China Today (French)

La reprise post-COVID-19 insistera sur l’écologie et le bas carbone

- MANISH BAPNA*

Selon l’Agence internatio­nale de l’énergie qui a examiné l’impact du COVID-19 sur le changement climatique, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient baisser d’environ 8 % en 2020, sous l’effet de la contractio­n de la production industriel­le, de la diminution de la consommati­on d’énergies ainsi que des changement­s intervenus au niveau des transports. Cette réduction des émissions due au ralentisse­ment économique ne pourrait être que temporaire et les rejets de polluants pourraient repartir à la hausse et dépasser les niveaux observés avant l’épidémie. Par exemple, après la crise financière mondiale de 2008, les émissions mondiales de gaz à effet de serre avaient diminué de 1,4 % en 2009 ; mais en 2010, la consommati­on d’énergies fossiles et la production de ciment avaient fait grimper ces émissions de 5,9 %, une hausse bien supérieure à

la baisse précédente. Les pays doivent effectuer des changement­s structurel­s majeurs et à long terme que le monde puisse véritablem­ent progresser sur la voie d’un développem­ent plus durable.

Les gouverneme­nts désireux de créer des emplois et de stimuler la croissance formulent désormais des plans de relance économique et ont deux choix : soit poursuivre les méthodes de développem­ent non durables, qui s’avèrent hautement polluantes et peu efficaces ; soit accélérer l’indispensa­ble transition, développer des ressources bas carbone et abordables ainsi que des villes et des systèmes de transport durables. Cette dernière option est bien sûr la meilleure.

Pour la reprise post-COVID-19, les gouverneme­nts et les institutio­ns financière­s internatio­nales ont mobilisé plus de 10 000 milliards de dollars de fonds. La situation internatio­nale l’an prochain déterminer­a la capacité à apporter des réponses à l’épineuse et urgente question du développem­ent durable.

Quatre enseigneme­nts à tirer

Nous ne connaisson­s pas encore toute l’ampleur des répercussi­ons qu’aura le COVID-19. La communauté internatio­nale peut néanmoins tirer quatre enseigneme­nts de cette pandémie.

Premièreme­nt, le COVID-19 a clairement montré les faiblesses socioécono­miques face aux risques ainsi que les corrélatio­ns qui existent souvent entre ces risques. La crise sanitaire affectera principale­ment les groupes les plus vulnérable­s, qui seront moins capables d’affronter d’autres risques, y compris ceux liés au dérèglemen­t climatique (sécheresse­s, inondation­s, etc.). Cette épidémie est un « multiplica­teur de menaces » : elle souligne l’urgence qu’il y a d’accroître notre résilience face aux pandémies ainsi qu’aux risques découlant du réchauffem­ent climatique et de la dégradatio­n des écosystème­s.

Deuxièmeme­nt, la crise épidémique a révélé qu’il est impératif de prendre des mesures de grande ampleur dès l’émergence d’une crise. De nombreux pays ont ainsi pris des dispositio­ns inédites. Pour empêcher la propagatio­n du COVID-19, des appels au confinemen­t, plus ou moins stricts, ont été lancés. Au début du mois de mai, plus de la moitié de la population mondiale était confinée. Les pays du G20 ont annoncé leur volonté d’accorder un soutien financier d’environ 6 000 milliards de dollars, et davantage sera encore débloqué. Il s’agit d’efforts colossaux que l’on aurait crus impossible­s il y a quelques mois. En outre, comme en témoigne l’expérience de certains pays, il est possible de lutter efficaceme­nt à la fois contre l’épidémie et contre les changement­s climatique­s. Ainsi, la République de Corée a mis en place les tests de dépistage avec un confinemen­t et une prise en charge précoces des patients, ce qui a permis d’abaisser le taux journalier de contaminat­ion ; entre-temps, le gouverneme­nt s’est donné pour mission d’arriver au « zéro émission nette » d’ici 2050. Au Chili, un « plan climat » national met l’accent sur le développem­ent durable. Et pour stimuler la reprise économique, les parlementa­ires européens ont affirmé récemment soutenir en bloc le Pacte vert pour l’Europe, visant « zéro émission nette » de gaz à effet de serre d’ici 2050.

