L’IMPROBABLE AMITIÉ ENTRE PAUL ARCAND ET FIORI
UN IMMENSE RESPECT MUTUEL, LEQUEL A DÉBOUCHÉ SUR UNE GRANDE AMITIÉ ET PLUSIEURS COLLABORATIONS PROFESSIONNELLES. IL Y A TOUT DE MÊME DE QUOI SURPRENDRE!
L’animateur de Puisqu’il faut se lever est de la génération qui a passé son adolescence à écouter «du québécois», comme le voulait l’expression consacrée à l’époque. Harmonium était son groupe de prédilection. Il se souvient du choc originel: «CHOM, une station anglophone, avait été la première à présenter la musique d’Harmonium à la radio. C’est à l’époque où les DJ faisaient leur programmation et se permettaient des expériences. Ils faisaient tourner plein de trucs en français. Jouer des pièces plus longues ne leur posait pas de problème. J’avais tout de suite capoté sur la musique d’Harmonium. J’ai acheté le premier disque, et dès qu’il sortait un album, je me garrochais chez le disquaire de SaintHyacinthe. C’était MON groupe francophone.»
Paul Arcand se rappelle très bien la seule fois où il a assisté à l’un de leurs spectacles. «C’était au cégep que je fréquentais. Je conserve en tête une image: Serge était assis en petit bonhomme avec un poncho. Il était resté comme ça pendant cinq minutes. Il avait commencé avec une première toune et avait étiré l’intro. À cette époque, il y avait des parfums qui agrémentaient la performance. (rires) On se demandait quand il allait décoller. Il s’était levé tranquillement et donné un peu plus d’énergie. Ça avait été un show écoeurant!»
COLLABORATIONS
Arcand est intarissable lorsqu’il est question du groupe. Oubliez l’image du communicateur
rigoureux que vous avez de lui. C’est le fan qui parle. «Dans les années 1980, quand j’ai commencé à faire des entrevues, l’un de mes rêves était de rencontrer Fiori. Mais à l’époque, il refusait tout.»
Personne n’aurait pu prévoir les circonstances dans lesquelles il l’a interviewé la première fois. Rocambolesque. «En 1997, sa blonde d’alors et lui avaient été victimes d’une agression. Ils étaient venus me conter ça en studio et j’avais été flabbergasté. Quand tu commences une entrevue avec ton idole de jeunesse, tu pognes de quoi.»
Il n’y eut pas de suite jusqu’à ce que l’animateur se voie confier, de 2003 à 2009, l’émission Arcand, à TVA. «Encore là, il ne donnait pas d’entrevues, mais il m’avait reçu chez lui
«AU DÉBUT, J’IMAGINAIS UN MISANTHROPE QUI VIVAIT DANS SON BOCAL, MAIS PAS DU TOUT! SERGE EST VRAIMENT SWEET ET SUPER DRÔLE.»
pour m’en accorder une. Il me parlait des “petits bonshommes à cigares de l’industrie qui ne respectaient pas les créateurs”; ça avait fait des vagues.»
Le lien entre les hommes était désormais solide. Fiori lui avait accordé sa confiance.
Lorsque Paul Arcand est devenu morning man au 98,5, il avait proposé à ses patrons de contacter l’ex-leader d’Harmonium pour composer le thème de son émission, Puisqu’il faut se
lever. Après tout, son idole avait écrit le jingle du Festival Juste pour rire, de la musique pour des documentaires... «Je l’ai appelé et on en a discuté chez lui. Dix jours plus tard, il m’a invité chez lui pour écouter ça. On s’est installés dans son studio, et je capotais. Ado, je tripais sur sa musique, et là, il avait écrit le jingle de mon show de radio. C’est comme si un animateur qui tripe sur Paul McCartney lui demandait de faire la musique de son émission et qu’il acceptait. Qu’est-ce que tu veux de plus?» On vous a prévenu qu’il est un fan fini, n’est-ce pas?
En 2005, le journaliste réalisait son premier documentaire, Les voleurs d’enfance, qui abordait le délicat sujet de l’aide apportée aux jeunes en difficulté. Fiori étant un gars sensible, Arcand lui demande d’en faire la trame sonore. Comme d’habitude, le musicien l’invite chez lui pour en discuter. «C’était le matin, mais Serge ne fonctionne qu’à partir de la fin de l’après-midi. Je lui avais dit que les témoignages étaient déjà assez lourds et intenses, que je n’avais pas besoin d’une musique qui allait en rajouter. Je voulais juste une présence musicale discrète. Je pars de chez lui et, le temps d’arriver chez moi, il m’avait envoyé une maquette. C’était à s’ouvrir les poignets! (rires) On s’est ajustés. Serge est super cool pour ça.» Plus tard, le tandem allait bosser à nouveau ensemble pour Québec sur ordonnance, qui traite de la consommation de médicaments et de l’industrie pharmaceutique.
DES PERSONNALITÉS DIFFÉRENTES
C’est au fil de ces collaborations qu’ils ont développé une amitié. «Serge et moi avons des personnalités assez différentes. Je pense que c’est pour ça qu’on s’apprécie. Il me disait: “Les gens pensent que je suis un ermite et un sauvage.” Au début, j’imaginais un misanthrope qui vivait dans son bocal, mais pas du tout! Serge est vraiment sweet et super drôle.»
Drôle dans son approche, aussi. Arcand rappelle: «Lorsque Harmonium a lancé L’Heptade XL, j’ai réalisé une entrevue avec lui et Louis Valois pour la radio. Un lancement était aussi prévu. Serge me dit ça et me demande: “Viendrais-tu?” Je lui ai répondu que je n’étais pas un gars de cocktails, mais que j’irais sûrement. Il me relance: “Viendrais-tu sur scène pour animer et faire une entrevue avec Louis et moi?” Ce n’est pas ma tasse de thé, mais je l’ai fait parce que c’était lui.»
C’est au Métropolis que s’est déroulé l’événement. Sur la scène, l’animateur posait des questions à deux des membres fondateurs d’Harmonium. Une soirée magique. «Serge était nerveux. Il n’avait pas à chanter, mais le seul fait d’être sur scène le stressait. Il demeure fragile, mais il se porte nettement mieux. Il a un charisme exceptionnel. C’est un leader de band et il dégage un grand magnétisme.»