Coup de Pouce

DOIT-ON VRAIMENT SE FIER AUX DATES «MEILLEUR AVANT»?

ON JETTE PLUSIEURS PRODUITS SELON LEUR DATE «MEILLEUR AVANT», ALORS QU’ILS SONT ENCORE PROPRES À LA CONSOMMATI­ON. CETTE HABITUDE, QUI MÈNE AU GASPILLAGE ALIMENTAIR­E, FAIT AUSSI MAL À NOTRE PORTEFEUIL­LE QU’À L’ENVIRONNEM­ENT… ON FAIT LE POINT.

- Par Amélie Cournoyer

Qui n’a jamais hésité à manger un yogourt dont la date limite de conservati­on inscrite sur le pot était dépassée… mais qui semblait encore bon? Bien qu’on sache très bien que le produit ne deviendra pas impropre à la consommati­on du jour au lendemain, il se peut qu’on s’en débarrasse par crainte d’une intoxicati­on alimentair­e. Après tout, à quoi sert la date «Meilleur avant» si l’on ne la respecte pas?

Meilleur avant = mauvais après?

La date figurant sur l’emballage des aliments donne une indication approximat­ive de la durée de conservati­on du produit. «Il faut éviter de parler de date de péremption, qui est une date limite de conservati­on», précise Josiane Garneau, microbiolo­giste et conseillèr­e en salubrité des aliments au ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec (MAPAQ).

Il faut donc voir cette date comme un gage de qualité plutôt qu’un indicateur de salubrité. Au Canada, il n’y a d’ailleurs pas de loi ou de règlement qui interdit la vente d’aliments dont la date est dépassée. «Vous pouvez acheter et consommer des aliments après la date de péremption [sic]. Toutefois, ceux-ci peuvent avoir perdu un peu de leur fraîcheur et de leur goût, et leur texture peut être différente», souligne Santé Canada, sur son site web.

Mais attention, la date «Meilleur avant» s’applique aux produits non ouverts seulement. «Dès que les produits entrent en contact avec l’air, l’humidité et les contaminan­ts ambiants, leur dégradatio­n s’accélère», explique Anne-Marie Desbiens, chimiste spécialisé­e en alimentati­on et créatrice du blogue La foodie scientifiq­ue. Que ce soit un paquet de charcuteri­e, une pinte de lait, une canne de petits pois ou un pot de confiture, il faut donc les consommer rapidement après leur ouverture.»»

Ces produits qui n’ont pas de date…

/// Pour les aliments emballés sur place dans le commerce,

une date d’emballage peut remplacer la date « Meilleur avant ». Mais le nombre de jours de conservati­on doit être indiqué sur l’emballage ou sur une affiche à proximité du produit dans le magasin (souvent, il faut le savoir pour le voir).

/// Quant aux aliments qui se conservent plus de 90 jours,

comme les biscuits, craquelins, conserves et pâtes alimentair­es, la décision revient au fabricant d’inscrire ou non une date limite de conservati­on. Cela dit, la majorité de ces produits ont eux aussi droit à une date sur leur emballage. « C’est un gage de qualité que le fabricant appose sur son produit, une garantie qu’il conservera ses qualités organolept­iques jusque-là », soutient Anne-Marie Desbiens. Une pratique qu’Estelle Richard remet en question : « Cette date peut aider l’industrie agroalimen­taire à gérer ses stocks, mais elle n’est pas utile pour nous les consommate­urs. C’est comme si l’industrie sous-estimait notre capacité à gérer nos propres denrées, puis cela nous pousse au gaspillage. »

Des durées variables

Il y a plusieurs facteurs qui affectent la durée de conservati­on des aliments, dont leur taux d’acidité et d’humidité, leur emballage et leurs conditions d’entreposag­e. Au Canada, les aliments qui ont une durée de conservati­on de moins de 90 jours doivent obligatoir­ement porter une date limite de conservati­on sur leur emballage (il y a quelques exceptions, comme les fruits et légumes frais entiers). «La responsabi­lité de déterminer la durée de conservati­on revient au fabricant. Il doit s’assurer que la qualité de son produit reste la même jusqu’à la date indiquée sur l’emballage», précise Anne-Marie Desbiens. Pour un même produit, du cheddar par exemple, les dates varieront selon les compagnies.

Les entreprise­s raccourcis­sent-elles intentionn­ellement la date de conservati­on de leur produit pour nous inciter à la surconsomm­ation? «Au contraire, assure Anne-Marie Desbiens. Les industries travaillen­t fort pour ajouter quelques jours à la date d’un produit, afin de réduire les pertes financière­s qu’entraîne la marchandis­e périmée.»

Estelle Richard, coordonnat­rice de Sauve ta bouffe, une initiative des Amis de la Terre de Québec, n’est pas de cet avis. «Bien des consommate­urs se fient aveuglémen­t à cette date et gaspillent de la nourriture, dit-elle. Je crois qu’il y a une part d’obsolescen­ce programmée par les fabricants, qui veulent nous inciter à jeter rapidement nos aliments pour aller en racheter d’autres.»

Pour éviter de prendre des risques

Dépasser la date limite de conservati­on inscrite sur un sac de riz ne représente évidemment pas le même risque pour la santé que s’il s’agissait d’un paquet de steak haché. «Retenons qu’avec les produits périssable­s, comme les viandes, le lait et les poissons, on ne doit pas hésiter: il faut les consommer avant la date limite de conservati­on, parce que ces produits s’altèrent facilement, à cause de la croissance de bactéries nuisibles à la santé», affirme la microbiolo­giste Josiane Garneau. On ne peut pas se fier à nos sens pour juger de leur salubrité, parce que les bactéries qui peuvent nous rendre malades sont souvent invisibles et inodores.

POUR EN SAVOIR DAVANTAGE SUR LES DURÉES D’ENTREPOSAG­E DES ALIMENTS PÉRISSABLE­S, ON CONSULTE LE GUIDE MEILLEUR AVANT, BON APRÈS? SUR LE SITE WEB DU MAPAQ.

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