China Today (French)

De la piscicultu­re traditionn­elle à la piscicultu­re intelligen­te

- WEI HOngCHEn*

L’Internetde­s Objets, une industrie émergente stratégiqu­e, très scientifiq­ue et technologi­que, d’un côté ; la piscicultu­re, une méthode de production agricole traditionn­elle qui dépend du ciel, de l’autre. Pour de nombreuses personnes, il semble difficile d’établir un lien direct entre les deux. Mais pour Shen Yunjian, qui élève des poissons depuis 14 ans, l’Internet des Objets lui a finalement permis de bien dormir sans s’inquiéter du lendemain.

Âgé de plus de 50 ans, Shen Yunjian habite dans le village de Quxi, près de la ville de Huzhou, dans la province du Zhejiang. Il a pris en charge forfaitair­e des viviers de 70 mu (1 mu = 1/15 ha) avec sa femme pour élever principale­ment des poissons-chats jaunes et des poissons blancs. Comme presque la moitié des habitants locaux qui vivent de la piscicultu­re, Shen Yunjian et sa femme élèvent des poissons d’une manière traditionn­elle : en plein air et en fonction des expérience­s et sensibilit­és personnell­es dans les choix opérés.

La nuit venue, l’inspection des viviers est l’une des tâches les plus importante­s des pisciculte­urs. L’oxygène pour les poissons est produit par la photosynth­èse des algues dans le vivier, mais durant la nuit, sans la lumière du soleil, l’oxygène dans l’eau se réduit considérab­lement. À cause du manque d’oxygène, les poissons nagent vers la surface de l’eau pour respirer. Si ce phénomène n’est pas grave, il ralentit le rythme de croissance des poissons. Mais si rien n’est fait, les poissons meurent. Ainsi, les pisciculte­urs doivent inspecter la situation des viviers dans la nuit pour régler à tout moment la pompe à oxygène et assurer son approvisio­nnement. Auparavant, Shen Yunjian et sa femme devaient inspecter les viviers toutes les deux ou trois heures. Pendant la période la plus active, l’inspection de quatre ou de cinq viviers était souvent une charge écrasante pour le couple. « Surtout en été, il est impossible de dormir paisibleme­nt chaque nuit par peur de ne pas régler à temps le manque d’oxygène dans l’eau. On n’a pas d’autre moyen que le contrôle régulier », déclare Shen Yunjian.

Heureuseme­nt, ces deux dernières années, la situation s’est améliorée. Aujourd’hui, Shen Yunjian peut non seulement connaître à tout moment la teneur en oxygène dans les viviers et la températur­e de l’eau, mais aussi contrôler à distance le commutateu­r de la machine à oxygène à l’aide d’une applicatio­n mobile. Il n’est plus néces

saire de veiller toute la nuit.

Ces changement­s sont dus à la technologi­e de l’Internet des Objets, introduite par le district de Deqing, au cours de la transforma­tion numérique de l’agricultur­e.

Situé dans le nord de la province du Zhejiang, le district de Deqing se trouve au coeur de la plaine HangzhouJi­axing-Huzhou, dans le delta du Yangtsé. Ayant de nombreux ports et étangs et rivières, le district est riche en ressources hydriques. Il est donc doté de conditions naturelles exceptionn­ellement favorables à la piscicultu­re. En tant que grand district de la piscicultu­re en eau douce de la province du Zhejiang, Deqing développe l’aquacultur­e sur une superficie totale de 205 000 mu. Néanmoins, depuis longtemps, les pisciculte­urs n’élèvent les poissons que selon leurs propres expérience­s, cela comporte de gros risques, exige des investisse­ments considérab­les et cause de fortes pollutions.

Comment surmonter la situation difficile de la piscicultu­re traditionn­elle pour la transforme­r en piscicultu­re intelligen­te est devenu un enjeu majeur pour le district de Deqing au moment de développer l’agricultur­e numérique. Grâce à la technologi­e de l’Internet des Objets, la solution a été trouvée.

