Recherche sur le cancer du sein : OÙ EN SOMMES-NOUS?
GRÂCE À LA RECHERCHE, DES PAS DE GÉANTS ONT ÉTÉ FAITS DANS LE TRAITEMENT DU CANCER DU SEIN AU QUÉBEC. SURVOL DE LA SITUATION ET AVIS D’EXPERTS.
L’ importance de la recherche clinique dans l’amélioration des soins n’est plus à prouver. «Toutes nos connaissances sur les divers traitements du cancer, on les a acquises grâce à la recherche clinique. Si on a un taux de survie aussi important dans les cas de cancer du sein aujourd’hui, c’est parce qu’il y a eu de nombreux protocoles de recherche antérieurs qui nous ont permis d’en arriver là», affirme d’emblée la Dre Dominique Johnson, directrice générale du groupe McPeak-Sirois, qui a pour mission d’améliorer les soins aux patientes atteintes du cancer du sein en augmentant l’accessibilité aux protocoles de recherche clinique.
Le développement de chaque nouvelle molécule, nouveau traitement ou nouveau test diagnostique est basé sur un protocole de recherche. Pour le développement d’une nouvelle molécule, par exemple, il peut s’écouler de 10 à 15 ans environ à partir de son identification jusqu’à son utilisation en clinique. Ce processus scientifique rigoureux comprend plusieurs étapes, à partir de la recherche fondamentale (où environ 10 000 molécules sont testées en laboratoire) jusqu’à la recherche clinique (où des volontaires et des patients évaluent la tolérance de l’organisme à la molécule, l’efficacité et l’innocuité de cette dernière), pour se conclure avec l’évaluation des résultats des études par les autorités gouvernementales. Une fois leur approbation remise, le traitement est finalement réglementé et commercialisé.
DES TRAITEMENTS DE PLUS EN PLUS PERSONNALISÉS
Le développement de nouveaux traitements permet aux médecins et aux spécialistes de personnaliser les soins en fonction des patientes et de leur type de cancer. «Il y a quelques années, on traitait tout le monde de la même façon, parce que nos connaissances n’étaient pas assez avancées», explique la Dre Louise Provencher, chirurgienne-oncologue au CHU de Québec. Dans les années 1970, par exemple, les médecins privilégiaient la mastectomie totale combinée au maximum de traitements tolérables. Aujourd’hui, lorsque c’est possible, on préconise la mastectomie partielle, accompagnée d’un minimum de traitements à plus grande efficacité.
«On a maintenant compris que tous les cancers n’évoluent pas de la même façon et qu’il faut en tenir compte, non seulement dans l’établissement du pronostic, mais aussi dans les traitements, poursuit la Dre Provencher. On s’est aperçu qu’il n’y a pas un cancer du sein, mais des cancers du sein.»
La stimulation du système immunitaire Notre système immunitaire, c’est le système de défense qu’a développé notre corps pour se protéger des envahisseurs étrangers (bactéries, virus, moisissures, parasites) présents dans l’environnement, qui peuvent causer des infections. Mais il pourrait aussi nous défendre contre les cancers…
Des chercheurs tentent d’ailleurs, depuis la fin du XIXe siècle, de stimuler le système immunitaire pour qu’il combatte lui-même le cancer. «Les découvertes en immunothérapie ont ouvert la voie à l’exploration de nouvelles façons d’aider le système immunitaire à reconnaître les cellules cancéreuses et à renforcer sa réponse pour les détruire», soutient le Dr Réjean Lapointe, professeur titulaire à l’Université de Montréal et directeur du laboratoire d’immuno-oncologie du centre de recherche du CHUM.
Notre système immunitaire se compose de plusieurs types de cellules, présentes partout dans l’organisme. Parmi celles-ci, les lymphocytes T peuvent reconnaître, attaquer et détruire les envahisseurs étrangers, dont les cellules cancéreuses. Mais les cellules cancéreuses sont pourvues à leur surface de protéines qui cherchent à bloquer les lymphocytes T pour pouvoir continuer à proliférer. C’est le défi des chercheurs en immunothérapie: inhiber ces protéines afin de réactiver les lymphocytes T.
Les premiers traitements en immunothérapie du cancer ont été autorisés et mis sur le marché en 2010 et 2011. En 2013, le prestigieux magazine Science les a sacrés découvertes de l’année. On estime que, d’ici 2020, le marché mondial de l’immunothérapie du cancer aura atteint 80 milliards de dollars. «Partout dans le monde, des scientifiques consacrent leurs efforts à faire évoluer nos connaissances dans le domaine, en espérant pouvoir un jour résoudre ce problème mondial qu’est le cancer», termine le Dr Lapointe. L’intelligence artificielle à la rescousse Selon le Dr Jeffrey Goldstein, conseiller principal pour le service de consultation de santé IBM Watson Health (Watson est un système d’intelligence artificielle mis au point par IBM), «presque la moitié des patients ne reçoivent pas le meilleur traitement possible». Pourquoi? «On publie des milliers de pages avec des centaines de milliers de données chaque jour. C’est devenu impossible pour un médecin de tout lire et de tout incorporer dans un traitement dit personnalisé», énonce-t-il. C’est ici que l’intelligence artificielle intervient. Ces systèmes qu’on dit «cognitifs» sont capables de lire et de comprendre des quantités astronomiques de données puis, à partir de celles-ci, de suggérer des solutions.
Pour déterminer le meilleur traitement pour une patiente atteinte du cancer du sein, par exemple, le système peut analyser la documentation médicale pertinente ainsi que les données de la patiente (symptômes, historique de santé, antécédents familiaux, régime alimentaire, etc.). «Au final, il propose les deux ou trois solutions de traitement les plus pertinentes», souligne le Dr Goldstein. Tout cela dans le but de faciliter la tâche aux médecins dans l’établissement d’un plan de traitement personnalisé... en plus de leur faire gagner du temps précieux. Quelques hôpitaux à travers le monde ont commencé à l’utiliser, mais il ne fait pas de doute que son utilisation est appelée à se répandre. Les nanorobots, des alliés… de taille! Une équipe de chercheurs montréalais a mis au point des nanorobots (qui ont la dimension d’atomes ou de molécules) pour s’attaquer directement aux cellules cancéreuses. «On a cherché une manière d’améliorer le système de traitement existant, mais aussi de livrer les médicaments de façon très ciblée sur la tumeur, ce qui permet d’en augmenter l’efficacité et d’en diminuer la toxicité», explique la Dre Té Vuong, radio-oncologue et directrice de la division de radio-oncologie de l’Hôpital général juif de Montréal.
Les nanorobots développés par l’équipe de chercheurs sont en fait des bactéries pouvant transporter des médicaments. Une fois injectés dans le corps, ils peuvent être dirigés à distance pour atteindre la tumeur, et ce, grâce à l’utilisation de champs magnétiques. Les chercheurs espèrent que l’administration localisée du médicament permettra de diminuer les doses, ce qui réduira les effets secondaires chez les patients et augmentera leur qualité de vie. LES EXPERTS CITÉS DANS LE TEXTE SE SONT EXPRIMÉS LORS DES CONFÉRENCES DONNÉES DANS LE CADRE DU FORUM «DE LA PRÉVENTION À LA GUÉRISON», ORGANISÉ PAR LA FONDATION DU CANCER DU SEIN DU QUÉBEC, QUI A EU LIEU LE 3 JUIN À MONTRÉAL.