Coup de Pouce

PARCE QU’ON EST en 2017

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C’était un matin ordinaire pour Wanda Bedard, une entreprene­ure de la région montréalai­se. En lisant le journal, elle est tombée sur un article racontant qu’un Afghan avait vendu sa fille de neuf ans à un chef de guerre taliban. L’indignatio­n s’est emparée d’elle, et elle l’a exprimée à haute voix. Sa fille aînée, à ses côtés, lui a alors demandé: «Qu’est-ce que tu vas faire, maman?»

«Excellente question, a songé Wanda. Est-ce que j’aimerais faire quelque chose pour changer ça? Oui. Mais quoi?»

Pendant les années suivantes, elle a lu des livres, écouté des conférence­s, rencontré des gens. Ses recherches l’ont menée à la conclusion que, pour améliorer le sort des filles et des femmes à travers le monde, il fallait miser sur leur éducation. Pour qu’elles puissent mieux subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, ce qui leur fait acquérir de la valeur aux yeux de leur communauté. Pour qu’elles soient moins vulnérable­s et plus consciente­s elles aussi de leur propre valeur.

En 2006, Wanda Bedard a créé la fondation 60 millions de filles (60 millions de filles. org ). Depuis, elle a amassé 2,4 millions de dollars, ce qui a permis de financer 20 projets de scolarisat­ion des filles dans 14 pays.

J’ai écouté Wanda Bedard raconter son parcours à l’événement TEDx Montre al Women, auquel j’ai eu la chance d’assister en octobre dernier. Son histoire, ainsi que celles des autres conférenci­ères, donnait envie de se demander, nous aussi: «Qu’est-ce que je peux faire?» Ça faisait d’autant plus de bien que l’automne était rempli de nouvelles déprimante­s: témoignage­s d’agressions sexuelles, lynchage public d’une artiste ayant osé se présenter en t-shirt à un gala, propos sexistes d’un grossier personnage qui allait être élu président des États-Unis... Chaque jour ou presque amenait une manchette donnant envie de hurler, comme celle qui a inspiré Wanda Bedard à vouloir changer le monde, il y a 18 ans.

Il y a présenteme­nt dans le monde des courants qui nous incitent à nous replier sur nous-mêmes, à nous méfier des autres, à rester dans le statu quo (et même dans une vision romancée du passé), parce que c’est moins exigeant que de prendre en compte des réalités différente­s de la nôtre. Si on n’est pas en accord avec cette mouvance, si on croit plutôt qu’il est préférable de tendre la main, de faire preuve d’entraide et de travailler à une meilleure égalité entre tous, on peut faire notre part. On n’atteindra pas tous l’ampleur du travail accompli par Wanda Bedard, mais ce n’est pas grave. Parce que mis tous ensemble, nos actes de compassion contribuer­ont à faire pencher la balance du côté de la paix plutôt que de la division. Les nouvelles vont continuer à être découragea­ntes, par moments. Mais on n’a pas le choix de croire que la bonté peut triompher de la bêtise humaine.

Au début de son mandat, le premier ministre Justin Trudeau a lancé son désormais célèbre «Parce qu’on est en 2015» pour expliquer pourquoi son gouverneme­nt aurait la parité hommes-femmes. Peu importe notre allégeance politique, c’était rafraîchis­sant à entendre. Depuis, la phrase a été reprise à toutes les sauces, mais toujours dans cet esprit que les choses doivent évoluer dans le bon sens. Mon voeu pour l’année qui s’amorce: qu’on poursuive sur la même lancée, «parce qu’on est en 2017».

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Claudine St-Germain Rédactrice en chef

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