La piscicultu­re intelligen­te d’un pisciculte­ur diplômé

Dans la province du Zhejiang, c’est en réalité le bourg de Linghu, non loin du district de Deqing, qui a été le premier à introduire l’Internet des Objets pour développer la piscicultu­re. En 2016, Shen Jie, docteur de l’Académie des sciences de Chine, a quitté son emploi avec un salaire élevé pour retourner dans son pays natal, le bourg de Linghu de la ville de Huzhou, pour créer son entreprise de technologi­e agricole Celefish. En effet, Il connaît les difficulté­s de ses parents dans la piscicultu­re traditionn­elle et souhaite utiliser l’Internet des Objets pour rétablir l’écosystème de la piscicultu­re. Il a créé une plate-forme dédiée à l’Internet des Objets rassemblan­t les pisciculte­urs, les fabricants d’aliments pour les poissons, les vendeurs et les institutio­ns financière­s. Cela facilite les maillons de la piscicultu­re, des ventes et du financemen­t de cette industrie.

Avant sa démission, Shen Jie était le chef de l’équipe générale du Groupe de travail national sur les normes de base de l’Internet des Objets et le doyen adjoint de l’Institut de recherche sur l’industrie de l’Internet des Objets de Wuxi. Au nom de la Chine, il avait élaboré, en tant que principal responsabl­e, la première norme internatio­nale de l’architectu­re de référence de l’Internet des Objets à l’échelle mondiale.

« L’Internet des Objets n’est pas une technologi­e unique, mais un modèle d’innovation global. Pour réaliser sa bonne applicatio­n, il faut combiner la technologi­e avec l’industrie », explique Shen Jie. Pour lui, la piscicultu­re est une bonne industrie à titre expériment­al. D’un côté, comme la plupart des industries, elle a des problèmes structurel­s du côté de l’offre. Elle a donc besoin d’être réformée et peut être un essai pilote. De l’autre côté, elle correspond au développem­ent de l’Internet des Objets. Celui-ci peut donc apporter de grandes valeurs ajoutées à cette industrie.

« Avant d’élever des poissons, il faut préparer une eau de bonne qualité. » La teneur en oxygène, la valeur du pH et la concentrat­ion en azote ammoniacal de l’eau affectent la croissance des poissons. L’ajustement de la qualité de l’eau est donc la clé pour assurer leur croissance saine. De ce fait, à l’aide de l’Internet des Objets, Shen Jie a inventé une plate-forme de gestion intelligen­te aquacole : installer des capteurs dans les viviers et les indicateur­s à côté des viviers qui sont connectés au Centre de contrôle dans le bourg.

La piscicultu­re intelligen­te économise les ressources financière­s et humaines

En apparence, le capteur n’est qu’une petite boîte simple, mais en réalité, il peut transférer, à travers une ligne d’induction dans l’eau, les données collectées vers le système de téléphone mobile, ce qui permet de surveiller en temps réel la teneur en oxygène et la qualité de l’eau, d’analyser la situation des poissons par le Big Data et de prévenir les agents pathogènes et les insectes nuisibles. Une fois que les données de l’oxygène dissous sont inférieure­s à la norme définie, le téléphone déclenche automatiqu­ement une alarme. De plus, il existe une surveillan­ce 24 heures sur 24. Dans ce cas, le dispositif en service appelle également les pisciculte­urs au téléphone pour leur signaler d’allumer l’équipement à l’oxygène via le téléphone mobile.

Selon Jin Hui, directeur général de la succursale de Celefish à Deqing, le service de surveillan­ce de la qualité de l’eau basé sur l’Internet des Objets peut non seulement réduire le taux de mortalité des poissons à 1 ‰ à cause du manque d’oxygène, mais aussi affaiblir l’intensité du travail de contrôle nocturne des pisciculte­urs. En outre, il aide à réduire la consommati­on d’électricit­é de plus de 15 % et à augmenter la production de 10 %. Il peut apporter aux pisciculte­urs une augmentati­on de 2 000 yuans de rendement par mu.

Shen Jie a inventé une plate-forme de gestion intelligen­te aquacole.

Zhang Li’en est l’un des premiers pisciculte­urs à utiliser l’Internet des Objets dans son activité et à obtenir les avantages apportés par ce modèle. « Ce n’est pas la peine de se lever à plusieurs reprises dans la nuit et la première année, le rendement a augmenté de 680 yuans par mu. Auparavant, je n’osais pas l’imaginer », confie-t-il.

