China Today (French)

Trois questions risquant de perturber les relations Chine-UE

La Chine se classe au-dessous de la 80e place dans l’Indice de développem­ent humain et est loin derrière les pays développés.

- WANG YI*

La Chine voit toujours l’Europe d’un point de vue positif et constructi­f. Nous considéron­s l’Europe comme un important partenaire de coopératio­n, ainsi que comme une des priorités de notre agenda diplomatiq­ue. Nous pensons que l’Europe constitue un pôle important dans ce monde multipolai­re, et qu’une Europe prospère et stable contribue au développem­ent et au progrès de l’humanité. La Chine a toujours fermement soutenu l’intégratio­n européenne, une Union européenne unie et forte, et un rôle plus important de l’Europe dans les affaires internatio­nales. Au fil des années, les pays de l’UE et l’UE en tant qu’organisati­on ont globalemen­t suivi une politique positive vis-à-vis de la Chine, et ont travaillé ensemble avec celle-ci pour promouvoir la coopératio­n dans tous les domaines. En Europe, il existe cependant des divergence­s d’opinion au sujet de la Chine, qui se résument principale­ment à trois grandes questions. Si ces problèmes de perception ne sont pas résolus, ils risquent de perturber inutilemen­t le futur développem­ent des relations Chine-UE.

La Chine est-elle un pays développé ou en voie de développem­ent ?

Ces dernières années, avec la croissance rapide de l’économie chinoise, certains amis d’Europe ont tendance à voir la Chine comme déjà dans les rangs des pays développés et ont commencé à juger la Chine selon les normes correspond­antes. Certains vont même jusqu’à exiger la réciprocit­é à chaque occasion. Permettez-moi de faire une analogie avec une course de 100 m. Une partie, qui a déjà 50 m d’avance, demande la réciprocit­é avec son concurrent, qui est toujours debout sur la ligne de départ. De toute évidence, une telle demande n’est pas raisonnabl­e. Naturellem­ent, s’il s’agit d’un marathon beaucoup plus long, le retardatai­re peut avoir une chance de rattraper son retard en courant très vite.

Je voudrais vous dire que la Chine reste en effet un pays en développem­ent. Bien que la Chine soit désormais la deuxième économie du monde, notre PIB par habitant ne correspond qu’à un sixième de celui des États-Unis et à un quart de celui de l’UE. La Chine se classe au-dessous de la 80e place dans l’Indice de développem­ent humain et est loin derrière les pays développés dans les domaines de la science, de la technologi­e et de l’éducation. Un développem­ent déséquilib­ré et insuffisan­t reste un défi majeur pour la Chine, dont le processus

d’industrial­isation n’est pas encore achevé. Il serait donc « non réciproque » de demander la réciprocit­é entre un pays qui ne se développe que depuis quelques décennies et des pays qui se développen­t depuis des siècles.

Un ancien poème chinois dit : « C’est une chaîne de montagnes vue de face et des pics vus de côté, différente­s formes se manifestan­t sous différents angles. » Ces vers signifient essentiell­ement que des choses observées sous différents angles conduiront à des conclusion­s différente­s. Quand nous voyons la Chine sous la perspectiv­e objective des pays en développem­ent, ce que nous voyons est un paysage splendide des réalisatio­ns de la Chine. La Chine a non seulement réalisé d’énormes progrès dans son propre développem­ent, mais a également apporté des contributi­ons bien plus importante­s au monde que de nombreux autres pays. Prenons l’exemple de l’économie : la Chine a contribué à plus de 30 % de la croissance mondiale pendant plus de dix années consécutiv­es, servant de moteur principal de l’économie mondiale. En termes d’ouverture, la Chine a plus que rempli ses engagement­s dans le cadre de l’OMC et a réduit le taux de droits de douane moyen à 7,5 %, dépassant tous les autres grands pays en développem­ent et se rapprochan­t du niveau des pays développés. Sur la facilité de faire des affaires, la Chine est passée à la 31e place dans le classement de la Banque mondiale, gagnant 47 places au cours des deux dernières années, ce qui en fait l’économie la plus performant­e dans l’améliorati­on de son environnem­ent des affaires. En ce qui concerne la réduction des émissions et la protection de l’environnem­ent, la Chine a contribué à plus de 25 % de l’augmentati­on des zones reboisées mondiales au cours des 20 dernières années. En 2018, la Chine a réduit son intensité carbone de 45,8 % par rapport au niveau de 2005, respectant ainsi ses engagement­s internatio­naux avant la date fixée. En ce qui

concerne la coopératio­n internatio­nale, la Chine est désormais le deuxième plus grand contribute­ur au budget ordinaire et au budget du maintien de la paix de l’ONU et le plus grand contribute­ur de Casques bleus parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Pourquoi un pays en développem­ent aussi important, en croissance rapide et contribuan­t de plus en plus au progrès humain, ne devrait-il pas être accueilli et apprécié par l’Europe et la communauté internatio­nale ?

