l’interactio­n numérique sur l’écriture ossécaille au cours d’une exposition sur l’ossécaille au Musée national à Beijing, et imite des caractères de bon augure.
Le 29 décembre 2019, un enfant expériment­e l’interactio­n numérique sur l’écriture ossécaille au cours d’une exposition sur l’ossécaille au Musée national à Beijing, et imite des caractères de bon augure.
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 ??  ?? Des os oraculaire­s au Musée de Yinxu à Anyang, dans la province du Henan
Des os oraculaire­s au Musée de Yinxu à Anyang, dans la province du Henan
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Le mausolée impérial de Yinxu est considéré comme comparable aux pyramides par les archéologu­es du monde entier.
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Les reliques de la fosse aux chevaux et aux chars de Yinxu montrent la puissance militaire de la dynastie des Shang et prouvent que la Chine est l’un des premiers pays à avoir inventé le char.

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