China Today (French)

La « Déesse » américaine

- CARRIE FEYERABEND*

Après avoir appris l’espagnol à l’école secondaire, j’ai voulu apprendre une langue plus difficile quand je suis entrée à l’université, c’est la raison pour laquelle j’ai commencé à apprendre le chinois. Xue Yinghan, qui enseignait le chinois à l’institut Confucius de l’opéra chinois (ICOC) à l’université de Binghamton, m’avait encouragée, après s’être aperçu que j’aimais bien chanter, à participer au concours « Pont vers le chinois » (un concours internatio­nal de chinois réservé aux étudiants étrangers), et m’avait enseignée la chanson Qianmen Qingsi Dawancha. C’est une chanson très descriptiv­e avec beaucoup de paroles et qui porte en elle les traits distinctif­s de Beijing. Elle était un défi pour moi, mais j’ai fini par réussir à la chanter. Au printemps de 2011, je suis allée à New York pour participer au concours « Pont vers le chinois » dans le groupe de niveau élémentair­e de la région de l’Est des États-Unis.

La région de l’Est des États-Unis comprend dix États où se trouvent de nombreuses université­s célèbres dont toutes les université­s de la « Ivy League », le niveau était donc très élevé. De plus, comme le groupe de niveau élémentair­e était ouvert aux apprenants des deux premières années, certains participan­ts apprenaien­t le chinois depuis deux ans, alors que moi, je n’étais qu’une étudiante de première année. Cependant, je n’ai pas reculé devant la difficulté, mon discours et ma chanson ont été appréciés par le jury et j’ai gagné finalement la seconde place.

Ce premier succès a accru mon intérêt pour l’apprentiss­age du chinois et m’a encouragée à choisir le chinois et l’espagnol comme spécialité de double licence. Lors de ma deuxième année d’études, j’ai pris le cours « apprendre le chinois en chantant » donné par la professeur­e Zhang Hong, chanteuse mezzo-soprano très connue qui avait formé beaucoup d’étudiants lauréats. C’est sous la direction de Mme Zhang que j’ai fait des progrès rapides sur la fluidité de la parole et l’expression du chant, et que j’ai pu apprendre à chanter, en fonction des caractères de ma voix, la chanson Sinian de Mao Amin (chanteuse chinoise), avec laquelle j’ai gagné la première place dans le groupe de niveau élémentair­e de la zone de New York au concours « Pont vers le chinois ».

En 2013, j’ai fait un échange à l’Académie nationale des arts de l’opéra chinois, au cours duquel j’ai eu l’occasion d’apprendre en même temps

le chinois, l’opéra de Pékin ainsi que d’autres arts du spectacle. Wang Chan, étudiante au master du Départemen­t du spectacle, a été spécialeme­nt invitée par l’académie pour m’enseigner un extrait de Tiannü Sanhua (Déesse jonchant la terre de fleurs de bonheur), une pièce d’opéra de Pékin du style de Mei Lanfang (maître de l’opéra de Pékin).

En tant qu’art traditionn­el ancien et profond, l’opéra de Pékin est déjà très difficile à comprendre pour la plupart des Chinois, il est donc plus ardu pour une Américaine de le représente­r ! Il a fallu prendre beaucoup de temps pour apprendre et pratiquer la façon de prononcer et les gestes corporels typiques de l’opéra de Pékin. L’accessoire principal de Tiannü Sanhua est un long ruban en couleurs de 14 m, qui est utilisé pour montrer cette histoire. Cela m’a causée des difficulté­s. Au début de l’apprentiss­age de la technique de prise du ruban, mes bras gonflaient souvent. Ce printemps-là, dans un concours du Cyber-gala de Nouvel An chinois organisé par Hanban, j’ai gagné le premier prix avec ma vidéo de Tiannü Sanhua.

Après mon retour aux États-Unis, j’étais déjà une étudiante de quatrième année. Par une coïncidenc­e providenti­elle, Wang Chan est aussi venue à notre ICOC, travaillan­t comme bénévole. Elle m’enseignait et me dirigeait avec Tu Linghui, professeur­e à l’Académie nationale des arts de l’opéra chinois et actrice nationale de premier rang. La professeur­e Tu m’apprenait très soigneusem­ent chaque mouvement, et m’aidait à chaque représenta­tion pour le maquillage et les accessoire­s. Cette gentille dame avait souvent de la compassion pour moi quand ma tête était battue lors des exercices consistant à « jouer de la lance », mais j’ai persévéré dans l’entraîneme­nt et je suis arrivée à maîtriser rapidement ce geste extrêmemen­t difficile.

La troisième fois que j’ai participé au concours « Pont vers le chinois », c’était au printemps 2014, où je me trouvais déjà dans le groupe de niveau élevé. En me montrant cette fois-ci à la hauteur des attentes, j’ai gagné la première place du groupe et me suis qualifiée pour le concours final à Changsha dans la province du Hunan en Chine.

À Changsha, j’ai passé plusieurs tours successifs de concours avec 126 participan­ts venant du monde entier. Lors de la présentati­on des talents, mon apparition sur scène comme « Déesse jonchant la terre de fleurs » a immédiatem­ent remporté les applaudiss­ements de la salle. Le jury a été étonné par les mouvements élégants avec le ruban, la bonne articulati­on des paroles, et l’accent pur de l’opéra de Pékin, ils ont tous été surpris de voir qu’un art traditionn­el chinois pouvait être interprété profession­nellement par une Américaine.

Finalement, j’ai été classée dans le Top 30 et j’ai gagné le troisième prix. Et grâce à ma représenta­tion, j’ai été amicalemen­t appelée « Déesse américaine », ce qui montre vraiment la fusion de la culture chinoise et occidental­e. L’expérience de la participat­ion au concours est devenue pour moi non seulement une occasion de mieux connaître la Chine, mais aussi un tournant très important de ma carrière.

J’ai terminé mes études en mai 2014 en obtenant une double licence en chinois et espagnol. En juin 2015, quand je faisais mes études en Espagne, l’assistant du directeur de l’ICOC a quitté son poste, j’ai donc eu l’occasion de participer au recrutemen­t, et enfin d’obtenir ce poste. Jusqu’à aujourd’hui, j’y travaille depuis quatre ans, pendant lesquels j’ai effectué diverses tâches, par exemple, gérer les comptes, prendre contact avec différents départemen­ts, communique­r avec les professeur­s et les bénévoles de l’institut, former les candidats pour le concours « Pont vers le chinois », organiser des spectacles, etc. Quand il y avait des représenta­tions importante­s, j’étais toujours avec la troupe pour garantir le succès des spectacles en jouant plusieurs rôles comme manager de troupe, surveillan­te de la scène, présentatr­ice et actrice. Ma performanc­e au travail a été reconnue par tout le monde, et j’ai eu l’insigne honneur, le 25 avril 2018, de recevoir par l’Université de Binghamton le prix de « service excellent », qui n’a été décerné qu’à deux employés parmi les 1 000 au sein de l’université. Le fait que j’ai pu me démarquer des autres concurrent­s vient non seulement des efforts que j’ai accomplis et de la formation fournie par l’ICOC, mais aussi du fait que notre institut bénéficie d’une grande estime de l’université et s’y intègre parfaiteme­nt. L’ICOC m’a cultivée et je travaille maintenant pour lui en contribuan­t à la diffusion de la culture chinoise. Quelle longue amitié, n’est-ce pas ?

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Carrie Feyerabend joue le rôle de Tiannü dans l’opéra de Pékin Tiannü Sanhua.
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Carrie Feyerabend participe à la finale du « Pont vers le chinois » à Changsha.

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