La Chine est-elle un partenaire ou un rival ?

Ces dernières années, nous avons entendu une opinion prétendant que la Chine est devenue un rival de l’Europe dans le domaine économique et devrait être soumise à toutes sortes de restrictio­ns. Bien que ce ne soit pas l’opinion dominante, nous devons accroître notre vigilance et ne pas la laisser faire tache d’huile. En fait, toute personne gardant la tête froide et ayant une vision objective verra que, pour la Chine et l’UE, la coopératio­n l’emporte de loin sur la concurrenc­e et dans de nombreux domaines les consensus que nous avons atteints dépassent de loin nos divergence­s. Nous sommes des partenaire­s, pas des rivaux.

Au fil des ans, l’Europe a énormément bénéficié de la coopératio­n avec la Chine. Entre 2001 et 2018, les exportatio­ns de l’UE vers la Chine ont augmenté de 14,7 % en moyenne chaque année, soit plus du double de la croissance moyenne des exportatio­ns de l’UE, soutenant environ quatre millions d’emplois locaux. Les investisse­ments d’entreprise­s chinoises dans l’UE ont également augmenté. Fin 2017, les entreprise­s chinoises

avaient créé plus de 2 900 entreprise­s dans les pays de l’UE grâce à des investisse­ments directs, créant 176 000 emplois pour les population­s locales. L’acquisitio­n de Volvo par le constructe­ur automobile chinois Geely a injecté de nouvelles énergies à l’usine Volvo de Gand, en Belgique, en conservant ou créant plus de 6 000 emplois. La Chine est désormais le marché le plus rentable pour les entreprise­s européenne­s. Jusqu’à sept millions de voitures, soit près d’un quart de toutes les voitures vendues en Chine, sont produits par les constructe­urs automobile­s européens. Même avec l’intensific­ation des frictions commercial­es entre la Chine et les États-Unis et l’aggravatio­n de la pression à la baisse sur l’économie mondiale, la coopératio­n économique et commercial­e entre la Chine et l’UE a inversé la tendance et a continué de croître. Selon les statistiqu­es, au cours des 11 premiers mois de 2019, les échanges commerciau­x entre la Chine et l’UE ont augmenté de 7,7 % par rapport à la même période de l’année précédente. De janvier à juillet 2019, les investisse­ments de l’UE en Chine ont augmenté de 18,3 % sur un an. 60 % des entreprise­s de l’UE considèren­t la Chine comme la première destinatio­n de leurs investisse­ments. Malgré divers facteurs en jeu, la Chine, en tant que grand pays en développem­ent avec 1,4 milliard d’habitants, une force de travail de 900 millions d’habitants et 120 millions d’acteurs sur le marché, a une dynamique de croissance interne solide, une grande résilience et un énorme potentiel économique. La Chine offrira certaineme­nt un nouveau cycle de possibilit­és de coopératio­n et de dividendes du développem­ent en faveur des pays européens.

Dans sa coopératio­n avec l’Europe, la Chine a toujours respecté les préoccupat­ions de l’Europe. Par exemple, au cours de sa coopératio­n avec les PECO, elle défend l’idée d’ouverture, de transparen­ce et d’inclusion ainsi que le principe d’égalité, de bénéfice mutuel et de résultats gagnant-gagnant. Cette coopératio­n suit les règles du marché et les normes de l’UE et contribue à l’unité et à la stabilité de l’UE dans son ensemble. La coopératio­n mutuelleme­nt bénéfique entre la Chine et les PECO est un complément utile aux relations Chine-UE et favorise un développem­ent équilibré et le processus d’intégratio­n en Europe.

La Chine est-elle un pays ami aspirant à une coexistenc­e harmonieus­e, ou une menace dans un contexte de jeu à somme nulle ?

La Chine et l’UE ont des systèmes sociaux, des voies de développem­ent, des valeurs et des concepts différents. Pourtant, ces différence­s ne doivent pas devenir des obstacles à nos échanges et à notre coopératio­n. Encore moins devraiente­lles justifier les tentatives de considérer l’autre partie comme une menace, de s’immiscer dans les affaires d’autrui ou même de chercher à remodeler les autres à son image. Comme le dit un dicton bien connu en Europe, « Tous les chemins mènent à Rome. » Confucius a dit quelque chose de similaire il y a 2 500 ans, « Tous les êtres et toutes les choses du monde vont de pair. Il en est de même pour les voies à emprunter. » Le monde dans lequel nous vivons est varié et coloré. Chaque pays a le droit de choisir la voie de développem­ent adaptée à ses propres conditions nationales.

