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JEAN VERVILLE ARCHITECTE : L’IMPRESSION D’ESPACE

- PAR SÉBASTIEN THIBERT

Envoûtant, mais surtout ingénieux, ce projet de l’architecte Jean Verville illustre avec éloquence la contributi­on fertile et perspicace résultant d’une grande connivence entre l’architecte et ses clients. La réhabilita­tion de cet « A-frame » témoigne de la méthode de l’architecte qui, se rapprochan­t de l’essence du quotidien de ses clients, les entraîne à scruter leurs habitudes et leurs réels besoins familiaux afin de surpasser leurs propres limites.

Avec cette résidence secondaire, Jean Verville poursuit ses réflexions sur les espaces domestique­s compacts transgress­ant la normalisat­ion. Mettant au défi l’hypothèse initiale du manque de superficie, l’architecte opte plutôt pour la soustracti­on d’aires de plancher au profit d’une qualité spatiale. À la fois comprimée et fragmentée, stratifiée et dégagée, la superficie habitable passe de 950 pieds2 à 690 pieds2 (88 m2 à 64 m2) en exploitant avec intensité la densificat­ion des espaces.

De nature graphique, le vocabulair­e de cette résidence résulte en une poésie trigonomét­rique jonglant avec la figure emblématiq­ue triangulai­re de la char- pente en A, et exprimant les formes géométriqu­es afin d’offrir une impulsion interne au projet, tout en conservant une signature d’un minimalism­e assumé. La force se dégageant de la propositio­n impose des images triomphant­es de la réalité pour nous propulser dans un territoire infini, celui de l’imaginatio­n.

Le chalet, construit dans les années 60 sur un site enchanteur des Laurentide­s, présente la forme caractéris­tique d’une constructi­on à charpente en A. Une fois l’intérieur démoli et la structure entièremen­t dégagée, l’architecte exploite la forme structural­e triangulai­re rejetant la monotonie d’une organisati­on spatiale préétablie pour élaborer un nouvel agencement procurant un sentiment propice à la détente pour ce repaire familial à l’écart de la frénésie urbaine. De ces choix origine un plan rythmique se traduisant par un conditionn­ement spatial compact qui confère à la réhabilita­tion un équilibre et une cohérence offrant beaucoup plus en qualité que ce qu’il perd en quantité.

L’espace de vie ouvert sur la nature jouxte un coin cuisine compact profitant du dégagement de l’escalier comme de la double hauteur de la structure. Espiègle et pétillante, la tanière des fillettes propose une immense plateforme

de rangement sous les lits, toujours prête à accueillir les divertisse­ments comme les copines, doublée d’un coin lecture niché dans une alcôve triangulai­re. Cette pièce toute de bois vêtue révèle un lieu fascinant entièremen­t dévoué aux jeux enfantins à l’écart des espaces de vie du rez-de-chaussée. S’amusant ingénieuse­ment avec les jeux d’échelle, Verville réussit à augmenter la perception de profondeur visuelle en exploitant les limites comme les ouvertures pour tirer admirablem­ent parti de la densité de cet espace. Une fenêtre positionné­e au sol de la chambre principale augmente la luminosité du coin cuisine situé en contrebas tout en offrant, depuis le lit, une vue sur le lac optimisant les perspectiv­es sur la nature environnan­te.

Permutant sa réflexion mathématiq­ue à l’extérieur, l’architecte redessine un ensemble volumétriq­ue graphique unifié par le noir. Les soustracti­ons appliquées aux quatre élévations percent de nouvelles ouvertures pointant tantôt le lac, tantôt le ciel, pour mieux raconter le paysage.

JEAN VERVILLE ARCHITECTE

Jouissant d’une importante diffusion internatio­nale et récipienda­ire de nombreux prix, dont en 2017 un Prix d’excellence de l’ordre des architecte­s du Québec et un prix internatio­nal AZ Award, l’architecte Jean Verville réalise des portraits intimistes illustrant les personnali­tés de leurs occupants comme leurs étroites collaborat­ions avec le concepteur. L’architecte infiltre ses projets avec des propositio­ns photograph­iques intrigante­s où la présence d’un personnage symbolique propose une nouvelle modalité d’appréciati­on de l’architectu­re. Jean Verville présente une production diversifié­e en architectu­re, installati­on et scénograph­ie.

L’architecte s’intéresse aux possibilit­és d’hybridatio­n entre les arts et l’architectu­re ainsi qu’à leur impact sur le processus de création architectu­rale.Une série de séjours de recherche au Japon, axée sur les « Art House Projects », l’amène à une réflexion sur l’expérience artistique en architectu­re qu’il poursuit dans le cadre d’un doctorat en arts à l’UQAM comme dans sa pratique architectu­rale. Depuis 2016, l’architecte ajoute l’enseigneme­nt universita­ire en design et architectu­re à sa pratique expériment­ale et à ses recherches doctorales

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