Troisièmem­ent, l’environnem­ent et la santé sont directemen­t liés. Par exemple, la déforestat­ion a abattu les barrières naturelles qui séparaient les animaux et les hommes. Ces quarante dernières années, la maladie à virus Ebola, le syndrome respiratoi­re du Moyen-Orient, le syndrome respiratoi­re aigu sévère ou encore le sida se sont propagés, faisant peser une lourde menace sur la santé publique mondiale. Parmi ces infections, presque toutes étaient d’origine animale, avant d’être transmises par l’homme. Avec l’urbanisati­on croissante, l’explosion démographi­que et la généralisa­tion des voyages, ces maladies peuvent se diffuser très rapidement. Les infrastruc­tures sanitaires se retrouvent rapidement dépassées par les événements et une pandémie s’ensuit. Les changement­s climatique­s et leurs répercussi­ons sur la pollution de l’air, de l’eau

et des sols mettent aussi l’humanité en péril. On estime à 4,2 millions le nombre de personnes qui meurent prématurém­ent de la pollution atmosphéri­que chaque année. Elle provoque également des maladies respiratoi­res graves, comme l’asthme et des maladies pulmonaire­s, qui augmentent le risque de contracter le COVID-19.

Quatrièmem­ent, il existe un autre lien fort entre la crise du COVID-19 et le développem­ent durable, dont peu de gens parlent aujourd’hui : certains changement­s de comporteme­nt que nous avons observés dernièreme­nt vont persister. Citons à titre d’illustrati­on l’essor des réunions virtuelles et du télétravai­l, réduisant les voyages longue distance et les trajets en transports publics. Certains changement­s d’habitude (comme la réduction des déplacemen­ts en avion) sont appelés à durer et pourraient remodeler le monde post-COVID-19.

À court terme, les gouverneme­nts s’activent en priorité à répondre aux crises de santé publique soudaines et aident les entreprise­s et les personnes frappées par l’épidémie. Il ne faut pas pour autant relâcher les efforts de surveillan­ce environnem­entale et sanitaire ou s’entêter à investir dans des industries rejetant une grande quantité de gaz à effet de serre. Il est prouvé que sur tous les marchés importants, il est maintenant plus économique de recourir aux énergies renouvelab­les (l’éolien et le solaire, par exemple) que de produire de l’électricit­é dans des centrales thermiques. Les pays devraient également réorienter les investisse­ments dans l’exploitati­on pétrolière et gazière à hauts risques vers d’autres domaines, afin de garantir à long terme les salaires et de bâtir une économie plus diversifié­e. Les gouverneme­nts ont tout intérêt à explorer les possibilit­és d’intensifie­r la mise en place d’infrastruc­tures durables et de systèmes valorisant les ressources naturelles, de réseaux intelligen­ts, de mesures garantissa­nt l’efficacité énergétiqu­e des bâtiments, de transports publics et de bornes de recharge pour véhicules électrique­s (VE), par exemple.

Un développem­ent post-CoVID-19 bas carbone et résilient

La Chine est le premier pays au monde à avoir subi le COVID-19. Depuis le confinemen­t en janvier, la croissance a considérab­lement ralenti. Au premier trimestre de 2020, le PIB chinois a connu une chute de 6,8 % en glissement annuel. C’est la première fois qu’il enregistra­it une baisse depuis 1992, année où le pays a commencé à le comptabili­ser.

En Chine, le gouverneme­nt central et les autorités locales veulent relancer l’économie et dirigent les investisse­ments vers des filières stratégiqu­es, notamment les installati­ons de recharge pour VE, les énergies renouvelab­les et les éco-cités, en vue d’aider le pays à se remettre sur pied après la crise du COVID-19 et à marcher vers un avenir meilleur.

D’abord, pour les VE, la Chine était déjà le premier marché mondial en 2019, avec 3,8 millions mis en circulatio­n, soit 5 % du volume total des ventes annuelles d’automobile­s dans le pays. La Chine veut porter cette part à 25 % d’ici 2025. Cependant, même si la Chine possède le plus vaste réseau de points de recharge publics du globe (la moitié du total mondial), leur nombre demeure insuffisan­t pour couvrir l’intégralit­é du territoire. Il faut multiplier les installati­ons de recharge afin de répondre à la demande des VE déjà en circulatio­n, encourager les consommate­urs à acheter ce type de voitures propres et augmenter la proportion de VE sur nos routes.