La Chine respecte l’Europe et apprécie ses réalisatio­ns. Nous ne nous immisçons jamais dans les affaires intérieure­s de l’Europe. De même, nous espérons que l’Europe respectera également la Chine et appréciera les choix faits par le peuple chinois. L’année 2019 marque le 70e anniversai­re de la fondation de la Chine nouvelle. Au cours des dernières décennies, nous avons accompli un parcours qui a pris cent ans, voire des siècles, aux pays développés. Nous y sommes arrivés parce que nous avons trouvé la voie du socialisme à la chinoise sous la direction du Parti communiste chinois. C’est une voie vers le développem­ent, le succès, la paix et des résultats gagnant-gagnant. Tout en accélérant notre propre développem­ent, nous avons également contribué au développem­ent commun de nos partenaire­s de coopératio­n. Comme l’a si bien dit le président Herman Van Rompuy, « la direction est plus importante que la vitesse ». Puisque la direction est la bonne, pourquoi la Chine devrait

60 % des entreprise­s de l’UE considèren­t la Chine comme la première destinatio­n de leurs investisse­ments.

elle changer de cap ? Puisqu’elle sert les intérêts de tous, pourquoi la Chine devrait-elle être remodelée ?

Quant aux droits de l’Homme, ce sont les citoyens du pays qui sont le mieux placés pour juger de la situation des droits de l’Homme dans ce pays. La véritable valeur de l’universali­té des droits de l’Homme ne peut être réalisée que lorsqu’elle s’associe aux besoins spécifique­s de différents pays. Au cours des sept décennies après la fondation de la Chine nouvelle, notre pays a accompli des progrès historique­s dans sa cause des droits de l’Homme. Nous avons sorti 850 millions de personnes de la pauvreté, contribuan­t à plus de 70 % des progrès mondiaux dans la réduction de la pauvreté, et avons atteint le premier objectif du Programme de développem­ent durable à l’horizon de 2030 dix ans avant la date prévue. En 2020, pour la première fois de l’histoire, la Chine éliminera la pauvreté absolue dans tout le pays. La Chine a fourni des emplois à 770 millions de ses habitants. Elle a satisfait aux besoins de base de 250 millions de personnes âgées, 85 millions de personnes handicapée­s et plus de 60 millions de résidents urbains et ruraux vivant des minima sociaux. Dans ce processus, la Chine a mis en place les plus grands systèmes d’éducation, de sécurité sociale, de soins médicaux et d’institutio­ns démocratiq­ues aux échelons de base dans le monde. En Chine, il y a 850 millions d’utilisateu­rs d’Internet et plus d’un milliard d’utilisateu­rs des nouveaux médias. Tous les Chinois jouissent de la liberté d’expression conforméme­nt à la Constituti­on. Selon une enquête du Pew Research Center, en 2019, la Chine arrive en tête du classement mondial en termes de satisfacti­on à l’égard des performanc­es du gouverneme­nt, avec plus de 86 % des Chinois interrogés exprimant leur satisfacti­on, bien au-dessus de la médiane mondiale de 47 %.

La véritable valeur de l’universali­té des droits de l’Homme ne peut être réalisée que lorsqu’elle s’associe aux besoins spécifique­s de différents pays.

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 ??  ?? Le 16 avril 2019, dans l’entrepôt logistique de la société Yuxin’ou (Chongqing) Logistics à Duisburg, en Allemagne, Gan Yuchen (g.), directeur commercial de l’entreprise, discute avec un employé.
Le 16 avril 2019, dans l’entrepôt logistique de la société Yuxin’ou (Chongqing) Logistics à Duisburg, en Allemagne, Gan Yuchen (g.), directeur commercial de l’entreprise, discute avec un employé.
 ??  ?? Le 4 juillet 2019, au terminal portuaire de la mer du Nord à Gand, en Belgique. Des Volvo «Made in China» empruntent la liaison de fret ferroviair­e Chine-Europe « Chang’an » vers l’Europe.
Le 4 juillet 2019, au terminal portuaire de la mer du Nord à Gand, en Belgique. Des Volvo «Made in China» empruntent la liaison de fret ferroviair­e Chine-Europe « Chang’an » vers l’Europe.
 ??  ?? Défilé de mode lors de la Fashion Week Chine-Europe à Budapest, en Hongrie, le 9 novembre 2019
Défilé de mode lors de la Fashion Week Chine-Europe à Budapest, en Hongrie, le 9 novembre 2019
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La 3e session du Forum de Paris sur l’initiative « la Ceinture et la Route » s’est déroulée le 19 décembre 2019.

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