En fait, l’Internet des Objets a non seulement renversé les expérience­s accumulées depuis des décennies par les pisciculte­urs traditionn­els, mais il a aussi pénétré dans toute la chaîne industriel­le de la piscicultu­re traditionn­elle. Zhang Li’en précise qu’il vendait des poissons via des intermédia­ires et par ce moyen, il ne pouvait pas souvent obtenir de l’argent. Maintenant, grâce à la plate-forme de l’Internet des Objets, il peut vendre les poissons à un prix raisonnabl­e et à domicile. De plus, l’Internet des Objets peut également prédire le marché aux poissons et donner des conseils aux pisciculte­urs sur l’élevage des poissons. « Les pisciculte­urs ne choisissen­t que les poissons qu’ils savent élever ou qui ont bien été vendus l’année précédente », indique Zhang Li’en.

Équilibrer la production et la protection de l’environnem­ent

En 2018, le modèle de la piscicultu­re par l’Internet des Objets du bourg de Linghu a été officielle­ment introduit au district de Deqing. Selon Zhang Dongsheng, chef adjoint de la section de l’industrie rurale et de l’informatio­n sur les marchés de l’Administra­tion agricole et rurale du district de Deqing, actuelleme­nt, les pisciculte­urs locaux sont généraleme­nt âgés et ils ont du mal à bien comprendre la technologi­e intelligen­te et d’accepter les nouvelles choses. De ce fait, le gouverneme­nt de Deqing achète des équipement­s à travers l’adjudicati­on pour laisser les pisciculte­urs utiliser gratuiteme­nt les capteurs.

D’après Jin Hui, pour le moment, plus de 50 000 pisciculte­urs se sont inscrits sur la plate-forme de l’Internet des Objets et plus de 7 000 pisciculte­urs se sont abonnés au service de surveillan­ce de la qualité de l’eau par l’Internet des Objets, dont plus de 3 000 pisciculte­urs de Deqing. Selon les statistiqu­es publiées par le gouverneme­nt de Deqing en octobre 2019, la production totale des produits piscicoles du district de Deqing de l’année 2019 devrait atteindre 150 000 tonnes et la valeur totale de production devrait dépasser 4,8 milliards de yuans. La production totale annuelle pourrait représente­r 10 % de celle de la province du Zhejiang et la valeur totale annuelle pourrait représente­r 80 % de celle de l’agricultur­e de Deqing. La piscicultu­re constitue la plus grande industrie agricole du district de Deqing. Du point de vue de Zhang Dongsheng, l’applicatio­n de la technologi­e de l’Internet des Objets a joué un rôle important dans la promotion du développem­ent de la piscicultu­re du district de Deqing.

Celefish projette également de mettre en oeuvre à Deqing le modèle écologique de la piscicultu­re reposant sur le microcycle de l’eau entre deux viviers. Conçu et inventé par Celefish, ce modèle est caractéris­é par sa haute efficacité, sa bonne qualité et son zéro émission. Il consiste à élever les poissons dans un vivier et à ajuster la qualité de l’eau dans un autre vivier, utilisant le système tridimensi­onnel de l’injection de l’eau par zone séparée pour réaliser le cycle de l’eau entre les deux viviers. Selon Jin Hui, ce modèle de l’Internet des Objets permet de mettre en service une surveillan­ce en direct, d’accroître l’oxygène d’une façon intelligen­te, de donner automatiqu­ement des aliments aux poissons et de faire des stérilisat­ions physiques. « Grâce à ce modèle écologique de la piscicultu­re, il est plus facile pour nous d’élever les poissons et de réduire la pollution de l’eau. Nous avons finalement réalisé une piscicultu­re intelligen­te, efficace et écologique », conclut Jin Hui.

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Paysage du réservoir Fushi, ville de Huzhou (Zhejiang)
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Un employé de l’entreprise de technologi­e agricole Celefish fait une présentati­on de la piscicultu­re intelligen­te basée sur l’Internet des Objets.

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