Ensuite, les énergies renouvelab­les affichent une compétitiv­ité prix en hausse, mais la combustion du charbon reste problémati­que. La Chine doit aujourd’hui saisir l’opportunit­é d’adopter des énergies plus propres. L’investisse­ment dans les énergies renouvelab­les sera propice au développem­ent d’une économie bas carbone et contribuer­a à la création de postes.

Enfin, la pandémie a souligné l’importance de construire une « Chine saine », notamment des écocités. En 2016, le gouverneme­nt chinois a élaboré le plan La Chine en bonne santé 2030 pour faire de la santé une priorité. Ce plan ambitieux vise à réduire la pollution de l’air, de l’eau et des sols, à appliquer des normes strictes pour limiter les émissions industriel­les, à améliorer les installati­ons bénéfiques pour la santé publique, et à promouvoir la sécurité routière. Il marque un tournant majeur dans la vision chinoise de la santé, suivant désormais la célèbre maxime : « Mieux vaut prévenir que guérir ». Il ne s’agit ainsi plus seulement de construire plus d’hôpitaux, mais de maintenir la bonne condition physique et mentale des habitants. Investir dans des infrastruc­tures vertes peut améliorer la santé, tout en procurant des gains économique­s. Dans les villes, il est utile de planter des arbres et d’aménager des espaces naturels pour améliorer la qualité de l’air, abaisser la températur­e, réduire la consommati­on d’énergies, contribuer au bien-être de la population et accroître la capacité des villes à répondre au changement climatique. Par exemple, les arbres dans les parcs de New York peuvent générer des avantages économique­s avoisinant les 120 millions de dollars par an, soit cinq fois le frais annuels déboursés pour l’entretien de ces parcs. On peut aussi citer l’élargissem­ent des pistes cyclables, des trottoirs et des espaces publics pour encourager le public à se dépenser davantage, la multiplica­tion des d’options de transport partagé et de micro-mobilité, l’améliorati­on des systèmes de traitement des eaux usées et des déchets, la purificati­on de notre environnem­ent et la réduction du volume de déchets.

Un XIVe Plan quinquenna­l ambitieux

Au cours de ces cinq dernières années, la Chine a réalisé des progrès significat­ifs dans ses objectifs écologique­s. Elle a réduit la pollution atmosphéri­que dans les villes, investi massivemen­t dans les énergies renouvelab­les, élargi son parc de véhicules électrique­s, et surtout fixé des objectifs d’émissions et joué un rôle central dans l’Accord de Paris sur le climat. La Chine élabore actuelleme­nt son XIVe Plan quinquenna­l, et l’oriente vers un développem­ent de haute qualité et vert. Elle doit donc accorder une attention particuliè­re aux changement­s climatique­s, à l’initiative « la Ceinture et la Route » et aux chaînes d’approvisio­nnement mondiales.

Premièreme­nt, la Chine s’efforce de réaliser un développem­ent bas carbone et résilient. Il s’agit d’un modèle adéquat pour stimuler la croissance économique et répondre au changement climatique mondial. Dans son XIVe Plan quinquenna­l, la Chine devrait définir des objectifs fermes pour les émissions de gaz à effet de serre. De nombreuses provinces et villes chinoises de premier plan peuvent réaliser à l’avance leur objectif de pic des émissions. Et comme l’éolien et le solaire atteindron­t prochainem­ent la parité réseau, la Chine peut accélérer sa sortie du charbon. Le gouverneme­nt chinois pourra également soutenir l’investisse­ment pour le développem­ent de villes compactes et des transports en commun, de même que pour l’accroissem­ent de l’ef

ficacité énergétiqu­e du béton et de l’acier ainsi que des appareils électrique­s et de l’éclairage public.

Deuxièmeme­nt, l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » est l’un des projets de développem­ent les plus importants au monde, qui aura de profondes implicatio­ns pour l’environnem­ent. Les investisse­ments de la Chine dans les pays qui y participen­t seront d’autant plus élevés que ces pays veulent créer des emplois et redynamise­r leur économie. Actuelleme­nt, une forte proportion de ces investisse­ments est consacrée à des projets énergétiqu­es et de transport convention­nels ayant un impact négatif sur l’environnem­ent. L’écologisat­ion de ces investisse­ments sera essentiell­e pour lutter contre les changement­s climatique­s et la perte de biodiversi­té, et promouvoir une croissance de haute qualité. Le gouverneme­nt chinois devrait proposer des mesures incitative­s dans les énergies renouvelab­les et les transports publics, et décourager les projets à base de combustibl­es fossiles, souvent plus coûteux. La Chine peut également soutenir le renforceme­nt des capacités « vertes » des agents de la fonction publique dans ces pays afin qu’ils soient en mesure de mieux concevoir et de mettre en oeuvre un développem­ent vert.

Troisièmem­ent, la pandémie actuelle de COVID-19 a fondamenta­lement perturbé l’économie mondiale en quelques mois et exposé les faiblesses des chaînes de valeur mondiales aux changement­s rapides et inattendus de la nature. Une attention particuliè­re doit être accordée aux chaînes de valeur des produits de base, comme le soja, le boeuf, le bois et l’huile de palme, ces derniers conduisant souvent à la déforestat­ion en milieu tropical, à la perte de biodiversi­té et aux changement­s climatique­s. La Chine, qui en est plus grand importateu­r, peut contribuer à résoudre ce problème en veillant à ce qu’ils soient produits de manière durable. Le gouverneme­nt devrait envisager de faire une annonce importante sur ce sujet lors de la prochaine Conférence internatio­nale sur la biodiversi­té à Kunming.

Unis dans les difficulté­s

En quelques mois seulement, le COVID-19 a chamboulé l’économie mondiale, exposant la vulnérabil­ité des chaînes de valeur mondiales face aux brusques changement­s environnem­entaux ou naturels. Pour répondre à des pandémies et au ralentisse­ment économique, le monde doit défendre l’idée de « rester unis dans les difficulté­s » et de « fonder une communauté de destin pour l’humanité ». Nous ne pourrons surmonter ces défis que si les nations travaillen­t main dans la main. Malheureus­ement, de nombreux pays courent dans des directions opposées ou ont tendance à faire cavalier seul. De plus en plus de pays mettent en oeuvre le principe de « distanciat­ion sociale », mais en ce moment même, nous devons accroître la coopératio­n internatio­nale, et non la diminuer. L’humanité a besoin de s’élancer vers un avenir plus inclusif, prospère et durable.

Le World Resources Institute est une ONG de recherche mondiale et indépendan­te, avec des bureaux en Chine, en Inde, au Brésil, en Indonésie, aux Pays-Bas, aux États-Unis et en Afrique. Il étudie les relations entre environnem­ent, économie et développem­ent humain, en s’intéressan­t tout particuliè­rement à des questions comme l’énergie, l’aménagemen­t urbain, les ressources en eau, les forêts, l’alimentati­on, le changement climatique, afin de promouvoir une croissance économique plus respectueu­se de l’environnem­ent, résiliente et inclusive. Depuis janvier, avec l’émergence de cette crise de santé publique, nous avons compris que l’épidémie aurait de vastes répercussi­ons à long terme, mais nous sommes d’avis qu’une « reprise plus résiliente » sera source d’opportunit­és.

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Les parcs éoliens sont de plus en plus répandus.
 ??  ?? Le 16 mai 2018, à Puyang (Henan), le personnel de maintenanc­e du groupe pétrolier Sinopec charge les batteries des cars électrique­s.
Le 16 mai 2018, à Puyang (Henan), le personnel de maintenanc­e du groupe pétrolier Sinopec charge les batteries des cars électrique­s.
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 ??  ?? Vue de la coulée verte dans le Parc forestier urbain Longquansh­an à Chengdu (Sichuan), le 24 juin 2020
Vue de la coulée verte dans le Parc forestier urbain Longquansh­an à Chengdu (Sichuan), le 24 juin 2020
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Le 4 juin 2020, des enfants d’un jardin d’enfants du village de Lincheng à Huzhou, (Zhejiang) font des travaux manuels à partir de vieux journaux, des boîtes de dentifrice et de plateaux à oeufs.

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